Passion Parfums

 

 

 

Il y a quelques mois, j’ai lu que Bertrand Duchaufour lançait sa propre marque et j’avoue que je brûlais de découvrir les six créations composées pour ce lancement. Nichée dans la rue des Francs-Bourgeois, face aux magnifique bâtiment des Archives Nationales, la boutique parisienne de L’Entropiste vient donc d’ouvrir ses portes. Minimaliste, élégante, elle laisse toute sa place au parfum. Je ne vais pas revenir sur ce que je pense du travail de Bertrand Duchaufour mais, même si je n’ai pas une âme de fan, je ne peux qu’admirer sa créativité, son inventivité et ce sens de l’esthétique parfumée qui fait de chacune de ses composition un parfum unique et bien souvent inattendu. Je ne compte plus le nombre de ses créations que j’ai eu la chance de porter ou que je porte encore aujourd’hui. Je ne pouvais pas passer à côté. C’est Marion de la chaîne YouTube Des Paons Danse Cent Heures qui m’a proposer d’aller découvrir ces nouvelles merveilles avec elle et nous avons étés royalement bien reçus pas Laetitia qui nous a présenté toute la collection. Je ne vais pas parler des six parfums car je ne veux pas que cet article soit trop long mais je me suis laissé guider par mes émotions pour extraire les trois qui m’ont le plus attiré. J’aurais aussi pu évoquer les trois autres mais je préfère restreindre un peu mon champ de narration pour que vous puissiez vraiment vous rendre compte de ce qui m’a le plus séduit.

« Sur ses lèvres, un goût acidulé, un goût de litchi. Son corps lascif, outrageusement recouvert de poudre de riz est étendu à même le tatami… ». Le premier parfum qui m’a vraiment impressionné est « Blanc Sada ». Inspiré d’une geisha célèbre qui lui sonne son nom, cette création de Bertrand Duchaufour m’a particulièrement impressionné par son côté régressif et le réalisme de la note poudre de riz que j’ai pu connaitre dans mon enfance et que j’ai toujours cherché à retrouver en parfumerie. Bien sûr, il y a dans ce parfum quelque chose de cosmétique, d’irisé avec des notes de paille qui lui donnent un côté presque vert par moment, Bertrand Duchaufour décrit sa création comme « une ode à la sensualité » mais quand je le sens, je m’éloigne un peu de l’inspiration initiale pour rechercher ma propre émotion et, pour moi, il y a comme quelque chose de l’enfance, des premiers souvenirs olfactifs, comme ce poudrier des élégantes du XXème siècle pour qui la soie et le maquillage étaient importants et revêtaient des odeurs de poudre de riz, de rouge à lèvres qui restaient parfois sur un foulard posé sur le dossier d’une chaise. « Blanc Sada » est intensément intemporel et j’ai été séduit pour ce qui est, pour moi, comme un retour au source même si je comprends parfaitement l’inspiration du parfumeur.

 

 

 

« Jodhpur à l‘aube. Les traits tirés par une nuit éreintante de voyage, je descends du bus alors que les lueurs du jour commencent à poindre. Il fait gris et bleu sur la ville, mes yeux cernés s’émerveillent. Un vendeur de chaï me tend une tasse. Sa saveur insolite et son odeur suave se mêlent à celles de myriades de fleurs étalées tout le long d’un marché en train de s’ouvrir… Une caresse à l’âme ». Mon coup de coeur va indéniablement vers « Jodhpur 6AM ». Il est vrai que la tubéreuse est l’une des notes que je préfère en parfumerie et cette manière de la traiter, totalement inédite, ne pouvait que me séduire absolument. J’ai d’ailleurs demandé à être parfumé avec cette création et j’ai pu vivre avec. En parler m’est donc assez facile. La fleur, qui peut revêtir parfois un côté floral capiteux ou animal, est imaginée d’une manière très différente, je sens un côté fruité et, bien évidemment épicé qui détourne quelque peu des accents parfois médicinaux ou trop charnels. Elle est mêlée au gingembre mais surtout à la cardamome avec un côté thé… comme un chaï réconfortant entre la chaleur et les épices désaltérantes. Sur ma peau, le côté très floral ressort bien et le parfum se fait léger, presque évanescent et je lui trouve même quelque chose de pétillant. J’ai beaucoup aimé « Jodhpur 6PM » comme oeuvre artistique mais aussi comme fragrance à porter. Si je devais me décider pour l’une des créations de la marque, ce serait celle-ci.

 

 

« Dorian ne se pose pas de questions. Il se nourrit de son seul ennui face à sa vie éternelle, ni désir, ni plaisir ne suscite en lui d'élan intérieur. Il broie un noir au-delà duquel rien ne s’imagine. Ses débauches ne suffisent plus pour ressentir le moindre plaisir. Il se sait immortel et pourtant… ». J’ai gardé le plus clivant pour la fin. N’oublions pas que nous sommes dans un monde où les codes sont un peu malmenés. Ambré, cendré, liquoreux et pimenté, « Dorian Spleen » s’inspire du caractère complexe et du dandysme de Dorian Gray, le héros d’Oscar Wilde qui, grâce à de mauvaises actions, veut conserver la beauté éternelle de son portrait. Il en résulte un parfum très fumé, un brin liquoreux avec des notes presque cendrées relevées par le piment. Pour mon nez, habitué à des parfums comme « Bois d’Acèse » ou encore « Vi et Armis » de Beaufort London, « Dorian Spleen » n’est pas aussi extravagant. Je le trouve juste très réussi tout en restant pas forcément facile à porter. Il est vraiment ce que l’on attend d’un parfum d’auteur : segmentant, original et parfaitement inédit. Pour moi, il a un côté whisky bu installé dans un fauteuil près d’une cheminée. Je sais, ça a l’air un peu convenu mais le parfum ne l’est pas. Il s’avère très singulier et ne sera pas reçu de la même manière par toutes celles et ceux qui le découvriront. Nous étions trois à explorer l’univers de L’Entropiste et nous ne l’avons pas reçu de la même manière.

 

 

J’aurais pu évoquer aussi « Semence Douce » et son évolution absolument incroyable (d’ailleurs, il n’est pas dit que je ne le fasse pas dans un prochain article), ou encore « Dawn Whisper » ou « Altamura » mais ils ne m’ont peut-être pas touché de la même manière et c’est normal. J’ai hâte de connaitre, à tête reposée, les impressions de Marion car découvrir la collection ensemble était vraiment très stimulant. Nos goûts s’éloignent pour se rejoindre parfois et la confrontation de deux sensibilités est toujours passionnante. Je voudrais particulièrement remercier Laetitia qui a su nous faire vivre les parfums de la marque comme une conteuse, avec ce qu’elle en savait mais aussi son propre ressenti. La visite de la boutique L’Entropiste était un vrai moment de partage de passion et, vraiment, c’est pour ce genre de moment que j’aime tellement animer ce blog.