"L'Heure Bleue", l'un des chefs d'oeuvre de Jacques Guerlain
Parmi les grands parfumeurs, un nom revient toujours et je l’ai déjà évoqué, c’est celui de Jacques Guerlain (1874-1963) et je ne compte plus les chefs-d’oeuvre qu’il a inventé. Je peux citer par exemple « Mouchoir de Monsieur » (1904), « Après l’Ondée » (1906), « Mitsouko » (1919) que j’ai porté et que j’aime beaucoup, « Shalimar » (1925) ou encore « Vol de Nuit » (1933) mais j’ai eu envie de me concentrer sur « L’Heure Bleue » (1912) que j’ai découvert seulement il y a quelques années. Je l’ai déjà évoqué dans un article anecdotique dans lequel je racontais que le personnage de Teresa di Vicenzo interprétée par Diana Rigg le portait dans une aventure de James Bond, « Au service Secret de sa Majesté », réalisé par Peter Hunt en 1969 mais je n’avais pas détaillé mes impressions. J’ai donc décidé de m’y pencher.
Diana Rigg dans "Au Service Secret de Sa Majesté"
Sur le site de la marque, le parfum est décrit de la façon suivante : « "Le soleil s’est couché, la nuit pourtant n’est pas tombée. C’est l’heure suspendue... L'heure où l'homme se retrouve enfin en harmonie avec le monde et la lumière." disait Jacques Guerlain. Il évoquait son moment favori où "la nuit n'a pas encore trouvé son étoile". C'est cette sensation fugace qu'il souhaita exprimer en 1912 à travers le parfum l'Heure Bleue. ». Je dois dire qu’il ma fallu quelques temps pour apprivoiser cette création lorsque je l’ai découverte. Certes, « L’Heure Bleue » a toujours été considéré comme l’une des plus belles réussites de la maison mais sa complexité, son côté désuet et son sillage important (en tout cas en eau de parfum) m’ont un peu dérouté. Floral, poudré et même vanillé, c’est un parfum vraiment complexe et j’ai beaucoup de mal à le rapprocher franchement d’une famille olfactive. Pour moi, il n’est pas vraiment un fleuri, pas vraiment un poudré et pas vraiment un oriental mais un composite des trois.
Jacques Guerlain
Il a été créé un peu avant la première guerre mondiale et je pense que, déjà à l’époque, il devait être à la fois singulier et dans l’air du temps. J’ai pu sentir plusieurs parfums de cette époque qui comportaient plusieurs notes communes avec ce jus mais je trouve qu’il est et reste, de toute manière, plus complexe voire sophistiqué que ceux auxquels je pense. Après l’ouverture de cardamome, de néroli et de bergamote, la surabondance de fleurs telles l’oeillet, l’orchidée, le jasmin, la fleur d’oranger, l’ylang ylang, la rose, la violette et la tubéreuse poudrée par une note d’héliotrope et re-poudrée par un iris très profond le rend tout à fait unique. Le fond de vanille, de fève tonka, de benjoin, de vétiver et de muscs blancs de sa version actuelle est très profond. J’imagine qu’il devait l’être encore plus à sa création. Si la version eau de toilette est un peu moins intéressante car plus « plate », j’ai beaucoup aimé découvrir l’eau de parfum et surtout l’extrait.
Si les reformulations ont du, au cours des décennies, être nombreuses, compte-tenu des interdictions de matières premières mais mais seulement, « L’Heure Bleue » a du changer pas mal mais je trouve que, contrairement à d’autres anciens parfums de la maison Guerlain, l’esprit « début de siècle » est respecté. On aime ou on n’aime pas ce parfum. Je pense qu’il peut difficilement laisser indifférent. Pour ma part, je le disais en introduction, il m’a fallu du temps. Ma première impression m’a un peu « désarçonné » et je ne l’ai pas aimé tout de suite. Aujourd’hui, après avoir découvert l’extrait, je me rends compte que « L’Heure Bleue » est une référence dans la parfumerie française. D’ailleurs, nul doute qu’il a influencé plusieurs parfumeurs de talents de manière plus ou moins assumés. Je pense notamment à Christopher Sheldrake qui en a imaginé une variation très cuirée et très surprenante en créant « Cuir Mauresque » en 1996 pour Serge Lutens. La parenté, lorsque j’ai redécouvert ce parfum, semble assez évidente et tout à fait voulue. Je peux aussi penser à « Or des Indes » créé par Jean-Paul Millet-Lage pour Maître Parfumeur et Gantier en 1988 par exemple.
Pour résumer mon impression, je dirai que « L’Heure Bleue » est mythique et fascinant et qu’il mérite d’être redécouvert. Le porter, notamment en eau de parfum ou en extrait est faire preuve d’une grande élégance et il est finalement assez intemporel. Je ne sais pas s’il pourrait être une option pour une jeune fille mais je me plais à penser que certaines d’entre-elles, imaginatives, sauraient le faire revivre et lui rendre sa modernité. Un parfum est beau quand on aime le porter et celui-ci doit être sublime lorsqu’on se l’est approprié avec goût.
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