L'imagination de Bertrand Duchaufour

Que dire de Bertrand Duchaufour sinon qu’il est un parfumeur très talentueux, qu’il est sans doute l’un des plus prolifiques de sa génération et qu’il a composé parmi les plus belles fragrances de plusieurs marques telles que l’Artisan Parfumeur et Penhaligon’s. Il compte à ce jour plus de deux cent créations parfumées de toutes sortes. J’ai eu beaucoup de mal à n’en sélectionner que cinq parmi celles que je connais car il en est beaucoup que j’aime même si je ne les porte pas, notamment chez Penhaligon’s, une marque dans laquelle, je trouve, il s’est particulièrement illustré. Il m’a fallu tout de même choisir, arbitrairement, avec la même adresse qui serait nécessaire à un jeu de mikado afin de montrer quelques unes des différentes facettes de son talent. J’espère que, si vos goûts vous emmènent vers d’autres parfums, vous m’en ferez part.
Parmi toutes les très belles créations pour l’Artisan Parfumeur, j’ai un faible pour « Piment Brûlant » lancé en 2002 dans un triptyque pour lequel il avait aussi inventé « Poivre Piquant ». C’est un oriental épicé très singulier et on retrouve le piment rouge à tous les étages de la pyramide olfactive mais il est surtout construit autour de la fève de cacao, de la vanille et du clou de girofle. Attention, il n’est nullement un parfum gourmand malgré des notes d’ambre. Il est plutôt sec, très original et je trouve qu’il s’adresse à un public de personnes pleines de vies et d’audace. Je trouve que ce parfum a quelque chose d’une « expérience olfactive » inédite tout à fait dans l’esprit de ce qu’a voulu faire Jean Laporte en créant sa marque. C’est un peu un « objet parfumé non identifié » et, en même temps, le porter a quelque chose de tout à fait jubilatoire car, outre le fait, que c’est une réelle création artistique, je trouve que c’est une création très énergisante et agréable à porter.
C’est donc lors de notre dernier passage au Bon Marché à Paris que nous avons découvert, il y a quelques mois, « Dance Among the Lace », littéralement « Danse parmi la dentelle », le tout dernier opus de la marque britannique Miller Harris et je dois dire que je l’ai trouvé bien plaisant. Ce travail rond mais frais autour du géranium, de l’angélique et du bourgeon de cassis est absolument surprenant. Les notes de menthe et de verveine nous donnent l’impression de nous promener dans un jardin anglais à la végétation luxuriante, intense, un peu déroutante. J’ai beaucoup aimé ce parfum et, vu que je connais assez mal la marque, il a été, je trouve, une excellente entrée en matière pour moi même si j’ai eu l’impression de commencer à découvrir par la fin puisqu’il date de 2019 et qu’il venait de sortir. Bertrand Duchaufour, une fois de plus, m’a surpris, emmené sur des chemins olfactifs que je ne connaissais pas et j’ai été séduit. Je n’ai pas essayé assez bien « Dance Among the Lace » mais, dès que j’en aurai l’occasion, je vais remédier à cela soyons-en certains.
Lorsque j’ai découvert la marque australienne Grandiflora, j’ai donc eu un coup de coeur immédiat pour « Queen of the Night », créé en 2016. J’en ai déjà parlé plusieurs fois mais dans ma vie, j’ai eu rarement envie d’un parfum aussi vite. C’est un très beaux fleuri construit autour de la fleur de syringua et du jasmin. À la fois profond, légèrement aldéhydé et très ambré fleuri, il dépoussière complètement le style et ne ressemble à absolument rien d’autre. Je trouve que ce parfum aux accents très « Commonwealth » est comme l’odeur d’une fleur rêvée capiteuse, inédite et absolument envoûtante. Je le porte depuis son arrivée en France et je l’adore. Il est aussi facile à s’approprier au coeur d’un hiver froid que durant un printemps ou un automne ensoleillé. « Queen of the Night » n’est pas un air d’opéra pyrotechnique comme dans la Flûte Enchantée de Mozart mais plutôt une symphonie dans laquelle chaque note est à sa place et dont le violon solo est particulièrement virtuose. C’est un parfum confidentiel mais je le porterai autant que je pourrai car vraiment je l’aime beaucoup. J’ai aussi trouvé que « Boronia », le second parfum qu’il a créé pour la marque en 2017 était une belle réussite mais c’est une autre histoire.
Des trois parfums que Bertrand Duchaufour a créé pour Olibere, « Balinesque » lancé en 2015 est mon préféré. Je trouve qu’il est tout en douceur, en rondeur, en élégance tout en restant résolument exotique et en nous emmenant dans un voyage au bout du monde. Je trouve que l’association du bambou, des épices (gingembre, cardamome, cumin et cannelle) se marie admirablement avec le coeur fleuri (jasmin, orchidée, rose, géranium, héliotrope) et marin et le fond de vétiver et de bois de santal. Réconfortant, dépaysant, c’est une jolie réussite. J’adore son petit côté faussement désuet car, finalement, « Balinesque » est vraiment très moderne et particulièrement réussi. Je crois que, parmi les doses d’essai que j’ai essayé depuis un mois et demi, il est l’un de mes vingt préférés. Enveloppant, il a un petit côté « vacances », je ne vous dit que ça ! (vidéo en annexe).
Lancé par Penhaligon’s en 2014, « Lothair » est un aromatique fougère très « à l’anglaise » et nul doute que l’exercice de style a du être, pour Bertrand Duchaufour, passionnant à réaliser. L’envolée de pamplemousse, bergamote et feuille de figuier a presque un côté « fruits routes » et les notes de coeur de lavande, géranium, magnolia et thé noir sont vraiment originales. Le parfum est soutenu par des notes de fond de muscs blancs et de cèdre d’une grande élégance. Je me souviens avoir senti « Lothair » lorsqu’il est sorti et en avoir eu très envie. Je l’ai essayé souvent et finalement, j’ai opté pour un autre parfum de la marque mais j’y suis revenu souvent. Je l’ai re-senti au début du printemps et je me suis dit qu’il me plaisait toujours autant. C’est un parfum de gentleman britannique faussement classique. Facile à porter, un peu « savonneux », je trouve qu’il est vraiment très élégant. Il est probable qu’un jour, c’est une création que je porterai.
J’ai découvert « Ostara », créé pour Penhaligon’s en 2015 à la fin de l’hiver et j’ai trouvé qu’il avait un côté fleuri et vert comme l’idée que je pourrais me faire du crocus ou de la jonquille. Je trouve que Bertrand Duchaufour a inventé un parfum de sortie d’hiver avec un bouquet fleuri entre narcisse, ylang ylang, cyclament et aubépine posés sur un fond résineux de styrax et de benjoin. Très « vieille Angleterre », « Ostara » est une promenade dans un jardin encore frais, à peine sorti de l’hiver avec les premiers bourgeons et les premières fleurs. Reconstituer l’odeur d’une jonquille rêvée était un challenge tout à fait hors norme et le parfum est une véritable réussite. Je le trouve absolument magnifique. Pour moi, il fait partie des très beaux floraux de la collection des eaux de parfum de la marque et j’aime beaucoup son petit côté frais et amer à la fois.
Ce ne sont que quelques exemples du travail colossal entrepris par Bertrand Duchaufour car il a créé des parfums pour de nombreuses marques. Vous avez croisé certaines de ses créations au fil des pages de ce blog. Je pense à « Vaara »toujours pour Penhaligon’s ou encore « Or du Sérail » pour Naomi Goodsir par exemple mais de nombreuses autres pépites ont retenu mon attention depuis que je m’intéresse à la parfumerie. Je vous en parlerai sans doute à nouveau et souvent.
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