Passion Parfums

M’attaquer à la collection privée de Dior est quelque chose que j’ai longtemps repoussé car les références sont nombreuses et qu’il me faudrait faire un choix entre toutes les créations de François Demachy et des autres parfumeurs qui ont collaboré. Il m’a fallu découvrir certains parfums, en re-sentir d’autres, m’y pencher une fois, deux fois, trois fois avant de me mettre à la rédaction de cet article. Je ne peux pas dire que, à quelques exceptions près, je sois très attiré par l’ensemble de la Collection Privée mais je dois bien avouer qu’il y a de belles choses et que certains des jus sont devenus quasiment mythiques. Je regrette un peu que d’autres soient passés dans la sous-collection des « Rarissimes » mais nous y reviendrons. Pour écrire cet article, j’ai du me recentrer sur six créations afin de ne pas être submergé. J’ai fait un choix à mi-chemin entre l’arbitraire de mes goûts et le succès de certains. Je vais donc, tant bien que mal, essayer de vous entrainer dans cet univers parfumé qui, tour à tour me séduit et me rebute en me concentrant sur ce que j’ai aimé.

Je vais en parler tout de suite car il est, sans aucun doute, le best de la collection, il s’agit, bien évidemment de « Bois d’Argent », inventé en 2004 par Annick Menardo et qui, je le dis bien volontiers, est assez séduisant même si son immense succès me surprend tout de même car il est, somme toute, assez classique. Le départ de cyprès est poudré par une note d’iris et épicé par les baies de genévrier. Le coeur de myrrhe et de patchouli lui donne une belle profondeur mais j’avoue que je suis un peu moins séduit par le fond un peu trop complexe de cuir, d’ambre, de notes miellées et musquées construit autour des muscs blancs. C’est un peu beaucoup d’informations olfactives pour moi. Je l’ai essayé car je voulais m’expliquer un peu le coup de coeur qu’il est pour de nombreux clients qui ne sont pas forcément, à la base, des amateurs de parfum. Je ne saurais l’expliquer. Pour ma part, je le trouve très agréable mais il me surprend sans vraiment m’étonner. Je trouve que c’est un joli parfum, un peu classique, avec une pointe d’originalité. C’est peut-être ça la recette.

Créé par François Demachy et lancé en 2012, « Grand Bal » m’a pas mal séduit. Lorsque je l’ai découvert, j’étais dans une période où je portais beaucoup de fleuris et je dois dire qu’il m’avait pas mal séduit. Le départ de bergamote, très pétillant nous conduit sur un coeur de jasmin et d’ylang ylang rehaussé par une note de fleur d’oranger. Ce qui est drôle, c’est qu’avec le fond légèrement boisé, je lui trouve des accents de lilas alors qu’il semblerait qu’aucun accord reproduisant cette fleur ne soit utilisé dans sa composition. « Grand Bal » est élégant, presque tonique et ce bouquet de fleurs blanches et jaunes ravit mes narines il faut bien le dire. À l’époque, je l’avais essayé et il m’avait bien plu mais j’avais trouvé la tenue un peu moyenne. J’avais donc renoncé à l’acquérir. Pour écrire cet article, je l’ai re-senti car je savais qu’il avait été reformulé et j’ai découvert l’apport de l’hédione. Je l’ai trouvé joli mais il m’a un peu moins emballé que la première fois. Si je le trouve « très Dior », il a un côté peut-être un peu suranné qui ne m’a pas donné envie le jour J ou je l’ai redécouvert même si je reconnais que c’est une très jolie création dans l’absolu et que je comprends qu’on ait envie de le porter.

 

 

 

Lancé en 2014 et créé par François Demachy, « Cuir Cannage » est, sans aucun doute mon préféré de toute la collection et je déplore qu’il soit devenu quasiment inaccessible depuis qu’il est passé dans la collection des Rarissimes et que la marque ait décidé de n’écouler que ses stocks disponibles. C’est résolument un cuir à la fois classique et unique. Son départ de bergamote et de fleur d’oranger est pétillant grâce à une note de bergamote. Le coeur construit autour d’un accord cuir que l’on retrouve aussi en fond, est poudré par des notes d’iris et de rose et fleuri par un jasmin de Grasse très délicat. Le fond, est clairement un cuir de Russie où le tabac et la violette remplacent la mousse de chêne mais où le bois de bouleau est très présent avec un côté sombre et profond qui m’a énormément séduit. Construit comme un cuir à l’ancienne, il a, de part des notes un peu aromatiques qui se promène ça et là, un côté très moderne. Je n’ai pas peur de le dire, « Cuir Cannage » est vraiment une merveille et j’ai raté le coche lorsqu’on pouvait le trouver facilement. Je le regrette un peu.

 

 

 

Créé en 2018 par François Demachy, « Souffle de Soie » coche, sur le papier, toutes les cases. De plus, l’une de mes amies l’a essayé lorsque nous étions ensemble et il est vrai que le départ de bergamote, le coeur de jasmin, de rose et d’élémi et le fond de cannelle, de vanille, de muscs blancs, de violette et de patchouli est extrêmement flatteur. Il m’a rappelé certains parfums chyprés à coeur de rose que j’ai beaucoup aimé dans le passé. Il est chic, distingué, très élégant et, en même temps très moderne, très jeune. Je ne connais pas vraiment le postulat de départ et l’inspiration de François Demachy mais je dois dire que, si je suis assez séduit par la démarche artistique que représente ce parfum, si je veux être plus terre à terre, ma déception réside dans son manque de tenue. C’est tout de même un jus très léger, fugace et dont le sillage est quasi inexistant. Je reconnais qu’il faut que certaines créations restent « pour soi » mais, dans le cas de « Souffle de Soie », il s’évapore vraiment très vite. C’est un plaisir fugace… peut-être un peu trop pour franchir le pas surtout qu’il a quand même un certain prix. Je ne saurais que trop conseiller à ceux à qui il fait envie, de l’essayer et le réessayer avant de se lancer.

Quand « Thé Cachemire », toujours créé par François Demachy, est sorti en 2018, il m’a énormément plu. J’aime bien l’association des notes hespéridées, du cassis et du thé blanc. Je trouve qu’il y a, dans ce parfum, une douceur et un équilibre entre les notes naturelles d’agrumes et de petit grain en tête, de thé, de fleurs (et notamment l’accent presque aquatique du magnolia) en coeur associés au cassis reposant sur un fond très musqué et poudré par la racine d’iris associé au maté. C’est résolument l’une des créations de la collection que je préfère et peut-être, celle que je pourrais porter, comme ça, le temps d’une soirée d’été, juste pour me faire plaisir. Je trouve qu’il a un côté « Comptoir des Indes » entre fumées et fleurs très prononcé. Je le trouve à la fois original et profondément héritier d’un savoir-faire du parfum à la française. Je le dis « Thé Cachemire » est un petit coup de coeur. Je ne sais pas si je franchirais le pas mais je l’ai essayé plusieurs fois et j’ai été séduit par sa finesse et son originalité. En revanche, je lui ferai le même reproche que pour « Souffle de Soie », se tenue est un peu limitée et c’est dommage.

J’ai appris que François Demachy, lorsqu’il a créé « Spice Blend » en 2019, a imaginé ce que pouvait être la lotion qui se trouvait dans la salle de bain de son grand-père et qu’il n’avait jamais senti vraiment lorsqu’il était enfant. J’ai trouvé la démarche assez amusante et ça m’a donné envie de le découvrir. Le départ est très surprenant puisqu’il associe des notes de rhum et de gingembre pour aller sur un coeur d’épices douces et plus piquantes telles des poivres rose et noir, de la noix de muscade, de la cannelle et du clou de girofle. Le fond de feuille de laurier et de bois confère à la fragrance un côté presque médicinal. Il m’évoquerait plutôt un bain de bouche ou une lotion pour les cheveux (vous souvenez-vous de Petrole Hahn ? Ce n’est pas la même odeur mais l’esprit y est) qu’un parfum construit. Si je ne le porterais pas forcément, je trouve que la démarche est très originale et je conçois qu’il puisse séduire les perfumistas même si j’imagine qu’il ne doit pas être forcément facile à conseiller tant il est particulier. Je lui donnerai donc dix sur dix pour l’originalité mais je reconnais qu’il n’est pas forcément pour moi.

Il y a sûrement d’autres belles créations dans cette collection privée mais j’avoue que les références sont trop nombreuses et que j’ai un peu saturé en les découvrant, même sur plusieurs mois. Je vais quand même avouer que, pour moi, il y a trop de créations, trop de sorties et que, il faut le dire, le catalogue est trop plein (à craquer même) pour moi. De plus, je ne suis pas forcément client de ce marketing qui n’en n’est pas mais qui en est quand même. Jusqu’à présent, je n’ai pas vraiment craqué pour une création de collection privée dans quelque marque que ce soit sauf peut-être pour « Marienbad » sorti dans les Olfactories de Prada. Je trouve qu’il y a quelque chose qui s’apparente un peu à une tromperie dans toutes ces collections qui fleurissent dans toutes les marques de luxe. Certains des parfums feraient de belles découvertes dans le circuit sélectif s’ils étaient vendus à un prix plus accessible mais pas plus. Je médite cela depuis déjà quelques années mais qui sait, peut-être un jour aurai-je un coup de coeur irrépressible.