Passion Parfums

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La facette ambrée fleurie des orientaux

 

Les goûts changent et, si pendant mes jeunes années, j’ai été un très grand amateur d’orientaux, je sais toujours les apprécier mais je ne pourrais plus en porter à quelques exceptions près. En effet, j’avais déjà parlé de « Daphne », créé par Antoine Lie pour Comme des Garçons mais qui n’existe plus et qui était l’un des rares que je trouvais agréable sur moi. Pour le reste, je laisse les orientaux aux amateurs même si je sais en apprécier la qualité. Ceci dit, je ne me voyais pas écrire un blog sur le parfum sans explorer cette famille car, malgré tout, elle fait partie de ma mémoire olfactive étant donné que j’ai été un « guerlinophile » convaincu pendant de nombreuses années et que, il faut le dire, la maison a créé de nombreux beaux parfums dont un que j’ai porté très longtemps et sur lequel je vais revenir dans cet article. Afin de vraiment me limiter dans mes recherches, j’ai choisi deux féminins, deux masculins et deux parfums de marques plus exclusives qui n’ont pas souhaiter communiquer sur le genre de celles et ceux qui vont les porter.

 

Daphne Comme des Garcons parfum - un parfum pour femme 2009

 

 

 

Le premier oriental que j’ai senti lorsque j’étais tout petit était celui de ma mère qui, chaque hiver, portait la version eau de parfum de « Shalimar », une création mythique de Jacques Guerlain lancée en 1925. L’envolée de bergamote et de bois de cèdre est encore dans ma mémoire, le coeur très floral, construit autour du patchouli et du vétiver était reconnaissable entre mille avec des notes de jasmin, de rose et d’iris sur un fond de santal, de civette, de vanille, de fève tonka et d’ambre. À l’instar de « Vanisia » ou encore « Jasmin Impératrice Eugénie » de Creed, il était l’archétype de l’oriental ambré fleuri avec la signature tout à fait unique de Jacques Guerlain. Je me souviens de son sillage qui planait encore dans la salle de bain quand la famille rentrait déjeuner à midi alors que ma mère s’était parfumée avant de partir travailler à sept heures du matin ! Pour moi, « Shalimar » était un chef d’oeuvre de la parfumerie. Je dis « était » à dessein car, hélas, les reformulations sont nombreuses ainsi que les flankers. J’avoue que ne sais plus vraiment où j’en suis avec « Shalimar » mais je trouve dommage que la douce bergamote ait été remplacée par un citron trop persistant au fil des années. J’aimais le côté à la fois rond et légèrement poudré de la version de mon enfance. Je pense que l’iris, s’il est toujours présent dans la fragrance, l’est en dose infinitésimale et a été remplacée par les muscs blancs. En bref, « Shalimar » et ses dérivés m’ont un peu perdu et c’est dommage car j’étais un grand fan de ce parfum.

 

Jasmin Imperatrice Eugenie Creed parfum - un parfum pour femme 1989

 

 

Le grand concurrent de « Shalimar » a été sans doute « Habanita », lancé en 1921 par Molinard qui est également un oriental ambré fleuri à la formule complexe et au sillage opulent. L’ouverture de fleur d’oranger, de bergamote et de pêche était sans doute très originale car construite autour d’une note de fruits rouges, son coeur de lilas, d’héliotrope, d’iris, de rose, de jasmin et d’ylang ylang poudré par la racine d’iris lui donnait un caractère très particulier et conduisait à un fond d’ambre, de cuir, de benjoin, de vanille et de mousse de chêne. Je n’ai pas connu la première version de « Habanita » mais j’ai pu découvrir celle qui est commercialisée actuellement ainsi que ses flankers et je dois dire que je suis impressionné par cette création que je trouve, malgré tout, vraiment très belle. Je pense que l’original devait être très capiteux car il avait été conçu pour couvrir l’odeur du tabac qui imprégnait les vêtements des « garçonnes » des années 20 qui fumaient beaucoup. Ses volutes associées avec celles des cigarettes devait faire un mélange tout à fait singulier. Je ne sais pas l’effet que cela faisait mais j’avoue que j’en suis curieux. Pour moi, « Habanita » représente non seulement les fêtes débridées des années folles mais aussi l’élégance plus sobre de la décennie suivante. J’ai aimé le découvrir ainsi que sa version cologne que j’ai trouvée très réussie.

Habanita Eau de Parfum Molinard parfum - un parfum pour femme 2012

 

 

J’ai souvent évoqué « Égoïste » créé par Jacques Polge pour Chanel en 1990 mais il a été mon tout premier parfum lorsque j’avais seize ans et je ne l’ai jamais oublié. Comme j’ai du sûrement l’écrire, j’ai sans doute été influencé par l’incroyable publicité de Jean-Paul Goude et aussi par le fait que tous mes copains, à l’époque, portaient tous « Bel Ami » d’Hermès. Il reste qu’avec ses notes boisées, florales, épicées, vanillées et ambrées, il était un choix curieux pour un adolescent. Je me souviens parfaitement de l’effet qu’il me faisait. Deux pressions sur mon cou et il tenait toute la journée. Je crois bien qu’il m’a aidé, en cette année de terminale, à sortir un peu de ma coquille et à commencer à aller vers les autres. Vecteur de communication indéniable, « Égoïste » était un must pour moi et il m’a accompagné quelques années après le bac. Je rappelle un peu les notes pour ceux qui ne le connaissent pas. En tête une mandarine très ronde, de la coriandre, du bois d’acajou et de palissandre, un coeur la cannelle et la rose et en fond, un accord cuiré, de la vanille de l’ambre et di bois de santal en overdose. L’ensemble, inspiré je pense de « Bois des Îles » créé par Ernest Beaux pour Chanel dans les années trente, est un oriental d’une grande singularité et qui est reconnaissable immédiatement. Je l’ai réessayé il y a quelques années et, si je l’aime toujours autant, il est trop lié à mon adolescence pour que je puisse le porter à nouveau mais il a peu changé et je le reconnais et j’ai plaisir à remettre mon nez dedans.

 

Egoiste Chanel Cologne - un parfum pour homme 1990

 

 

Comment parler d’orientaux sans évoquer « Habit Rouge » créé par Jean-Paul Guerlain en 1965 qui a été décliné dans de nombreuses versions au cours des décennies. C’est un parfum mythique qui a même inspiré à Barbara, la chanteuse, un titre écrit par avec Gérard Bourgeois, « L’Homme en Habit Rouge »* car elle offrait ce parfum au poète François Wertheimer très souvent. Mais revenons au jus. Jean-Paul Guerlain a dit avoir été inspiré par l’odeur des chevaux, du cuir et pour créer l’un des premiers orientaux pour homme, ce qui était révolutionnaire pour l’époque. Pour ma part, son côté ultra poudré m’évoquait plutôt les rideaux rouges et les loges de théâtre, comme quoi les impressions olfactives sont vraiment très personnelles. L’envolée de bergamote et de palissandre était très reconnaissable et le coeur de patchouli, jasmin, cèdre, santal et rose lui donnait un côté poudré très intense. Le fond d’ambre, de vanille et de benjoin l’arrondissait. Une version eau de parfum, encore plus poudrée présentée dans un flacon recouvert d’un étui de cuir rouge est sorti à l’époque où je le portait et je l’ai également essayée. Hélas, trois fois hélas, c’est sur moi, flacon après flacon, que j’ai senti « Habit Rouge » changer. Le oud a fait son apparition dans sa composition et la bergamote en tête a été remplacée par une note de citron extrêmement persistante. Je dois dire que je n’aime pas du tout la version actuelle ni en eau de toilette ni en eau de parfum et je le regrette bien. Je serai curieux de re-sentir l’ancienne formulation pour savoir si je l’aimerai toujours. En 2018, Thierry Wasser propose une version appelée « Habit Rouge Dress Code » auquel il a ajouté des notes épicées et un fond de praline. J’avais bien aimé au début et puis je me suis un peu lassé. Je préfère garder le souvenir d’un parfum que j’ai porté et aimé énormément.

Habit Rouge Eau de Toilette Guerlain Cologne - un parfum pour homme 1965

 

 

J’ai toujours aimé « Arabie » créé en 2000 par Christopher Sheldrake pour Serge Lutens. Une de mes meilleures amies l’a porté durant des années et, sur elle, il était absolument magnifique. Très moderne, très baumé et épicé, ce n’est pas un ambré fleuri classique mais un oriental plus boisé. Je ne m’aventurerai pas à faire des recherches sur sa pyramide olfactive car je sais que la marque ne communique que très peu sur les matières premières utilisées. Je peux juste me fier à mon nez lorsque je le sens. J’identifie évidemment la noix de muscade, les fruits confits, le bois de cèdre et sans doute l’ambre et une odeur de vanille et de dattes. Comme toujours chez Serge Lutens, je pense que l’encens ou la myrrhe ainsi que le benjoin ne doivent pas être bien loin. Je sens également des notes de rose et de jasmin. Je pense que le concepteur a voulu, une fois de plus, traduire en odeur, ses souvenirs du Maroc, de ces villes blanches et baignées de soleil où les fruits secs ou confits se mêlent aux épices et aux bois. Certes, « Arabie » est un oriental mais il casse les codes de cette famille olfactive. Délicat et puissant à la fois, je le trouve enchanteur et vraiment hors du temps et des modes. Son côté un peu gourmand et épicé à la fois me séduit énormément. Il était donc bien naturel que j’essaye de le porter mais, hélas, trois fois hélas, son côté linéaire tombe complètement à plat sur moi et je ne lui retrouve pas les effluves fascinantes qu’il avait sur mon amie. Certains parfums que l’on aime ne sont pas pour nous, il faut l’accepter. C’est le cas, pour moi de cette merveilleuse création et j’en ai pris mon parti. Ceci dit, je suis toujours aussi heureux de le sentir.

 

Arabie Serge Lutens parfum - un parfum pour homme et femme 2000

 

 

 

C’est pour Naomi Goodsir que Bertrand Duchaufour revisite, en 2014, l’oriental ambré fleuri. Je l’ai déjà évoqué à plusieurs reprises mais « Or du Sérail » m’apparait comme une telle réussite que je me devais d’y revenir dans ce sujet sur cette famille orientale car il est, à n’en pas douter, l’un de mes préférés sur le marché actuellement. Le départ est vraiment surprenant car, si on y retrouve la mandarine, souvent présente dans ce genre de créations, elle est associée à des notes de mangue. Le coeur, construit autour de l’ylang ylang et du maté est arrondi de notes de géranium et de rhum. Quand au fond, il est, bien évidemment ambré et vanillé avec des notes de cèdre, de tabac et de ciste mais je trouve que le tabac lui donne quelque chose de cuiré et diaboliquement élégant. Lorsqu’on le découvre, « Or du Sérail » semble un oriental ambré fleuri classique mais, très vite, sur la peau, il prend des accents complètement inédits. Rond et dense, il me surprend, me donne envie de le sentir, de le re-sentir. Je ne pourrais vraisemblablement pas le porter mais je reconnais que je ne le trouve jamais entêtant et que j’aime son côté « cire d’abeille » qui lui donne quelque chose de vraiment singulier. C’est un oriental d’une modernité indéniable mais également d’une grande élégance. J’insiste beaucoup sur ce parfum mais il faut vraiment le découvrir.

Or du Serail Naomi Goodsir parfum - un parfum pour homme et femme 2014

 

 

Finalement, j’avais plus de choses à dire sur les orientaux que je n’aurai cru. Si l’aime les sentir, et encore récemment j’ai eu du plaisir à découvrir « Rouge Hermès » que je ne connaissais pas, si je les apprécie sur les autres, je ne pourrais pas les porter. Je suis très convaincu que cette famille olfactive continuera d’avoir ses adeptes car il y a un côté envoûtant dans toutes ces créations. Pour ma part, les parfums orientaux ne me conviennent pas en cette période de ma vie mais qui sait, peut-être qu’un jour j’y reviendrai. En tout cas, c’est une famille qui compte nombre de merveilles de la parfumerie et il me fallait absolument parler de quelques unes.

 

* L'Homme en habit rouge (Barbara/Gérard Bourgeois) :

 



03/06/2020
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