La note addictive de fruits confits
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C’est probablement avec les parfums de Serge Lutens, notamment, « Bois et Fruits », « Arabie », « Chergui » ou encore, et bien évidemment, « Féminité du Bois » que j’ai réussi à identifier cette note de fruits confits que je peux aimer comme détester. Le maquilleur, lorsqu’il a confié à Christopher Sheldrake le soin de créé des parfums, a toujours voulu que ces fruits, profonds, suaves sans jamais être trop sucrés, viennent arrondir ses parfums. Je me suis rendu compte, en sentant pas mal de parfums, que j’avais un rapport d’attirance et de répulsion à la fois pour ce côté parfois un peu trop prenant et gourmand mais que, dans la plupart des cas, je revenais sur les parfums comme si l’effluve rejoignait le goût, celui de l’enfance en famille, des bêtises dans « Les malheurs de Sophie » de la Comtesse de Ségur et que, finalement, c’était une note fascinante et tout à fait addictive. J’ai choisi d’en parler à travers quatre parfums dans lesquels je trouve qu’elle est très significative.
Le premier, j’en ai déjà parlé, est, bien évidemment « The Purple Bar » qui fait partie de la collection Cherigan et qui a été lancé en 2021. Je dois dire qu’il est, à ce jour, un peu mon coup de coeur dans la marque même si je le trouve peut-être quand même un peu gourmand pour moi. La marque en présente ainsi l’inspiration : « Purple Bar célèbre la folle ambiance des nuits parisiennes, au cœur des années 20. Dans les pages d’Anaïs Nin et de Henry Miller, le désir de vivre devient une quête des plaisirs. Traversant les sous-sols, les cafés, les bars, la soirée bat son plein. Un cocktail liquoreux zesté d’orange tremble aux pulsations de la musique, répandant son parfum fruité et caramélisé de davana, et ses notes épicées de cannelle et de girofle. Il se mêle aux peaux chaudes, animales, vanillées, où diffuse encore une goutte de patchouli. Si Paris est une fête, The Purple Bar en est l’incarnation olfactive ». J’aime beaucoup l’évolution de la fragrance. Je la trouve complètement réjouissante. Elle s’ouvre sur une envolée d’orange un peu amère pour nous emmener sur ce coeur de davana absolument magnifique et enveloppé de la douceur de l’amande et des fruits confits très présents contrebalancés par le fusant épicé du clou de girofle. Le fond, baumé, cuiré est organisé autour d’une cannelle et d’une vanille évidente soutenues par le labdanum et un patchouli très finement ciselé. C’est un parfum d’élégance un peu désuète, un peu « dans l’esprit » des orientaux des années vingt ou trente mais traité d’une manière plus gourmande, plus moderne. Je ne suis pas certain de pouvoir le porter mais j’adore le sentir. Pour moi, les fruits confits en coeur lui amène ce côté suave qui me donne envie de l’avoir sous le nez.
Lorsqu’Amélie Bourgeois décrit son inspiration lorsqu’elle a créé « Thé Darbouka » pour L’Orchestre Parfum en 2017, elle est d’une précision redoutable : « Insaisissable, fruité, épicé, Thé Darbouka est un voyage inoubliable dans la magie du désert saharien. Une fragrance gourmande, animale, magique ». Si je n’ai pas toujours adhéré aux créations de la marque que je trouve souvent un peu trop « classiques », j’ai beaucoup aimé ce parfum élégant et exotique à la fois. La construction est un peu la même puisqu’on démarre avec une envolée pétillante de bergamote et de poivre rose, qu’on arrive à un coeur d’immortelle qui me plait beaucoup et qui est équilibré du côté rond par les fruits confits très élégants et de l’autre, épicé, presque aromatique, par la baie de genévrier pour finir sur un fond cuiré de styrax adouci par une note de fève de cacao. Pour une fois, je trouve que c’est une invitation à des vacances en Afrique du Nord, avec une certaine gourmandise dans l’air, le soleil, le désert pas très loin et les repas, le thé, le côté un peu abrupte et délicat à la fois d’une culture un peu nomade. Je ne sais pas si je m’exprime mais, pour moi, « Thé Darbouka » est quand même le parfum d’aventurier qui aurait ramené d’un Orient inconnu, des odeurs qui constituent une vraie fragrance à porter. J’ai adoré « Thé Darboula ». Je passerai sur la musique qui lui est adjointe mais, il est l’un des mes trois coups de coeur dans la marque.
Il m’est impossible d’évoquer la note de fruits confits sans évoquer « Bois et Fruits », créé en 1992 par Christopher Sheldrake pour la collection du Palais Royal de Serge Lutens car je l’ai porté et il m’a vraiment séduit il faut bien le dire. « Variation sensuelle de "Féminité du bois", un parfum fruité, revivifié qui participa de l'origine de la parfumerie Serge Lutens et de l'ouverture de la boutique du Palais Royal. (…) Lui aussi descendait de cette « Féminité du bois » qui, en son fond, contenait un mélange complexe de quetsches et de prunes. Ici, non augmenté, mais traité en confit ». Ce parfum est, en quelque sorte un « Féminité du Bois » sans la violette mais avec le côté cèdre, fruits confits et un peu délicat voulu par le parfumeur. Je me souviens du jour où je l’ai découvert. Les notes de prune, de cerise, de poire, d’abricot, de figue et d’écorces d’orange venaient se mêler un des accents floraux et surtout boisés. Il a été, pour moi, une gifle olfactive il faut bien le dire. J’en ai porté 50 ml et je regrette qu’il n’existe désormais que sous forme de flacon de table car ce n’est pas un mode de parfumage que j’aime. Il n’en demeure pas moins l’une des créations les plus fascinantes de Christopher Sheldrake pour la maison. Je me demande si je ne le préfère pas à « Féminité du Bois » que j’aime pourtant beaucoup. « Bois et Fruits » n’est pas le parfum de tout le monde, je vous le concède bien volontiers mais il est, pour moi, au Panthéon des belles créations pour Serge Lutens, alliant ombre et lumière, gourmandise et structure. Pour moi, c’est une merveille, il n’y a pas à dire.
« Hommage à l'année où la famille Frapin s'est implantée en Charente et au cépage mythique de la Folle Blanche, 1270 déploie les arômes caractéristiques du cognac : fruits secs, noix, épices, vanille, cacao et miel blanc. Un concentré de plaisirs gourmands qui transforment la peau en festin des sens, réorchestré par Sidonie Lancesseur. Gourmand et raffiné, 1270 traduit les arômes du cognac en tons chaleureux qui passent du doré de l'ananas à l'orange confite, et du pourpre des pruneaux et des raisins secs au roux des noisettes... Les accents torréfiés du cacao et du café, soulignés de Havane, rappellent les saveurs qui s'accordent le mieux à la dégustation. L'odeur légère de la fleur de vigne et celle plus miellée du tilleul, qui annonce un fond de miel blanc, font souffler un vent de printemps sur ce parfum aux couleurs automnales. Les facettes vanillées et fumées du bois de gaïac évoquent une flambée de sarments de vigne dans la cheminée… ». Il m’était difficile d’évoquer la note de fruits confits sans évoquer « 1270 » de Frapin créé par Sidonie Lancesseur en 2010 et remis « au goût du jour » en concentration extrait par Jérôme Épinette cette année. C’est un parfum incontournable dans la marque et je l’aime bien même si je ne peux pas du tout le porter. Il est complexe, gourmand et addictif avec son départ d’ananas, de cacao, de noisette, de prune confite, de tonka, de café, d’orange confite et de raison, son coeur de fruits confits épicés de poivre noir et renforcé par l’immortelle et le tilleul puis son fond de miel, de gaïac, de vanille et de bois précieux. En clair obscur, les parfumeurs revisitent le gourmand et lui donnant un côté carnet de voyage une fois encore. Je trouve que la note de prune confite de la version extrait est plus profonde mais il me semble que l’original est plus facile à porter. Je l’aime beaucoup. J’ai pas mal tourné autour mais je n’ai encore pas franchi le pas. Il faut que je le réessaye encore et encore pour voir si je pourrais me l’approprier.
Je me dis, en écrivant et en re-sentant ces parfums, que, finalement, j’aime bien certains gourmands quand ils ne sont pas sucrés gratuitement. J’aime beaucoup ces parfums et, si je ne les assumeraient pas forcément, je me dis que la note de fruits confits que je trouve si addictive, je la retrouve dans « Or du Sérail » de Naomi Goodsir et « Ambre Russe » de Parfum d’Empire. En tout cas, j’aime beaucoup et contre toute attente. J’espère vous avoir donné envie de découvrir ces parfums. Merci de m’avoir lu. À très bientôt.
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