La note de datte, addictive et réconfortante
Il y a un ou deux ans, je suis revenu à porter des parfums orientaux après un coup de coeur pour « Farah », composé par Emilie Bouge pour Brécourt et je me suis rendu compte que j’avais une certaine prédilection pour la note de datte. Je ne pense pas que l’on puisse en extraire une quelconque huile essentielle mais la recréation de la note par la chimie est tellement réaliste, tout comme la mangue par exemple, que je lui trouve une correspondance avec son goût riche et suave. Je me suis donc amusé à aller chercher des parfums dans lesquels cet accord est présent, hormis « Farah » dont j’ai abondamment parlé et « Velvet Date » de Rebatchi sur lequel je suis revenu à l’occasion du portrait de son créateur Vincent Ricord, et à les essayer afin de vous écrire un compte-rendu de mon ressenti et aussi pour me tester moi-même et me demander si c’était vraiment cette note qui me séduisait assez pour que je porte un parfum dans laquelle elle ressort sur ma peau. J’ai sélectionné cinq créations très différentes mais que j’ai pu essayer facilement afin d’écrire cet article. Je vous emmène donc sur les traces de cette odeur de datte, suave et un peu exotique, qui a su m’être si plaisante.
Il était évidemment logique de commencer par « Aziyadé » créé par Marc-Antoine Corticchiato en 2008 pour Parfum d’Empire car, d’une part, c’était le premier parfum ans lequel je sentais la note de datte après « Arabie » composé par Christopher Sheldrake pour Serge Lutens en 2000 mais qui n’existe plus, mais aussi pour la simple et bonne raison que je l’ai porté. « Un concentré des plaisirs charnels. Oriental, épicé et fruité, Aziyadé s’ouvre sur un accord grenade détonnant puis délivre les note liquoreuses des dattes confites, des oranges et des pruneaux. Ses épices aphrodisiaques nous plongent au cœur de nuits orientales où les larmes d’encens se mêlent aux muscs, au ciste et à la caroube. Création excessive et charnelle, Aziyadé ruisselle de sensualité ». L’originalité de cette composition pas toujours très facile à s’approprier est un mélange presque « culinaire » entre un départ de prune, de grenade, de datte, d’orange confite et d’amane avec un coeur composé essentiellement d’épices comme le cumin bien sûr, mais aussi la cannelle, la caramome et le gingembre qui rend le fond d’encens associé au patchouli, à la vanille, au ciste, aux muscs et au tabac presque anecdotique. Certes, la note de datte est un peu perdue au milieu de cette composition ultra complexe, cette formule relativement longue qui rend le parfum si insaisissable mais je la trouve présente tout au long de l’évolution. « Aziyadé » ne sera absolument pas le parfum de tout le monde et sa dimension à la fois épicée et gourmande peut déranger mais je ne peux m’empêcher de le trouver extrêmement intéressant.
Avec « Jardin de Misfah », créé pour Une Nuit Nomade en 2019 par Jérôme di Marino et qui rencontre un très grand succès, la présence de la note de datte est beaucoup plus évidente. Il en explique l’inspiration : « Jardins de Misfah s'est inspiré de la friandise orientale emblématique, "Omanis Sweet". Ce délicieux dessert, utilisé pour les célébrations telles que la naissance et le mariage, est composé de dattes, d'amandes, d'eau de rose et d'épices. J'ai réinterprété cette friandise et le plaisir qu'elle procure dans un parfum des plus raffinés et précieux ». Dans cette création, c’est le départ qui est très épicé et qui me séduit avec des note de cardamome et de noix de muscade puis vient un coeur ou la datte joue avec la rose dans une dualité sucrée et un peu « loukoum » puis le parfums prend un tour amandé et rehaussé de safran. Je comprends l’engouement pour ce parfum car il est, c’est vrai, très réussi et facile à porter mais, pour moi, il est un peu too much et je n’arriverais pas à le supporter une journée entière d’autant que, tant au niveau de la tenue que du sillage, il est, sur ma peau, extrêmement présent. C’est une vraie gourmandise orientale comme il y en a quelques unes sur le marché. Il est à la fois qualitatif et tout à fait emblématique de ce que peut donner la note de datte en parfumerie. Pour moi, il est, quand même un peu trop envahissant.
Avec « Olé » qu’il a créé en 2019, Ramon Monegal exploite le côté fruité de la date en l’associant, en tête avec un accord framboise et des notes d’ananas. Nous sommes tout de suite plongés dans un univers à la fois exotique et fruité. Les deux autres notes d’estompent lorsque vient le coeur d’orchidée, de jasmin et de cèdre puis le fond de vanille, de sapin baumier et de muscs blancs. La colonne vertébrale du parfum, si je peux m’exprimer ainsi est dons surtout la dualité entre le côté aromatique et boisé de la vanille naturelle et l’arôme, peut-être un peu artificiel de la datte. Sur le papier, ce parfum aurait tout pour me déplaire et pourtant, sur ma peau, je l’aime énormément. Il en décrit ainsi l’inspiration : « Olé ! Mon exclamation préférée ! Un mélange de folklore et de culture espagnole. Une passionnante exploration de la capacité de s'émerveiller face à l'art. Un court instant d'épanouissement et d'émotions intenses ! Olé à l'art ! Liberté, passion, provocation, imagination, originalité, émotion, joie et vie ! ». J’ai réessayé ce parfum pour écrire mon article et, vraiment, je l’aime. Je pourrais tout à fait le porter. Il n’est pas dit d’ailleurs que je ne le fasse pas un jour tant il me séduit, tant il m’emmène avec lui dans des effluves qui ne me sont pas habituels. J’aime beaucoup la note de datte dans ce parfum. Je la trouve excessivement réaliste. Pour moi, il est vraiment une parfaite réussite.
« Les baumes précieux et le patchouli se mêlent aux fleurs de frangipanier et aux senteurs de fruits confits ». Dans la très belle collection Aristia de maison Lubin, je me retrouve assez peu même si je sais apprécier le travail des parfumeurs. J’ai essayé toutes les créations il y a quelques années mais ce n’est que « Gajah Mada », créé par Delphine Thierry et Thomas Fontaine en 2019, qui me plait sur ma peau. Il faut dire qu’il réunit beaucoup de notes que j’aime puisqu’il s’ouvre sur ds notes d’orange sanguine arrondie de prune et de coing puis vient un coeur baumé et très suave de datte et de fleur de frangipanier qui se pose sur un délicat fond de patchouli, de benjoin et de bois de santal. Pour moi, « Gajah Mada » est l’archétype du parfum oriental réussi. Sur ma peau, il est tellement addictif que j’y reviens sans arrêt. Il matche parfaitement et me plait énormément. Je me sens un peu comme dans une oasis luxuriante au milieu du désert et c’est rare chez moi car je suis loin d’être un grand voyageur. Je ne l’ai encore jamais acheté pour deux raisons. Tout d’abord, son prix dépasse la limite que je me suis fixée, mais là, j’aurais pu transiger, mais aussi, sa tenue, sur ma peau, est un peu limité. Je le garde quelques heures certes, mais peut-être pas autant que « Farah » qui j’ai finalement choisi.
Pour finir, j’ai choisi « Désert Suave » créé Nisrine Bouazzaoui Grillié et Quentin Bisch en 2018 pour la trilogie des Eaux Imaginaires de Liquides Imaginaires. « Après Île Pourpre et Fleuve Tendre, le troisième opus de ces terres imaginaires est une Oasis. Terre fertile à la végétation luxuriante perdue au milieu d’espaces désertiques dont la présence précieuse doit tout à l’eau. Telle une pause invitant à la détente et au plaisir gustatif, ce parfum évoquera le fruit du palmier, la datte, mais aussi un panier de saveurs et d’épices empruntées aux caravanes des voyageurs et pèlerins. Laissant trainer après leur passage, un sillage tel un mirage délicieux se mêlant au vent chaud ». Je trouve que, dans ce parfum profondément oriental, la note de datte est particulièrement réaliste. Un départ de cardamome associée à la mandarine et au clou de girofle évolue vers un coeur de datte, de fleur d’oranger et de rose d’une rare délicatesse et le parfum est soutenu par un bois de cèdre qui lui confère une superbe tenue et un sillage assez imposant et qui compose avec des versants ciste et sésame. Comme ça, « Désert Suave » a tout pour me plaire et pourtant, sans que je sache vraiment pourquoi, il ne matche pas avec ma peau alors que sur l’une de mes connaissances, il est magnifique (c’était déjà le cas de « Arabie » de Serge Lutens dont j’ai parlé au début de cet article) et cela peut avoir un côté plus que frustrant. En tout cas, c’est un très très joli parfum et, à mon sens, une parfaite illustration de mon propos et de ce que peut donner la note de date
J’ai été un peu long mais le sujet m’a énormément passionné. Je crois vraiment que, si j’aime le goût de la datte, je suis attiré par l’odeur de son accord en parfumerie. Sa présence n’est peut-être pas déterminante mais je dois dire qu’elle a provoqué mon envie de porter des parfums dits orientaux après une pose de plusieurs années. J’ai choisi « Farah » de Brécourt et j’ai bien fait car il m’accompagne bien souvent. C’est un très très beau parfum mais il y en a d’autres et j’avais envie d’en parler.
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