La note de réglisse, facteur d'équilibre
Je pense que j’aime le goût de la réglisse et son odeur au sein d’une composition en parfumerie. Je me souviens de mon coup de coeur pour « Lolita Lempicka au Masculin » à sa sortie même si je ne suis pas très amateur de la nouvelle version trop légère. Lorsqu’il a disparu, je pense que j’ai toujours cherché ce côté acidulé et boisé à la fois. C’est sans doute pour cela que j’avais vraiment été attiré par « Peau de Pierre », composé par Daphné Bugey pour Starck Parfums et qui en donnait une lecture à la fois plus minérale et plus fumé. C’est en re-sentant « Méchant Loup » créé par Bertrand Duchaufour pour L’Artisan Parfumeur que j’ai eu envie d’écrire un article sur cette note qui est, pour moi, parfaitement addictive et attractive. Il y a quelque chose de très différent à chaque fois qu’elle est présente dans un parfum. Pour illustrer mon propos, j’ai choisi quatre parfums très singuliers et que j’aime vraiment beaucoup.
« J’ai beaucoup imaginé La Castiglione déambuler la nuit entre la place Vendôme et le Louvre » . J’ai une prédilection pour la collection Les Cocottes de Paris créée par Anaïs Biguine pour son parti pris et son originalité. Parmi mes parfums préférés, il en est un dans lequel la note de réglisse est assez présente. Il s’agit de « La Castiglione » lancé en 2015 qui s’ouvre avec une association très verte et boisée d’armoise et de cédrat. C’est au coeur que la créatrice a intégré une note très brute de réglisse qu’elle a mêlé au patchouli et à un bois de cade très sec qui s’enrichit d’un fond très facetté d’ambre gris, un peu animal, un peu salin et un peu vanillé mêlé de styrax pour le côté cuir et de myrrhe pour adoucir le tout. « Cette créature nocturne presque vampirique surgit sur la scène mondaine où elle apporte un parfum de nouveauté. À la lueur des candélabres, l’eau de parfum La Castiglione évoque un émoi luxurieux et fuligineux. Un patchouli ensorcelant, un copahu lubidineux, un cade élégant et un ambre gris caressant. Un parfum au panache ténébreux ». Entre élégance et versants subversifs, « La Castiglione » est un grand féminin mais il n’est pas interdit de penser qu’il pourrait aussi séduire les hommes. Pour me le remettre en mémoire, je l’ai porté et, vraiment, c’est un petit bijou de parfumerie. La note de réglisse lui donne quelque chose d’aromatique qui s’harmonise avec la douceur de l’ambre gris et le côté très sec du bois de cade. Pour moi, cette création est une réussite et il faut absolument la découvrir.
Autre parfumeuse, autre utilisation du bois de réglisse, c’est à Stéphanie de Bruijn que nous devons « Le Sully » qu’elle a créé pour sa marque éponyme en 2020. Là encore, c’est une petite merveille et l’un des parfums de la marque que je préfère. « Nommée d’après le duc de Sully, qui prêta son nom au majestueux pont parisien, j’ai créé cette eau de parfum sophistiquée qui associe avec une insolente élégance le poudré de l’Iris à la puissance du benjoin, de la vanille et de l’ambre. Aussi intrépide que son homonyme, cette fragrance au caractère bien trempé saura souligner votre présence avec passion et noblesse ». C’est un ambré fleuri moderne, poudré et acidulé à la fois qui s’ouvre sur une envolée d’iris et de bergamote qui pourrait laisser augurer une création classique mais le coeur de gardénia associé au bois de réglisse est tellement surprenant qu’il donne à la fragrance un puissant coup de jeune ! Avec un fond ambre, vanille et benjoin, le côté enveloppant et baumé vient compléter un classique dépoussiéré, revisité, modernisé et c’est vrai que, lorsque je l’ai senti, je me suis dit que Stéphanie de Bruijn, proposait un « lifting » à une création qui aurait pu être vintage. J’ai adoré ce parfum et il n’est pas dit que je ne craque pas un jour car, vraiment, c’est un coup de coeur.
« Venise, ville de l’amour, vit naître en 1725, l’homme qui fit de son nom le symbole de la séduction : Giacomo Girolamo Casanova. « Qu’est-ce donc que l’amour ? Une maladie à laquelle l’homme est sujet à tout âge », prétendait-il… Pour tous les Casanova, une fragrance masculine subtile, tout en séduction raffinée, harmonie de Lavande, Vanille, Badiane et Réglisse ». Plus classique, plus aromatique, « 1725 », lancé en 2001 par Histoires de Parfums est l’un des bests de la la collection des années et on comprend bien pourquoi car, dès l’envolée, le bois de réglisse attire et son association avec la douceur de la bergamote et l’amertume du pamplemousse est du plus belle effet. Le coeur de lavande et d’anis renforce cette impression de fraîcheur aromatique et s’adoucit avec un fond de vanille, un accord ambre et des notes de bois de cèdre, d’amande et de bois de santal. C’est un aromatique fougère certes mais je trouve qu’il est doté d’une élégance pour le coup assez masculine même si, depuis quatre ou cinq ans, ce genre de parfum est prisé par les femmes. En tout cas, il est élégant avec juste un petit twist d’originalité et je le trouve tout à fait facile à porter. Le côté anis et réglisse le rend frais et contrebalance la douceur du fond. C’est un équilibre parfait.
La note de réglisse change également tout dans la formule de « Fusion Sacrée Obscur » créé par Bertrand Duchaufour pour Majda Bekkali en 2012. Elle donne à ce parfum sombre, liquoreux et épicé, un certain pep’s. Majda Bekkali en décrit ainsi l’inspiration : « Une trace délicate se déroule Une ligne fragile s'avance Vers l'imminence d'une rencontre fortuite Fusion promise. Une frontière implacable se dresse et signale L'impossible communion des êtres. Un désir vibrant et impérial rêve de défier cette frontière infranchissable. La tension est extrême Fusion chimérique ? Fusion sans cesse repoussée Qui condamne l'essoufflement et le regard fiévreux A rester devant la porte du temple. Quelque chose s'élève Réussissant un saut ambivalent A la fois vers et loin de lui-même Un saut qualitatif, un sentiment de réalisation intime Une dualité magique qui permet et risque le mélange des unions célestes Une fusion sacrée ». Dès le départ, on sent la complexité que va présenter cette composition avec un accord de rhum, des notes de cédrat, d’orange, de néroli et de bergamote relevées de lavande et de cardamome qui viennent s’enrichir d’un coeur ou la dualité entre la note de café très suave et de réglisse presque acidulé apporte un équilibre complété par le côté piquant du clou de girofle et de l’oeillet et nous emmène sur un fond baumé et animal avec des notes de benjoin, de vanille, de caramel, de muscs blancs, de santal, d’ambre gris, de cèdre et d’opoponax. « Fusion Sacrée Obscur » est un parfum très luxueux, très sombre, « très Bertrand Duchaufour ». Je trouve sa complexité réjouissante mais je ne crois pas que je pourrais le porter. Je le trouve un peu trop dense pour mon goût. Il n’en demeure pas moins que la note de réglisse l’empêche de devenir écoeurant.
Voilà, j’ai choisi des compositions dans lesquelles le bois de réglisse apporte un certain équilibre pour que les parfums ne soient pas trop pesants ou trop aromatiques. C’est mon parti pris dans cet article mais, pour moi, « Méchant Loup » est sans doute, comme je l’ai dit dans un autre post, le parfum dans lequel la note est la mieux mise en valeur.
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