
Philippe Neirinck
Bien sûr, lorsque l’on s’intéresse à la parfumerie alternative, le nom de Marc-Antoine Corticchiato nous dit quelque chose. Parfumeur indépendant, il a créé principalement pour sa marque, Parfum d’Empire à laquelle j’ai déjà consacré un article car, outre les deux FIFI Awards qu’il a reçu pour « Corsica Furiosa » et « Tabac Tabou », ses deux collections sont baroques, modernes et vraiment créatives. C’est en 2013, que Philippe Neirinck crée sa marque, La Parfumerie Moderne, et lui commande tout d’abord trois parfums pour la lancer puis deux autres. Les créations pour cette maisons sont très éloignée de l’univers de Parfum d’Empire et j’ai eu envie de les explorer car, pour les amateurs de belles matières premières et de fragrances élégantes, elles sont très intéressantes et ont toute une identité très marquée. De plus, et même si ce n’est pas le principal, je suis assez séduit par le packaging et le flacon art déco très travaillé qui abrite chaque jus. Je vous emmène donc à la découverte de La Parfumerie Moderne…

Marc-Antoine Corticchiato
Le tout premier parfum que j’ai découvert est « No Sport », lancé en 2013. Marc-Antoine Corticchiato a revisité ici un classique aromatique en lui donnant des accents à la fois verts et opulents. Le départ de rose et de géranium soutenus par du vétiver est assez étonnant et l’évolution, somme toute un peu linéaire, nous emmène vers un fond amande et tabac très original avec des notes de foin pour garder le côté vert. Très classique dans sa conception, ce parfum que j’ai réessayé récemment n’est pas forcément pour moi mais je le trouve tout de même très joli. Il a un côté parfum d’homme des années 60 qui pourrait être porté par une femme audacieuse. La tenue est excellente mais le sillage modéré. « No Sport » est plus un parfum de peau car il se fond avec son grain. Très facetté, il est ce que j’aime appeler un parfum caméléon car je pense qu’il est très différent d’une personne à l’autre. Délicieusement désuet, il m’ a bien plu même si je porte rarement des aromatiques.
« Désarmant » date aussi de 2013 et il est, je trouve, le plus original de la marque. C’est un lilas (et vous savez que cette note me plait beaucoup) mais travaillé de manière cuirée avec des notes de vanille et de mousse de chêne. Je l’imagine très bien porté avec un blouson en cuir et un jean comme avec un costume très chic. Surprenant, déroutant et moderne, il n’en demeure pas moins un parfum de dandy. Je trouve que l’association lilas et cuir est très singulière mais également très élégante. « Désarmant » porte bien son nom, il surprend, séduit et intrigue. C’est le parfum chic par excellence. Porté, il a vraiment un côté faussement classique et je lui trouve une parenté (dans l’esprit mais pas dans la fragrance) avec « Grey Flannel » de Geoffrey Beene. Estampillé mixte par la marque, je l’imagine assez mal sur une femme quoi que, avec une tenue classique chic, ce serait une jolie expérience. Je trouve qu’avec cette création, Marc-Antoine Corticchiato est allé plus loin qu’avec les autres parfums de la marque. Il est mon préféré.
En 2013, le troisième parfum créé par Marc-Antoine Corticchiato lancé par la marque est « Cuir X ». Que se cache-t’il derrière ce nom un brin provocateur ? Je l’ai essayé durant ces dernières semaines et j’ai découvert un cuir finalement assez classique, avec une note d’ambre sèche et de vanille, relevée par du safran et de la fève tonka. Le ciste vient un peu arrondir la fragrance mais il demeure un peu sec. Je l’ai trouvé classique et élégant. Je pense que ça doit être une création très jolie sur une peau féminine. J’ai bien aimé le porter mais, néanmoins, je le trouve peut-être un peu sec pour moi. Ceci dit, je trouve l’évolution sur la peau assez surprenante, pas forcément convenue. C’est une jolie construction dans le style et je ne peux pas vraiment le rapprocher d’autre-chose que je connais car il a sa personnalité. Il fait tout de même partie des très beaux cuirs sortis ces dernières années même avant que chaque collection fasse le sien.
En 2013, Marc-Antoine Corticchiato crée « Années Folles » qui porte bien son nom car il est supposé représenté la vie débridée des élégants des deux sexes de l’entre-deux guerres. On imagine bien les personnages de « Cotton Club » de Francis Ford Coppola le porter. C’est une variation autour de la lavande mais travaillée d’une manière ronde, orientale, presque cuirée avec des notes de géranium et de benjoin. Pour moi « Années Folles » est un peu le petit frère de « Désarmant » mais construit autour de la lavande. Je trouve qu’il est tour à tour franchement cuiré, boisé ou encore cent pour cent lavande et qu’il change à chaque moment de son évolution. C’est un très beau parfum, il pourrait bien devenir un classique de la parfumerie. Attention, il est plus opulent que les trois autres et je pense que son sillage est plus important. Pour moi, ce jus est à la fois inclassable et classique. Un paradoxe me direz-vous ? Marc-Antoine Corticchiato n’est-il pas un spécialiste ?
« Belles Rives » est le dernier né de la maison pour l’instant. Sorti en 2017, c’est une variation autour de l’iris qui a inspiré décidément le parfumeur cette année-là puis qu’il a lancé également, pour Parfum d’Empire, « le Cri de la Lumière » dans lequel cette note est largement mise en valeur et dont j’ai déjà beaucoup parlé. Mais revenons à « Belle Rives ». Le départ de bergamote, d’encens et de myrrhe lui donne un petit côté mystique qui m’a un peu surpris et puis, le parfumeur retourner explorer des matières qu’il a bien souvent travaillé comme l’iris, omniprésent dans la création mais aussi la fleur d’osmanthus et le jasmin. Le fond est poudré par des muscs blancs cotonneux et soutenu par du cèdre et du vétiver. C’est un jus puissant, opulent, à mon avis difficile à porter l’été. Je dois admettre que c’est le parfum de la maison qui m’a le moins plu. Il est sans doute trop loin de ma zone de confort et, si je l’ai essayé récemment, je n’ai pas du tout réussi à me l’approprier alors que, sur le papier, il pouvait me plaire. Allez comprendre…
Je pense que Philippe Neirinck et Marc-Antoine Corticchiato souhaiteraient la sortie d’une sixième fragrance mais ce n’est pas encore chose faite. J’avoue que ma curiosité naturelle me pousse à l’attendre avec impatience. Je ne sais pas du tout à quoi ressemblera ce nouveau parfum mais je suis sûr qu’il sera réussi. En attendant les cinq autres, même s’ils ne sont pas nécessairement faciles à trouver, méritent qu’on s’y arrête et même qu’on les essaye. Qu’on se le dise !