La pivoine, fraîche et florale
La pivoine est souvent utilisée en parfumerie pour renforcer la rose ou lui donner d’autres facettes mais j’ai trouvé plusieurs créations dans lesquelles elle est utilisée en majeur et j’ai trouvé intéressant d’explorer un peu cette odeur suave et fraîche à la fois. J’ai donc sélectionné cinq fragrances dans lesquelles elle est mise en valeur et en avant. J’aurais aimé vraiment citer « Peoneve » de Penhaligon’s que j’aimais beaucoup mais il a été supprimé alors j’ai fait des recherches et j’ai essayé plusieurs créations pour essayer de garder les plus représentatives.
Je ne pouvais pas commencer cette sélection sans parler de « Peony & Blush Suede » créé par Christine Nagel en 2013 pour Jo Malone London car, même s’il n’est pas mon préféré, il faut bien le dire, c’est une création incontournable pour les amateurs de pivoine. « L'essence du charme. Des pivoines voluptueuses en fleur. Flirtant avec l'acidité juteuse de la pomme rouge et l’opulence du jasmin, de la rose et de la giroflée. Se mêlant à la sensualité d’une tendre suédine rosée. Luxueux et séducteur ». L’envolée est vraiment très « croquante » si j’ose dire avec cette note de pomme rouge hyper réaliste fruitée et suave à la fois puis la pivoine, en coeur, prend toute sa place et c’est comme un bouquet floral de fleurs coupées dans un jardin et que l’on a plaisir à faire entrer dans une maison. Le fond de cuir blanc, suède, daim, disons-le comme nous voulons, est tout doux, enveloppant et agréable. Je crois que je ne pourrais pas porter ce parfum. Il est un peu entêtant sur ma peau. En revanche, j’adore l’idée et je le préfère en parfum d’ambiance sous une forme ou une autre. Il n’en demeure pas moins une belle création.
« Pivoine Suzhou » créé a par Cécile Matton et Julie Masse pour Armani Privé en 2014. « Inspirée des jardins légendaires de Chine, Pivoine Suzhou est une invitation à flâner entre cours d'eau, ponts arqués et arbres centenaires. Cette fragrance rend hommage à la fleur la plus aimée de l'empire de Chine : la pivoine. Longtemps appelée par ses habitants Reine des Fleurs, elle est l'emblème du bonheur, de la grâce et de la prospérité ». Avec un départ de mandarine et de poivre rose associé à une fugace (heureusement) note de framboise dès la vaporisation, le ton est donné. Il s’agit d’un parfum frais et rond à la fois. Le coeur de pivoine et de rose se fait délicat et se développe joliment laissant un peu derrière nous une envolée synthétique plus ou moins agréable et le fond d’orcanox (une variante synthétique de l’ambre) associé à des notes de patchouli et de musc, rend le parfum assez tenace tout en se faisant discret. « Pivoine Suzhou » est un parfum très agréable et léger comme une brume d’été tout en gardant une tenue plus longue que beaucoup de créations en concentration eau de toilette. Sur le papier, il aurait du me déplaire mais, en fait, j’ai bien aimé car il est très bien travaillé.
« Poom Poom » créé par Rémi Barbier pour Maison Matine en 2021. Il décrit ainsi sa création : « L'insouciant Poom poom, à la rose de Bulgarie twistée par un kiwi ! C'est le temps de l'optimisme et de l'apaisement. Ce parfum personnifie la situation après le confinement : vivons à tambour battant, et croquons la vie à pleines dents ! ». Avec un curieux départ de rose et de kiwi, un coeur d’orchidée, de pivoine, de freesia et de rose et un fond de musc, de bois d’ébène, de vanille et de santal, « Poom Poom » est résolument réjouissant. Il est vif, nuancé, très agréable à porter et doté d’une belle tenue. C’est un petit plaisir pas cher et très bien vu. Efficace, un peu inédit quand même, je l’ai trouvé très agréable et je trouve qu’il dame le pion très facilement à des parfums beaucoup plus onéreux et qui n’ont pas du tout la même finesse. Idéal en période estivale, il ravira celles et ceux qui en ont assez des agrumes et qui ont envie d’un floral frais et musqué très sympa et sans prétention.
Un départ de bergamote, de kumquat et de pastèque très frais, un coeur très floral de pivoine, de gardénia, de muguet et de violette et un fond de muscs, de bois de santal et de patchouli tel est « Givrine » créé en 1950 et revisité par Évelyne Boulanger pour E.Coudray. « Une eau de toilette rafraîchissante où les agrumes, kumquats, pastèque se mêlent aux bouquets floraux de violette, rose, pivoine, avant de s'épanouir dans les accents chaleureux des muscs et du santal ». Je trouve ce parfum, très contemporain, réjouissant et particulièrement bien réalisé. Il me fait penser à un déjeuner sur la terrasse de la maison d’un de mes amis en Provence. Toutes les odeurs du jardin remontent et s’attirent, se repoussent pour donner au fond quelque chose de très agréable, enveloppant et, en fin de compte, très élégant. Je trouve que « Givrine » fait partie des plus belles créations de la maison E.Coudray et il mérite vraiment d’être mentionné. Je l’ai réessayé en parfumerie avant d’en parler et je le trouve très joli, avec une très bonne tenue et un prix raisonnable.
J’ai gardé pour la fin le plus sophistiqué de ma sélection. « Mémoire de Daisen In » créé par Sonia Constant pour Ella K en 2019. Elle en décrit ainsi l’inspiration : « Je me suis inspiré des rocailles japonaises assez étonnantes. Au début, avec des sensations indissociables de la « vie » minérale et végétale du jardin, J'ai créé une version cérébrale : Kyoto, Japon. Dans cette allée bordée de rosiers, l’air est saturé des parfums pétillants des fleurs largement écloses. Cachée au bout, l’entrée d’un jardin Japonais, surprenant de minéralité, et où, pierres, graviers et bois dessinent le chemin de la vie. Un faux-semblant de dénuement qui ouvre la voie pour un voyage intérieur. Comme suspendu entre deux mondes, l’esprit est ailleurs. En quête de l’illumination. Les mots ne sauraient rendre la plénitude de ce lieu divin. L’éternité a élu domicile au cœur du temple et c’est bien ici, en cet instant, que la vie déroule son ruban. Tu me vois sereine et heureuse. Funambule sur le fil de la lame du temps, nous sommes ce moment ». L’envolée me séduit immédiatement avec le côté presque confit et acidulé du kumquat et la douceur d’une très belle bergamote puis le coeur de rose et de pivoine a l’air « charnu », je ne sais pas comment le décrire autrement. Il oscille entre rondeur poudrée et fraîcheur. Les notes de fond sont également très atypiques avec un versant muscs blancs mais aussi le côté un peu poudré du benjoin et épicé de la noix de muscade. J’ai adoré ce parfum sur ma peau même si je trouve que la tenue n’est pas toujours exceptionnelle sur moi. En tout cas, c’est un joli coup de coeur et je me dis que les voyages de Sonia Constant sont vraiment toujours un dépaysement olfactif et que j’aime beaucoup cette collection.
On ne peut pas tout citer mais j’avais aussi beaucoup aimé un Jardin de Fragonard sorti il y a quelques années et dans lequel la note de grenade était associée à la pivoine. Je trouve que c’es tune fleur très agréable à sentir en parfumerie mais je ne crois pas que je pourrais vraiment porter un parfum dans lequel elle est travaillé en majeur car il est probable que je m’en lasserai. En revanche, j’aime bien les sentir sur les autres et je trouve que la note est agréablement fraîche et complète vraiment la rose en la rendant plus facettée encore.
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