Le benjoin, baumé et résineux
« Le nom de benjoin vient probablement, par l'intermédiaire de l'italien, de l'arabe lubān jāwī ou « encens javanais »2, et est à l'origine de celui du benzène ». Très utilisé en parfumerie, le benjoin est le baume ou la résine de diverses plantes comme par exemple le styrax. En parfumerie, il est très apprécié en raison de facettes à la fois vanillées bien sûr mais aussi avec des accents caramel, amande grillée ou encore café. Pour moi, il rappelle aussi l’odeur du Papier d’Arménie de mon enfance. Je trouve les effluves tout en rondeur du benjoin très élégants et très addictifs. Je les repère très facilement mais n’avais, jusqu’à présent, eu l’idée de leur consacrer un article. J’ai donc choisi quatre parfums dans lesquels cette note est particulièrement présente. Mes choix se sont portés vers des compositions que je trouve très significatives. Vous me direz si vous reconnaissez cette (ces) note(s) également. En tout cas, je serai heureux d’avoir votre ressenti. À noter que je n’ai pas choisi « Bois d’Arménie » de la collection L’Art et La Matière de Guerlain car il est sur le point d’être supprimé du catalogue sinon il aurait été une parfaite illustration de ce qu’est la note de benjoin.
Le premier parfum est signé Pierre Guillaume pour sa marque éponyme et il a pour nom « Indochine 25 ». Il a été lancé en 2011 et fut sans doute l’un des premiers qui ont su me séduire dans la marque. « A la fois doux, vanillé, résineux, poudré, lacté et épicé le Benjoin de Siam est une résine d’une grande richesse olfactive rarement utilisée comme thème central en Parfumerie. Usant et abusant de notes rares telles que le Poivre de Kampot, le Tanakha de Birmanie ou le Miel du Laos, Pierre Guillaume nous livre une orchestration lumineuse, soyeuse et aérée, ciselant avec justesse, chacune des facettes de la matière balsamique brute ». Il allie des notes de poivre de kampot, de cardamome, de miel, d’encens et d’ambre associées au benjoin travaillé de manière très résineuse. Je dois dire que j’aime beaucoup le départ de ce parfum très dense, presque humide, qui, grâce à un côté épicé, se modifie énormément avec le temps. « Indochine » est un parfum complexe mais la note résineuse, vanillée et ronde du benjoin est parfaitement identifiable. Cela le rendra presque clivant. Il y aura ceux pour qui le développement est vraiment beau et qui s’identifieront à ce parfum et ceux qui seront un peu déçu par l’évolution comme moi. Je trouve qu’il se banalise un peu en se développant sur ma peau et je le regrette car, en ce qui me concerne, les notes de tête et même de coeur sont absolument addictives. J’ai beaucoup tourné autour de ce parfum mais j’y ai renoncé car la toute fin de l’évolution sur ma peau ne me plait qu’à moitié ce qui ne l’empêche pas d’être très beau et super bien travaillé.
Mon parfum dans lequel la note de benjoin est présente est sans aucun doute « Coromandel » en eau de parfum, créé par Jacques Polge pour la collection Les Exclusifs de Chanel. Rond, enveloppant, c’est un ambré comme je recommence à les aimer. « Coromandel est un envoûtement exotique et fabuleux. Une fragrance intensément ambrée, aux notes de patchouli, d’encens et de benjoin. Une étreinte douce et voluptueuse ». On dit toujours que ce parfum est un travail autour du patchouli mais il n’est pas que cela. Il s’ouvre sur des notes d’agrumes et de néroli puis vient un coeur de patchouli, de racine d’iris, de rose et de jasmin avant que le parfum ne se pose sur un fond de multiples résines, dont le benjoin, et de muscs blancs. Enveloppant, très élégant, ce parfum est « mon » Exclusif de Chanel. Je l’aime depuis très longtemps. Je ne vais pas encore rappeler les origines de son nom liés aux paravents chinois, préférant, pour cette description, me concentrer sur ce qu’il m’évoque. C’est vrai qu’il peut faire penser aux fumeries d’opium de l’Extrême-Orient du début du XXème siècle mais pour moi il est surtout un patchouli résineux et particulièrement réussi. Il ne ressemble à rien d’autre. Je trouve que la présence du benjoin lui donne un côté vanillé, légèrement poudré et presque fumé qui le rend absolument inimitable.
Créé par Olivier Cresp pour Akro, la maison de parfums qu’il a créé avec sa fille, « Smoke » est également une composition dans laquelle la note de benjoin est très présente. « Une bouffée, la première. Comme le premier souffle d’une vie. Epaisse et blanche. Longue et puissante. Le corps qui se relâche enfin. Un quasi-frisson. Puis les bouffées qui s’enchainent. Le temps de quelques minutes. Une courte sensation de satisfaction, qui se fait déjà̀ désirer à nouveau. Smoke s’inspire du plaisir de la première bouffée de la clope, celui qui se consume aussi vite qu’il nait ». Le départ est très tranché avec des notes de tabac, que l’on retrouve aussi au coeur et de bois de cade pour le côté fumé puis, au fond, le parfum est arrondi par un benjoin très vanillé et les accents cuir de la fève de tonka. Il en résulte un tabac chaud, presque épicé, particulièrement difficile d’accès à la vaporisation mais dont l’évolution s’avère super belle sur la peau. C’est un tabac fumé arrondi et légèrement poudré par le benjoin. Pour moi, Olivier Cresp, plus que l’addiction, a recherché l’équilibre et c’est carton plein car « Smoke » est vraiment une superbe réussite. Je l’ai porté pour écrire cet article et je me dis que je pourrais tout à fait me l’approprier. « Smoke » fait partie de mes parfums préférés dans la marque et il faudra que je le réessaye l’hiver prochain.
« J'ai créé ce parfum comme un aimant qui attire physiquement. Les matières que j'ai choisi, s'épousent par affinité et se repoussent par contraste, dans un champ magnétique olfactif dont le bois ambré est le noyau. Benjoin, Patchouli et Musc se fondent dans l'Ambre et attirent les fleurs du cœur, tandis que le Pruneau les retient dans sa douceur liquoreuse. Gingembre, Myrtille et Bergamote fusent et gravitent autour, colorant le parfum de facettes fraîches, épicées et fruitées », tels sont les mots de Christine Nagel pour décrire « Une Nuit Magnétique » qu’elle a créé pour The Different Company en 2014. Là encore, dans cette composition très ronde, je trouve que la note de benjoin est identifiable et très bien travaillée. Le parfum s’ouvre sur un accord myrtille associé à la bergamote et au gingembre puis vient ce magnifique coeur de prune, de tubéreuse, de jasmin et de rose qui se pose sur un fond de benjoin, d’ambre, de muscs et de patchouli. Dit comme cela le parfum a l’air très rond et gourmand mais il n’en n’est rien. C’est une prune plutôt baumée et le benjoin domine vraiment les notes de fond. Je trouve ce parfum très équilibré, vraiment super beau et, même si je n’en possède qu’un échantillon, je suis assez fan de la note de prune et le travail de Christine Nagel est de toute beauté. Il faut vraiment essayer « Une Nuit Magnétique ».
J’aurais bien sûr pu citer « Babycat » de la collection privée de Saint-Laurent mais j’ai opté pour des parfums que je connais mieux. Si la note de benjoin vous plait et que certains parfums un peu « Papier d’Arménie » vous viennent à l’esprit, je serai heureux de les découvrir donc n’hésitez pas à me faire des suggestions.
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