Passion Parfums

« Jusqu’à l’apparition dans les années 60 des parfums boisés, on connaissait bien plus le bois de gaïac pour sa solidité à toute épreuve que pour les qualités olfactives de son essence. Pourtant, dès les premiers effluves de parfums boisés, l’écorce de bois de gaïac fut très vite utilisée comme agent fixateur mais aussi comme matière première ressemblant, à s’y méprendre parfois, au vétiver. Aujourd’hui de nombreux parfums utilisent le bois de gaïac en tant que note de fond pour créer une structure stable mais aussi en note de cœur pour s’assembler avec des senteurs typiquement boisées tels que le cèdre ou le santal » - Olfastory. Très nuancé, très facetté, le bois de gaïac est présent dans plein de parfums mais plutôt comme soutient à d’autres notes. J’ai donc mis très longtemps à en apprécier la douceur suave, presque gourmande et atypique. Ce n’est que lorsque je me suis rendu compte que je portais plusieurs parfums dans lequel il est utilisé en majeur que je me suis rendu compte que j’aimais plusieurs de ses versants. J’ai choisi quatre parfums pour illustrer mon propos. J’ai porté trois d’entre-eux et eu un coup de coeur pour le quatrième, ce qui n’est déjà pas si mal.

Bien évidemment, le premier parfum dont j’ai eu envie de parler est « Lignum Vitae », appellation latine du bois de gaïac mais qui est également le nom d’un parfum créé en 2016 par la parfumeure britannique Julie Marlowe pour Beaufort London et qui est un peu un objet parfumé non identifié dans la marque. « Dans ce parfum les accords métalliques chauds évoquent le surnom de Lignum Vitae - «Forêt de fer»; et la senteur poivrée agrumée de cette sorte de bois est mélangé avec une touche de l'air salé et imprégnée de chronomètres marins faits en cuivre. Il s'est avéré que lors du sciage, le bois exceptionnellement dense de Lignum Vitae libère un arôme de “gâteau” comme une allusion à la Madeleines de Proust. En associant des matériaux exotiques bruts et inattendus la marque célèbre l’esprit innovateur qui a mis fin à la recherche du temps perdu et permis la sécurité du passage des navires à travers le monde ». C’est un parfum complexe, qui évolue énormément et qui va toujours me surprendre quand je le porte. Il s’ouvre sur des notes de poivre noir, de fruits, de mandarine, de citron, de bergamote, de baie de genièvre, de gingembre, de caramel et d’encens avant de s’enrichir de ce bois de gaïac très végétal, de vétiver et de bois d’agar poivré et de se poser sur un accord de sel marin et de sable, de mousse, d’ambre et de vanille. J’avoue que, même si je le porte souvent, « Lignum Vitae » me déroute. Il est très étonnant, changeant, à mi-chemin entre l’odeur d’une tarte au citron et celle de bois trempés dans l’eau salée. Je dois dire qu’il ne ressemble à rien d’autre et qu’il a même un côté presque cire d’abeille. Je l’aime vraiment beaucoup mais j’ai du mal à le décrire tant il est complexe. En tout cas, je l’ai porté récemment et j’en ai éprouvé beaucoup de plaisir.

Créé en 2007 par Jeanne-Marie Faugier pour Frapin, « Caravelle Épicée » a été pour moi une très belle découverte. J’aime beaucoup le côté très « route des Indes » de cette invention parfumée qui m’a beaucoup impressionné. La marque le décrit ainsi : « Muscade et patchouli de l'Indonésie, poivre et bois de santal de l'Inde, piment, tabac et bois de gaïac de l'Amérique. Caravelle Épicée, hommage aux vaisseaux des grands explorateurs, offre un concentré brûlant et somptueux des trésors de l'Ancien et du Nouveau Monde, sur un fond sensuel d'élixir ambré.  Une ode aux épices proposée par Jeanne-Marie Faugier. Si le cognac est né pour voyager, c'est que le vin de Charente, lui, voyageait mal. Pour lui permettre d'atteindre des destinations lointaines, on invente de le distiller, ce qui concentre ses arômes. Les précieux flacons sont alors acheminés à travers le monde par des vaisseaux qui, en retour, rapportent épices et bois précieux.  C'est ce lien historique entre le cognac et la route maritime des épices que raconte Caravelle Épicée. Une évocation somptueuse des flancs boisés des vaisseaux imprégnés des arômes de leur cargo, des marchés lointains, des coffres recelant ces épices qui, jadis, valaient le prix de l’or ». Je crois que tout est dit. Le parfum s’ouvre sur un départ de noix de muscade et de coriandre enrichi par un coeur de cumin, de thym et de poivre noir qui entourent ce bois de gaïac ultra facetté entre notes gourmandes et sèches puis le fond de tabac, de santal, de patchouli et d’ambre vient « affirmer » ce parfum d’une élégance exotique, légèrement vintage. Il est vraiment, pour moi, très addictif et j’aime beaucoup le sentir voire même le porter. Pour moi, c’est une ode aux épices et aux nuances du bois de gaïac. En revanche, il me semble qu’il est discontinué. En tout cas, il est en rupture de stock dans plusieurs parfumeries. À suivre…

« Jardins D’Écrivains interprète le fascinant conte fantastique de Virginia Woolf. Personnage hybride à l’éternelle jeunesse, celui que l’on nomme Lord Orlando sous l’époque Elisabethaine devient au cours du XVIIIème siècle Lady Orlando. Étrangeté, éclectisme et intemporalité révèlent un parfum envoûtant. Un sillage imprégné d’un rêve irrationnel, d’une monarchie orientale et d’un sens divin. Une identité insolite s’annonce dès les premières notes, puis le cœur captive par sa transcendance. Enfin les notes de fond, à la fois chaudes et douces, expriment un esprit délicat » tels sont les mots de la marque pour décrire « Orlando » créé par Anaïs Biguine en 2013. Je l’ai beaucoup porté et je le connais vraiment bien. C’est un parfum vraiment envoûtant, à la fois baumé, musqué et boisé. Il s’ouvre sur des notes de baies roses, de gingembre et d’orange et son coeur est composé autour du baume du Pérou avec des notes de clou de girofle, d’ambre et de patchouli. Ce n’est que lorsque les notes de fond apparaissent que l’on découvre la dualité des muscs et du bois de gaïac qui exprime alors toutes ses facettes. Je dois dire que je le trouve à la fois cocon et cosmétique. Dans ce parfum, le versant légèrement gourmand de ce bois ne vient pas jusqu’à moi. Pour moi, « Orlando », c’est de l’élégance à l’état pur. Comme quoi, on peut créer un grand parfum et le vendre à un prix très raisonnable. En tout cas, moi je l’aime beaucoup et il est probable que je le porterai à nouveau un jour.

Le dernier parfum est l’un de mes coups de coeur parmi les sorties de cette année 2022. Il s’agit de « Oud Laqué » créé par Mathieu Nardin pour Les Bains Guerbois. « Jeux de miroirs. Veinés, brillants, chauds, exotiques, précieux : aux Bains Paris nos silhouettes se reflètent dans des bois laqués à outrance. Espaces d’un lieu mythique. Sillage de parfum. Evanescence lumineuse. Puissance spirituelle. Sensualité sombre.  Synesthésie. Donner un parfum aux matières, une couleur aux voyelles, mêler les émotions. Troubler les sens ». C’est un parfum suave qui commence, à la vaporisation, par une envolée de fruits secs et de cardamome vraiment surprenante et inédite puis arrive un coeur de cuir, de géranium et de clou de girofle avant de se poser sur un fond baumé construit sur la dualité du benjoin et du bois de gaïac. C’est un oud sans oud. Je trouve qu’il porte vraiment bien son nom et qu’il est très nuancé. Son côté à la fois cuiré et boisé mais d’une manière presque miellée me séduit car il est tout en finesse. Je trouve vraiment qu’il porte très bien son nom. En tout cas, il m’évoque un peu les bois laqués, sans doute par association d’idée. Je l’aime beaucoup et je pourrais tout à fait me l’approprier.

Je pense que j’aime bien les différentes facettes du bois de gaïac. Je m’en suis assuré en rédigeant cet article et en remettant mon nez dans ces quatre créations qui ont vraiment quelque chose de commun. Je dois dire que je m’étonne toujours de découvrir qu’il y a certaines notes boisées que j’aime vraiment beaucoup. Celles du bois de gaïac sont de celles-là.