Le bois de rose, intrigant et facetté
C’est une note harmonieuse, à mi-chemin entre plusieurs autres et je crois que c’est dans « H24 » d’Hermès que j’ai réussi à l’identifier le plus facilement la première fois que je l’ai senti. J’aime beaucoup le bois de rose en parfumerie. Il présente plusieurs facettes, la première est évidemment boisée, très nette et singulière, la seconde est épicée voire même un peu poivrée. On peut aussi, bien évidemment, trouver dans cette matière première, un versant floral très prononcé. Matière première très onéreuse, car il faut 100 kg de bois pour produire 1 l d’essence. Il est utilisé le plus souvent en traces pour apporter un twist qui va tout changer dans les parfums notamment aromatique ou floraux. Il peut aussi être associé à d’autres bois et aux muscs blancs. Je trouve que c’est une matière difficile à identifier mais qui apporte un fil conducteur entre toutes les fragrances qui en contiennent même une quantité infinitésimale. J’ai choisi quatre parfums dans lesquels j’arrive bien à identifier la note et je dois dire que, pour la plupart, je dos être sensible à son association avec les notes choisies par les parfumeurs.
Anaïs Biguine a pas mal utilisé cette note dans sa collection Les Cocottes de Paris et notamment dans « Melle Cléo » qu’elle a sorti en 2015 et que j’aime particulièrement. « Telle une hétaïre farouche, elle se distingue dans une sorte de lupanar qu’est l’opéra de Paris. L’eau de parfum Melle Cléo est une sorte de chorégraphie olfactive aux variations imprédictibles. Un bois de rose Botticellien, une belle de nuit digne des asparas et une fleur de coton pour la plus angélique des cocottes ». Pour symboliser cette égérie du Paris du XIXème siècle, la parfumeure a choisi de créer une fragrance particulièrement intrigante et, en même temps, très facile à porter. Il s’ouvre sur une envolée de bois de rose très épicée et enrichie de bergamote et de litchi très doux pour évoluer vers un coeur singulier d’ylang-ylang et de rose puis un fond de fleur de coton et de mousse de chêne. La douceur de ce parfum à la fois très tenace et un peu « pour soi » m’a plu tout de suite. Je ne sais pas si j’aimerais le porter car je lui trouve quelque chose de très « tendre » et je préfère, en principe, les parfums plus affirmés mais j’adore le sentir. Je dois dire que, sur ma peau, il matche particulièrement bien alors rien n’est jamais joué. Je trouve qu’Anaïs Biguine donne là une interprétation toute en nuance du bois de rose et, pour moi, c’est une vraie réussite.
« Avec Junky, Jardins d’Écrivains interprète le parallèle avec la dépendance olfactive. Le parfum a le pouvoir de provoquer un état propre à chacun ; son influence sur le comportement est indéniable et troublante. S’il raconte une partie de soi aux autres, il révèle également beaucoup à celui qui le porte. Junky se veut complexe et insolite. La fraîcheur du Cannabis accapare les premières notes. Le coeur ténébreux des fleurs crémeuses de Gardénia, d’Iris et de Violette se mêle à un fond de bois secs : Cachemire, Cèdre et Cade, subtilement rehaussé de résines et de Vétiver de Java. Junky invite à la singularité ». Avec ce parfum qu’elle a créé en 2014 pour sa marque originelle, Jardins d’Écrivains, Anaïs Biguine a donné une interprétation complètement différente du bois de rose qui est associé, dès l’ouverture avec la facette très verte du galbanum et très envoûtante du chanvre qui lui confère un côté très fugace mais étonnant cannabis que le coeur floral d’iris, de gardénia et de violette puis le fond d’encens, de mousse, de vétiver, de bois de cade, d’opoponax et de cèdre rend à la fois plus doux et plus complexe. Avec ce parfum, Anaïs Biguine explore un univers un peu subversif mais également addictif. Attention, « Junky » n’est pas le parfum de tout le monde, il faut l’assumer, il est très original et clivant, on l’aimera ou il nous rebutera mais il ne nous laissera pas indifférent. Je l’ai porté pour écrire cet article et j’avoue que le bois de rose épicé lui donne encore plus de singularité. Je ne suis pas certain d’être assez audacieux pour le porter mais il est fascinant.
Je n’ai jamais caché que j’avais eu un coup de coeur pour « Lost In Translation », sans doute le parfum le plus singulier proposé par Maison Matine à ce jour et cela ne s’est jamais démenti. Le parfumeur Laurent Marrone qui l’a créé l’an dernier en 2021 le décrit ainsi : « La révélation d'un paysage inconnu grâce à un accord osé de notes fumées, aquatiques et métalliques. Lost In Translation représente le début du confinement international. Un parfum profond et contemporain ». J’ai su, dès le départ de veuille de violette et de baie de genièvre que ce parfum allait me surprendre et cela s’est confirmé avec le coeur très affirmé de bois de rose floral et épicé, de thé et de poivre noir denses, profonds et très surprenant car il lui confère à la fois une certaine fraicheur et de la personnalité. Le fond de patchouli, de muscs et de tabac viennent ajouter à l’originalité de cette création particulièrement bien réussie. Je trouve que « Lost in Translation », à l’instar de plusieurs créations de cette petite maison à suivre absolument, est un bijou de parfumerie dont on parle peu mais qu’il faut absolument découvrir. Je pourrais tout à fait le porter. Je dois même dire qu’en le réessayant pour écrire cet article, je l’ai trouvé encore plus joli.
Je ne peux pas dire que je sois complètement fan du dernier parfum dont j’avais envie de parler mais je ne pouvais pas passer à côté car, en l’inventant, en 2017 pour sa marque éponyme, Ramon Monegal a créé un best-seller. Il s’agit, bien évidemment de « Flamenco ». « Émotion enivrante exprimée en chanson, la guitare et la danse qui, sous le charme de l'Alhambra, transcende dans ce parfum : des larmes salées comme la rosée méridionale, un éventail de pétales de fleur d'oranger, de rose et de jasmin, puis des volutes de santal et bois de cèdre. Cette fragrance magique finit en nectar voluptueux d’étamines safranées, ambre et musc ». Je dois dire que je suis très rebuté par l’envolée qui mêle l’iris et la violette poudrée avec cette note de framboise synthétique qui me dérangerait presque mais le coeur de rose et de bois de rose associé au jasmin est vraiment très beau quoiqu’un peu fugace car il s’enrichit d’un fond à la fois musqué et boisé avec un côté ambré. Je suis vraiment partagé lorsque je sens ce parfum. Il me faut vraiment laisser s’évaporer les notes de tête et, ensuite, je trouve l’évolution jolie. Je préfèrerais peut-être que le côté à la fois floral et poudré du coeur soit plus développé mais tel n’a pas été le désir du parfumeur et je le respecte. Il reste que je comprends son succès. Je connais plusieurs amateurs de parfums qui le portent et cela ne m’étonne pas car il est quand même très réussi.
Je me suis vraiment fait plaisir à traquer les traces de bois de rose dans ces parfums et je trouve qu’elles leur confèrent quelque chose d’unique, d’attirant et de vraiment élégant. Je trouve que, à l’instar de « H24 » d’Hermès, particulièrement l’eau de parfum qui vient de sortir, le bois de rose utilisé de manière un peu plus importante, est vraiment une facette voire une note particulièrement élégante et raffinée. Vraiment, je l’identifie maintenant assez bien et je comprends pourquoi j’aime plusieurs parfums qui en contiennent. J’aurai d’ailleurs pu en citer d’autres dans Les Cocottes de Paris ou encore des maisons comme Alexandre J, Majda Bekkali, Ormonde Jayne, Penthalogies et 1907 mais il fallait bien faire des choix. En tout cas, j’espère avoir piqué votre curiosité et j’aimerais avoir vos retours.
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