Passion Parfums

 

« En parfumerie, l’écorce de bouleau est utilisée pour apporter aux fragrances masculines une note de cuirs. Le bouleau dégage des odeurs chaudes, acres, fumées, goudronnées et surtout cuirées. Le bouleau donne l’impression olfactive d’un feu de bois. Les parfums qui contiennent de l’essence de bouleaux donnent des fragrances racées qui ont du caractère. Parmi les grands parfums, « Cuir de Russie » créée par Chanel dans les années 20 est un parfum mythique qui a connu un succès massif. Ici les notes de tête sont principalement hespéridées, ce qui donne une impression fraiche et dynamique. En notes de cœur, on découvre la vanille, la fougère et le cèdre. Le cuir fumé intervient alors en note de fond, en apportant sa puissance et son côté viril. Le résultat, un parfum très chic et racé, mais qui n’a aujourd’hui, plus autant de succès auprès des hommes, lui préférant des fragrances plus marines, fraiches et modernes » (Olfastory). Il est, avec la mousse de chêne l’un des composants de l’accord cuir de Russie et, avec son côté sombre, goudronné et un peu animal, j’avoue que le bois de bouleau sait parfois me séduire même si, à d’autres moments, il peut aussi me rebuter. J’aimais particulièrement cette note dans le fond de « L’Eau du Fier » créé par Isabelle Doyen pour Annick Goutal et qui, hélas, n’existe plus. Je l’ai aussi retrouvée dans « Cuir de Russie » d’L.T. Piver qui est un parfum que j’ai énormément porté. Le bois de bouleau est moins utilisé aujourd’hui en parfumerie notamment pour composer l’accord cuir. Les parfumeurs lui préfèrent sans doute le styrax, le bois de cade ou d’autres composants. Pour ma part, et c’est peut-être un peu nostalgique, j’ai pris plaisir à trouver quatre parfums actuels qui en contiennent et dans lesquels la note est particulièrement identifiable.

Le premier parfum qui m’est venu à l’esprit est un de ceux que je porte et il a été créé en 2018 par Anaïs Biguine pour la collection La Pléiade de sa marque Jardins d’Écrivains. C’est un parfum en clair obscur, un cuir de Russie sans mousse de chêne mais avec beaucoup de caractéristiques des parfums « à l’ancienne » un peu disparus. Associée à l’armoise, la note de bouleau est présente dès l’envolée et son côté « goudron » va perdurer tout au long de l’évolution y compris quand le parfums s’atténue avec ce très beau coeur de fève tonka et de lilas. Au fond, il se fait baumé en s’associant avec le styrax et surtout le benjoin. Les notes liquoreuses que l’on peut sentir à un moment de l’évolution disparaissent assez rapidement pour donner une fragrance vraiment très élégante mais atypique, inspirée bien sûr de l’univers poétique de Guillaume Apollinaire. « Élixir de macération cuirée. L’ivresse des sens révèle l’art du choc. Une quintessence composée d’armoise, bouleau, lilas, fève tonka, benjoin, styrax ». Peut-être que « Alcools » deviendra « le » cuir que je garderai maintenant que « Cuir » de Mona di Orio n’existe plus, je ne le sais pas. En tout cas, j’aime le porter en hiver et le retrouver dans mes écharpes est toujours un vrai plaisir. Le côté goudronné est complètement contrebalancé par des notes florales mais aussi liquoreuses comme un cocktail qui réchauffe. Anaïs Biguine a su créer, en utilisant une overdose de bois de bouleau, un cuir chic et moderne même si, il faut le dire, je lui trouve un côté complètement romantique. Je l’aime depuis longtemps. J’ai déjà porté plusieurs flacons et j’ai énormément de plaisir, en hiver, à le retrouver chaque année.

 

 

Beaucoup plus rond, très moderne, « Ambre Russe » créé en 2003 pour la collection classique de sa maison Parfum d’Empire par Marc-Antoine Corticchiato, est « mon parfum bonne humeur. Le créateur revisite le cuir de Russie avec ce parfum moderne, hybride et particulièrement réjouissant. « Elixir opulent, fatal comme l’âme slave. Cet élixir intense où la pureté de l’ambre gris est exaltée par les épices vibrantes, les effluves du thé russe et les fumées sacrées de l’encens, nous entraîne dans les fastes de la Russie des derniers tsars. Ambre Russe, sillage des passionnés ». Dès la vaporisation, je suis attrapé par les notes de vodka et de champagne qui m’évoquent quelque chose d’à la fois pétillant et déjà un peu dense. L’impression va se confirmer avec ce coeur cuiré composé autour des bois de cade et de bouleau, secs et sombres mais illuminés par la coriandre et la cannelle et facetté par une note de thé absolument magnifique. C’est au bout d’une longue évolution que « Ambre Russe » commence à vraiment mériter son nom car l’accord ambré et musqué se fait résineux avec de l’encens un peu en traces, ça et là. À l’instar de « Alcools », je porte « Ambre Russe » depuis de très nombreuses années. Je pense même qu’il est le Parfum d’Empire que j’ai le plus utilisé même si j’en aime beaucoup d’autres. C’est un cuir ambré d’un genre nouveau qui a, c’est vrai, dans mon esprit, balayé le côté un peu trop classique de cet accord. Le bois de bouleau n’est pas, au coeur, destiné à lui donner un côté animal et goudronné mais simplement une belle profondeur et une intensité qui le rend très intéressant. Je le porte plutôt l’hiver également mais c’est vrai que c’est une création d’une grande beauté et d’une finesse suffisante pour déborder sur l’automne et le printemps.

 

 

 

Le bois de bouleau peut aussi m’évoquer le goudron de Norvège que l’on met sur la fourchette, le dessous du sabot des chevaux, pour durcir la corne, la protéger et l’isoler de l’humidité. C’est pourquoi, je comprends ce qu’a voulu Naomi Goodsir quand, en 2021, elle a demandé à Bertrand Duchaufour de lui composer « Corpus Equus ». Peut-être vous en souviendrez-vous mais, à sa sa sortie, j’avais été très impressionné par cette création absolument segmentante, pas facile, animale, goudronnée, sombre et particulièrement singulière. C’est un parfum qui peut effrayer, rebuter ou fasciner. Peut-être parce que je suis, depuis l’enfance, baigné dans l’univers équestre et que j’en comprends tout à fait l’inspiration que j’ai tellement aimé cette création. « Une composition noire aux notes animales, Corpus Equus rend hommage à la nature noble et sauvage d’un étalon arabe, à son tempérament de feu. Être intrépide et fougueux à l’allure élégante, il fend le vent, laissant derrière lui une odeur de terre, foulée par son galop, mêlée au cuir chaud de sa selle qui frotte sur son dos. Une composition noire, profonde & animale, aux notes de cuir affirmées. Un hommage à un cheval fier & impétueux ». « Corpus Equus » n’a pas vraiment de note de tête mais s’ouvre directement sur un coeur de rose, pas toujours décelable (c’est selon les peaux), puis un fond absolument fou de bois de bouleau fumé, de cèdre, de cuir, d’encens, de musc et de patchouli associé à un accord ambré. J’aime énormément ce parfum pour toutes les raisons que j’ai pu exprimer mais je n’arrive pas à trouver des occasions pour le porter. Je possède plusieurs doses d’essai et je l’ai mis sur ma peau pour écrire. Je le sais dérangeant mais il me plait. Sous l’impulsion de Naomi Goodsir, Bertrand Duchaufour a créé un cuir de Russie moderne et pourtant j’ai comme l’impression qu’il revient à l’origine de l’inspiration. Je ne vous promets pas que vous aimerez porter « Corpus Equus » mais il faut vraiment le découvrir.

 

 

 

Bien sûr, j’aurais pu une fois encore, revenir sur « Eau du Prince Igor » de Nicolas de Barry, « Cuir de Russie » de Chanel, « Vi et Armis » ou encore « Coeur de Noir » de Beaufort London mais j’ai trouvé plus intéressant d’aller essayer un parfum que je connais moins. J’ai donc choisi d’essayer « Notturno » créé par Giuseppe Imprezzabile pour Meo Fuschiuni en 2012. Il est vrai que ce parfum est tout aussi clivant que le précédent mais je le trouve bien différent. « La nuit a toujours été un moment fascinant. Muse des artistes et vénérée par de nombreux peuples, au temps de la nuit, au temps de la poésie et de la recherche intime, Notturno est né. Encapsulée dans cinq moments poétiques autobiographiques, la pyramide olfactive de Notturno Extrait de Parfum raconte la nuit blanche qui accueille le poète dans ses bras ». Il s’agit-là d’un parfum tout à fait surprenant avec un départ très liquoreux de rhum, un coeur basé sur une note d’oeillet et un accord de cuir et d’encre puis un fond construit autour du bois de bouleau avec des versants musqués, ambrés. Le côté profond est renforcé par un cèdre très présent un peu d’encens. « Notturno » et sombre par définition et je le trouve également goudronné mais d’une autre manière. Sur ma peau, il s’avère un peu liquoreux sans jamais être écoeurant. Il me déroute, me plaît puis me déplaît. Il est beau, sombre, sophistiqué et, en même temps, il prend des côtés un peu naturaliste. L’association de l’accord encre et du bois de bouleau est très beau sur ma peau mais, tout comme « Corpus Equus », c’est un parfum assez difficile à porter régulièrement. Il n’est peut-être pas mon préféré dans la marque mais, en fin de compte, il me séduit beaucoup.

 

 

Je voulais vous présenter des parfums dans lesquels le bois de bouleau est très présent comme dans les cuirs de Russie du début du XXème siècle mais qui soient quand même contemporains. En tout cas, c’est une note goudronnée et animale qui me plait. Je la trouve très intéressante et je suis content qu’elle ne soit pas que désuète. J’ai choisi des parfums assez faciles, d’autres plus clivants et je crois que me sélection est équilibrée. En tout cas, l’hiver prochain, j’en suis sûr, je porterai des parfums qui exhalent la note de bois de bouleau.