Le cumin, une note à apprivoiser
* Article enrichi
Il peut piquer un peu, déplaire aussi ou évoquer des effluves de cuisine mais force m’est de constater que le cumin, que je n’aimais pas du tout lorsque j’ai commencé à exercer un peu mon nez, est une épice que les parfumeurs aiment à utiliser. Je pense à Edmond Roudnitska pour qui il était une note de prédilection mais également à d’autres, plus près de nous comme Marc-Antoine Corticchiato, Francis Kurkdjian et, bien évidemment Jean-Claude Ellena qui l’ont mise en valeur. Je dois dire que je suis parfois un peu dubitatif lorsque je la sens en tête mais, lorsqu’elle est travaillée de belle manière, elle prend toute sa place. J’ai choisi cinq parfums dans laquelle la note est particulièrement mise en valeur et je dois dire que j’ai pris un petit plaisir presque coupable à les redécouvrir.
C’est avec « Aziyadé » créé par Marc-Antoine Corticchiato en 2008 cette note dominante. Le parfumeur décrit ainsi cette création singulière : « Oriental, épicé et fruité, Aziyadé s’ouvre sur un accord grenade détonnant puis délivre les notes liquoreuses des dattes confites, des oranges et des pruneaux. Ses épices aphrodisiaques nous plongent au cœur de nuits orientales où les larmes d’encens se mêlent aux muscs, au ciste et à la caroube. Création excessive et charnelle, Aziyadé ruisselle de sensualité ». Après une envolée d’amande douce, de prune confite, de date et de grenade associée à l’orange amère, le coeur de ce parfum est très épicé. Cannelle, cardamome, gingembre et carvi se groupent autour du cumin pour nous emmener dans un univers d’oasis dans le désert. Le fond d’encens, de ciste, de tabac et de patchouli est légèrement vanillé. Audacieux, presque étrange, « Aziyadé » n’est pas le parfum de tout le monde et je ne le trouve pas forcément facile à s’approprier pourtant je l’ai porté et j’ai bien aimé. Je m’étais vu offrir une miniature il y a quelques années. Au premier abord, j’ai cru ne jamais pouvoir le porter et pourtant j’ai trouvé qu’il ne m’allait pas si mal que ça.
Le plus célèbre parfum dans lequel la note de cumin est très présente est sans aucun doute « Femme » de Rochas. « Parfum culte créé par Marcel Rochas en 1948 pour sa femme Hélène, Femme est un hommage du grand couturier à l'absolu féminin. Son accord chypré-fruité-épicé au sillage sensuel et voluptueux fait de lui, la quintessence de la séduction au féminin ». Cet immense succès qui fit la réputation d’Edmond Roudnitska a certes été reformulé (notamment en 2013 par Olivier Cresp) durant les décennies qui ont suivi sa création mais il a toujours gardé son départ prune, cannelle, palissandre et cumin, son coeur clou de girofle, oeillet, rose et ylang ylang et son fond de mousse de chêne de patchouli et d’ambre. J’ai une certaine prédilection pour ce parfum. Je ne connais, bien évidemment que sa version la plus moderne car il a été reformulé récemment mais je me suis laissé dire qu’il avait retrouvé des accents communs avec ce qu’il était à sa création. Pour moi, il est le premier parfum de l’histoire dont l’écriture épurée rompait avec les best sellers de cette époque. Edmond Roudnitska est allé à l’essentiel tout en gardant des facettes épicées et fruitée s’harmonisant avec un chypré floral. On pourrait le croire daté mais personnellement, je le trouve très intemporel.
« Imaginé en 1951 par Edmond Roudnitska autour d’un thème hespéridé épicé floral, Eau d’Hermès est le premier parfum de la maison. Il puise son inspiration dans l’évocation d’une odeur merveilleuse et pleine de sensibilité : «L’intérieur d’un sac Hermès où flottait l’arôme d’un parfum… Une note de fine peausserie enrobée de frais effluves d’agrumes et relevée d’épices», commentait alors le compositeur. Une odeur puissante et sensuelle qui s’adresse aux hommes autant qu’aux femmes. La collection des Classiques témoigne des premières rencontres entre Hermès et le parfum. Ces intemporels racontent le patrimoine vivant de la maison, ses références, ses confidences… ». Je vous ai déjà proposé un article sur « L’Eau d’Hermès » qui est, pour moi, une merveilleuse découverte. Après une envolée de bergamote, de petit grain, de sauge et de lavande, le parfum se fait épicé avec des notes de cardamome, de cannelle et de cumin autour d’un coeur de géranium pour se poser sur un accord cuir de Russie, bouleau et mousse de chêne. Je ne vais pas développer plus car j’en ai déjà beaucoup parlé mais je me suis laissé dire que ce parfum était celui d’Edmond Roudnitska, son créateur mais aussi celui de Jean-Claude Ellena lorsqu’il travaillait pour la maison Hermès. Du coup ma transition est toute trouvée.
C’est en 2013 que Jean-Claude Ellena crée pour la collection des Hermessences, un parfum complètement atypique qu’il décrit ainsi : « «Le parfum d’une rencontre entre un homme de goût et un homme de nez. Je désirais vous inviter à la découverte des odeurs d’épices, de rhum, de parquet ciré et de bois fumé. Une forme d’évasion inspirée par l’odeur vivifiante, stimulante des côtes bretonnes. Une Hermessence corsaire.» Epice Marine offre des parfums d’épices brisées par les odeurs vivifiantes de la mer. ». C’est sur les conseil d’un autre passionné de parfums que je suis allé le découvrir il y a peu et je dois dire que c’est un peu une révolution olfactive. C’est un parfum linéaire qui allie des notes marines, du vétiver et de la mousse de chêne à des épices comme le cumin et la cardamome pour se terminer sur un fond de cannelle, de noisette et de graine de sésame. Je trouve « Épice Marine » absolument étonnant. Très souvent, dans cette collection, Jean-Claude Ellena a utilisé les épices (« Poivre Samarcande », « Paprika Brasil »…) mais jamais avec autant de singularité. Ce parfum-ci ne ressemble absolument à rien d’autre et il me transporte sur les îles bretonnes à la fin de l’été, le soir, enveloppé dans un pull en cachemire. C’est un bijou.
Le dernier parfum dont j’avais envie de vous parler, je l’ai déjà évoqué lorsque je l’ai découvert. Il s’agit de « Eau Noire » créé en 2004 par Francis Kurkdjian pour la collection privée de Christian Dior. Il faut aujourd’hui partie des Rarissimes. C’est un oriental fougère avec un départ de sauge sclarée, un coeur de lavande, de café, de cèdre et de cumin et un fond de réglisse et de violette. C’est un parfum très aromatique. La marque le décrit ainsi : « Eau Noire est l'interprétation d'un esprit smoking dans une eau du soir intense, nimbée de mystère. Une interprétation de la lavande en clair-obscur, faisant écho à l'atmosphère du château de la Colle Noire, propriété de Christian Dior située à Grasse, en Provence ». Je dois dire qu’il m’a un peu surpris. Si j’ai été très séduit par son envolée, le développement m’a vraiment dérouté et je ne peux pas dire que je le porterai. J’en salue toutefois l’originalité et la créativité. C’est un parfum qui se veut élégant mais je le trouve surtout singulier. Vous me direz que l’un n’empêche pas l’autre mais finalement, il sort un peu trop de ma bibliothèque olfactive pour me plaire vraiment.
Pour conclure je dirais qu’il m’a vraiment fallu apprivoiser la note de cumin mais que, finalement, maintenant, je l’aime assez lorsqu’elle fait partie d’une composition qui entre dans mes goûts. Je suis particulièrement fan de son duo avec la prune dans « Femme » ou de son alliance avec les hespéridés et le cuir dans « L’Eau d’Hermès ». Cette épice est également très intéressante lorsqu’elle est rafraîchie par les notes marines dans « Épice Marine ». Mon attirance récente pour le cumin prouve que mes goûts, sans changer radicalement, évoluent tout le temps. Pour ma part, je porte avec délice « L’Eau d’Hermès » et je dois dire que je n’en n’ai que des compliments.
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