Passion Parfums

 

 

Le galbanum ou férule gommeuse est une herbe vivace qui forme une sorte de buisson. Sa fleur est jaune et son odeur au naturel est assez déroutante. Elle pousse notamment dans des pays désertiques et montagneux C’est de sa racine que l’on extrait un liquide blanc et laiteux. On peut aussi utiliser ses feuilles pour une autre facette du « vert ». Utilisée pour rehausser ou rafraîchir une fragrance, elle est aussi très présente dans des parfums floraux, cuirés ou poudrés auxquels le parfumeur a voulu conférer une facette feuillage ou même herbe coupée. Je me suis rendu compte que je connaissais plusieurs parfums dans lesquels le galbanum est utilisé dans des quantités importantes. Je dois bien dire que c’est une odeur assez clivante. On aime ou pas mais personnellement, je très amateur. J’ai sélectionné plusieurs parfums aux accents verts mais très différents dans lesquels le galbanum tient une place importante.

Créé par Henri Robert en 1970, Le « N°19 » de Chanel est vraiment le premier qui me vient à l’esprit notamment dans sa version originale. « Un parfum audacieux au caractère affirmé. Un fleuri-boisé-vert à l’équilibre parfait. La dernière fragrance lancée et portée par Gabrielle Chanel. Une composition sans concession, à l'image de la créatrice. N°19, c’est l’autre grand numéro de CHANEL. Le dernier parfum que lance et porte Gabrielle Chanel. Une fragrance qui rend hommage à sa date de naissance. Le 19 août 1883. Lorsque lui vient l’idée de ce nouveau parfum féminin, elle affronte les réticences de son entourage qui ne croit pas qu’une nouvelle fragrance puisse cohabiter avec le N°5. Obstinée, Coco ne lâche pas prise et commande à Henri Robert une composition au parti pris aussi puissant que celui de N°5. Et elle l’obtient, dans un registre olfactif complètement différent : un accord contrasté de notes vertes et poudrées. Mademoiselle décède quelques semaines seulement après le lancement de ce nouveau jus, le 10 janvier 1971 ». C’est un grand succès de parfumerie que je trouve, pour le coup, vraiment mixte et facile à porter. Il a été décliné en deux version, une eau de parfum et une version poudrée que je préfère, pour ma part, à l’original. Le départ de galbanum, de jacinthe et de bergamote annonce la couleur si j’ose dire car j’ai une impression d’herbe coupée fraîchement, presque de soleil de printemps. Le coeur d’iris, de rose, et de narcisse lui donnent deux facette, la première est franchement poudrée et la seconde à la fois florale et poudrée. Le fond de mousse de chêne et de vétiver renforce le côté très vert, voire naturel du parfum. Pour moi, c’est « le » poudré de la maison Chanel et ses facettes vertes et herbe sont tout à fait originales. Je l’imagine dans les années 70 comme un must de la modernité. Je trouve qu’il est complètement en rupture avec tout ce qui a été fait avant. Aujourd’hui, ce n’est plus un parfum avant-gardiste mais je dois dire que je le trouve toujours très actuel.

« Je suis un splash aérien et pur, un souffle vert, soutenu par les feuilles de basilic et le pissenlit, qui rafraîchit l’esprit. Mon équilibre olfactif est instable, entre des notes florales et des facettes aromatiques teintées d’une douce lumière. Je suis une balade dans un jardin japonais, je déambule dans les allées de cerisiers en fleurs, bercés par le chant des bambous qui s’entrechoquent, humant l’intense odeur de l’herbe fraîchement coupée. Je suis un hommage à cette 5ème saison japonaise, un temps étrange entre le printemps et l’été : fleuri, frais et chaud. À l’image de ces instants, jasmin étoilé et cyclamen se mêlent en mon coeur, et c’est alors que mon musc overdosé entre en scène pour révéler toute ma sensualité, je suis Tokyo Bloom ». Alors là, c’est une révélation. Je suis complètement séduit par ce parfum léger, aérien et vert qui, c’est vrai, évoque la discrète élégance des allées empierrées de jardins japonais. Le départ très aromatique de basilique et de pissenlit est cassé par le croquant du bourgeon de cassis et la verdeur presque acidulée du galbanum. Le jasmin étoilé et le cyclamen au coeur confèrent à l’évolution une douceur florale qui vient contrebalancer le côté incisif de l’envolée et je trouve qu’il y a un côté bambou en effet à ce stade de l’évolution quand au fond très muscs blancs, il est arrondi par le bois de gaïac et l’ambre. J’ai un vrai coup de coeur pour « Tokyo Bloom » qui est sans doute mon préféré de ma sélection mais aussi de la collection. J’ai adoré ce parfum sur ma peau. Il est tout en légèreté et en douceur tout en gardant son côté vert. C’est carton plein !

 

 

Lorsque je sens « Heure Exquise », créé par Isabelle Doyen et Annick Goutal en 1984, je ne peux m’empêcher de penser à la poudre à perruques utilisée au XVIIIème siècle. Les mots de la maisonsur son inspiration sont les suivants : « L’heure exquise est cet instant furtif, entre chien et loup, où le jour disparaît et la lune reprend sa place. A ce moment précis, au bord d’un étang, les iris d’un bleu sombre presque violet dressent leur silhouette élégante et répandent leur parfum poudré et envoûtant dans l’humidité du soir ». Pour moi, si on peut le rapprocher un peu du « N°19 » de Chanel par certains côtés, « Heure Exquise » est avant tout un poudré pur et simple avec surtout une construction autour de l’iris et du galbanum qui donne un aspect frais à la vaporisation. La rose turque en coeur renforce le côté très poudré de la fragrance et le fond de bois de santal est, finalement assez neutre pour permettre à « Heure Exquise » de garder ce côté entre poudre, fleurs et herbes coupées. Pour moi, c’est un parfum de rosée, idéal en ce moment avec le retour de températures plus fraîches. Je dois dire que je connais bien « Heure Exquise ». Je l’ai énormément porté et il est un peu un ovni dans la parfumerie actuelle. Je suis à la fois content et particulièrement surpris qu’il rencontre encore un nombreux public tant il a un côté vintage et presque « trop habillé ». Personnellement, il fait partie de mes musts même s’il s’adresse à la base à une clientèle féminine. Je le porte sans aucune difficulté et je l’aime vraiment beaucoup.

« Panorama » créé par Clément Gavarry en 2014 pour la collection classique d’Olfactive Studio est également un coup de coeur. Je l’ai redécouvert pour cet article et il m’a énormément plu. « Vert et sauvage, Panorama est le parfum d’une jungle urbaine. Un jeu d’alliances inédites dont un surprenant accord wasabi, piquant et épicé. Quand surgit la myrrhe, parmi d’autres notes résinées chaleureuses et envoûtantes, un contraste incroyable s’invite avec raffinement. Composition ample, généreuse et inattendue, Panorama ouvre l’imaginaire olfactif ». Clément Gavarry a élaboré une fragrance vraiment très étonnante, verte et particulièrement originale. L’envolée déjà est tout à fait incroyable avec des notes de wasabi, de citron, de bambou et de feuille de figuier. Il y a presque quelque chose de piquant dans ce départ et cela va se transformer avec un coeur de galbanum, de feuille de violette, d’herbe et surtout de cardamome qui renforce la fraîcheur du parfum. Le fond, plus rond se fait enveloppant avec des notes de myrrhe, de labdanum, de sapin baumier, de vanille, de musc, de patchouli et de fève tonka. Je suis vraiment content qu’Alain et Serge de la parfumerie lyonnaise Le Paravent, m’aient fait découvrir ce parfum que je trouve tout à fait magnifique et vers lequel je ne serai sans doute pas allé sans leur conseil éclairé. J’aime beaucoup « Panorama », il s’agit un très beau parfum, rare, original et pourtant facile à porter.

 

Cet article sur la férule Gommeuse est aussi une manière de revenir sur l’une des sorties évènement de cette année. J’ai nommé « Synthetic Jungle » créé par Anne Flipo en cet automne 2021 pour les Éditions de Parfum Frédéric Malle et qui s’ouvre très nettement sur une note de galbanum très prononcée même si la marque ne communique pas complètement dessus. Elle se pare de basilic et de muguet que je trouve particulièrement persistant sur ma peau. Le coeur est un jasmin qui se mêle vraiment à cette note d’une manière très fusionnelle et je retrouve la mousse de chêne prenant le pas sur le patchouli en fond. C’est un chypré floral et très vert. Je trouve qu’il n’a peut-être pas la modernité que j’attendais car, par certains côtés, sa construction est assez classique à mon nez. La marque le décrit ainsi : « Mystérieux et provocant, Synthetic Jungle est un paysage luxuriant en technicolor. Hommage aux parfums cultes des années 70, il dépeint une nature fantasmée, à sa manière moderne et stylisée. Et il marque l’entrée du parfumeur Anne Flipo au sein des Editions de Parfums Frédéric Malle. Anne Flipo a conservé la note de basilic, qu’elle a associée à un bouquet de jacinthe, muguet, jasmin et ylang ylang. Pour ciseler et moderniser l’ensemble, elle a ajouté une note de cassis synthétique et d’acétate de styrallyle : un véritable filtre de brillance et d’éclat pour les fleurs. Elle a également simplifié et épuré les facettes chyprées et cuirées d’origine. Enfin, elle a introduit une note de patchouli, l’un des ingrédients les plus complexes et les plus évocateurs de la palette des parfumeurs ». J’avais essayé ce parfum en avant-première au mois d’août et il m’avait beaucoup plu. J’ai eu l’occasion de le réessayer plus sur ma peau que sur mes vêtement et je trouve que la facette galbanum que je trouve clivante et surprenante, en s’associant avec le muguet et les fleurs blanches me correspond peut-être moins que je ne l’aurais cru. Il n’en demeure pas moins que c’est un magnifique parfum qui figurera dans mon top de cette année à coup sûr.

« La force du métal rouge, chaud et frais à la fois. Les notes lumineuses de baies animent celles des feuilles sombres. Le cuivre est une interrogation olfactive autour de l'harmonie et des contrastes. Les notes synthétiques de métal se heurtent avec élégance à la vanille naturelle et à la myrrhe d'Ethiopie, dans un accord olfactif qui ne cesse d'évoluer sur la peau ». Créé par Aliénor Massenet en 2019, « Copper » de Comme des Garçons est mon dernier choix pour parler du galbanum car il est encore différent. C’est un parfum très déroutant avec un départ de poivre rose et de cassis, un coeur oscillant entre le côté baumé du benjoin, épicé du gingembre, très vert et même un peu poudré du galbanum reposant sur un fond de notes métalliques. Le fond ambre, myrrhe, tabac et vanille renforce ce côté métallique mais solaire. J’avais compris tout à fait l’obtention par ce parfum d’un FIFI Award car je le trouve particulièrement réussi et bien vu. J’ai eu l’occasion de l’essayer et j’ai beaucoup aimé son développement entre notes vraiment « cuivrées » pour le coup et vertes comme l’herbe d’un sous-bois. C’est un parfum singulier certes mais vraiment facile à porter. Je le trouve vraiment très moderne et j’ai beaucoup aimé. J’avais même un peu tourné autour lors de sa sortie.

Le galbanum est une matière première très utile en parfumerie mais c’est vrai que son odeur, presque anisée parfois, peut prendre beaucoup de place et il convient au parfumeur de l’associer avec une certaine parcimonie à une formule qu’elle va immanquablement rafraichir. Pour ma part, je l'aime de plus en plus et je comprends l’engouement de certains créateurs (et ils sont nombreux) pour son utilisation. Il est de nombreux parfums très verts qui en contiennent qui me plaisent énormément.