Passion Parfums

Proche du cypriol, le papyrus est parfois utilisé en parfumerie. Je trouve que c’est une plante qui donne révèle beaucoup de facettes. L’une est verte et herbacée presque épicée, une autre plus boisée, une troisième presque résineuse voire fumée. Je trouve que c’est une matière première très intéressante qui permet, quand elle est utilisée en mineur, de donner du relief au parfum et, quand elle est employée en majeur, de conférer une singularité indéniable. J’ai choisi quatre parfums dans lesquels j’ai peu facilement identifier cette note riche et qui me plait vraiment beaucoup.

Le premier parfum qui m’est venu à l’esprit est « Papyrus Moléculaire » créé par Leslie Girard pour Maison Crivelli en 2020 et qui, c’est vrai, est l’une des créations de la marque que je préfère. « une rencontre avec des femmes tatouées qui fumaient des cigarillos et tressaient des feuilles de papyrus. Le contraste surprenant : une note boisée, douce et poudrée contraste avec un accord tabac vif et rebelle ». La marque ne communique pas sur la pyramide olfactive en tant que tel mais j’ai reconnu un départ très poivre noir et coriandre, un coeur papyrus et santal et un fond fève tonka, tabac et cuir tel que le décrit la marque. C’est un parfum ethnique, brut, extrêmement bien travaillé pourtant. Je le trouve d’une rare finesse et d’une élégance étrange, comme si ce n’était pas ce qui était recherché. Sur ma peau, la tenue est un peu moyenne mais vraiment je trouve ce parfum très intéressant et je serais prêt à le porter quitte à me reparfumer dans la journée. Il m’emmène sur les bords du Nil d’une Égypte antique rêvée et je ressens de grandes étendues ocres et beiges comme des aplats de couleur. Je trouve que « Papyrus Moléculaire » a vraiment quelque chose de très audacieux, à la fois complètement contemporain et inédit. Pour moi, il est l’une des plus belles créations de la collection des eaux de parfums.

 

Créé en 2018 par Jérôme Épinette pour la collection classique d’Olfactive Studio, « Flash Back in New York » nous emmène dans un tout autre univers puisque c’est une atmosphère urbaine et très moderne qu’il symbolise. « Surprendre est une des signatures de la ville. Fusant et contrasté, Flash Back in New York révèle une amorce verticale, où cumin, safran et sauge s’allient avec énergie. Passée la première émotion, un cœur enveloppant bat autour de la violette, du jasmin et du cuir de Toscane qui réchauffe la composition. C’est autour de ce contraste que le parfum se structure, dans l’évolution d’une sensation éclair en un lent et doux mouvement vers une chaleur boisée et addictive de bouleau fumé, de papyrus et de vétiver ». L’envolée épicée et « seconde peau » de cumin et de safran s’harmonise avec le côté aromatique de la sauge sclarée et la douceur de la fleur de coton puis arrive un coeur de violette et de jasmin enveloppé d’un cuir de Toscane chaud et doux puis le fond, plus cuir de Russie, construit autour d’une essence de bouleau fumée et des notes résineuses et vertes du papyrus est arrondi par la fève tonka. J’ai essayé ce parfum sur peau pour la première fois il y a quelques mois et je pense que je vous en avais parlé. J’aime beaucoup sa complexité. Le papyrus est ici un soutien des autres notes et donne au parfum des aspérités fascinantes qui permettent une évolution boisée et constante avec un côté gras et vert que je trouve très moderne et, en même temps, vraiment addictif.

« J'ai exalté le coté doux et miellé de l'acacia, j'y ai ajouté des notes solaires et poudrées et des notes vertes du papyrus touche suave et addictive au parfum » tels sont les mots de Sonia Constant pour décrire « Reflet sur l’Okavango » qu’elle a créé pour sa marque Ella K en 2019. Dans ce parfum, le papyrus est un soutien pour donner du corps au côté floral et presque aquatique conféré par les matières premières choisies par la parfumeure. Il intervient dès les notes de tête et je lui trouve un côté humide et très lumineux effectivement comme les rayons du soleil sur une eau un peu marécageuse mais qui reste fraîche. Le coeur d’acacia et d’iris est très floral et légèrement poudré. Il est naturellement légèrement miellé en effet et est contrebalancé par la douceur des muscs blancs en fond qui sont associés au galbanum. J’aime énormément le côté exotique de « Reflet sur l’Okavango » et il m’emmène également dans un Niger que je ne connais pas du tout et que j’imagine un peu humide et envoûtant. Quand j’ai senti ce parfum pour la première fois, j’ai été très impressionné par son côté naturaliste. La finesse du travail de Sonia Constant est, encore une fois, vraiment évidente dans cette fragrance originale et dans laquelle le départ de papyrus donne le ton par son côté vert et un peu boisé. On s’y croirait !

Créé par Michel Almairac pour Les Bains Guerbois, « 2015 Le Phénix » est ainsi décrit par la marque : « Paris, rien ne disparaît, tout peut renaître. 2015, Les Bains ressuscitent, une fois encore. Tout est à nouveau possible dans la Maison Guerbois sous les dômes et coupoles de laque profonde, dans un tourbillon subtil de cardamome et de gingembre, de patchouli et de cèdre, d’encens et d’ambre. Le Spa, le club, l’hôtel. Danser, trainer, rêver, suer, boire, voir, humer, séduire, s’assoupir. Hier, avant-hier, aujourd’hui. Les Bains. 1885, 1978, 2015 ». Après un départ très épicé de gingembre et de cardamome, le coeur, pour le coup très végétal de papyrus se pare de facettes boisées et poudrée avec des notes de cèdre et plus terreuses avec le patchouli avant de se poser sur un socle d’encens rendu chaud par des accents d’ambre et de musc. Je n’aime pas trop ce parfum mais je trouvais qu’il était une très belle illustration d’une autre facette du papyrus, plus vert, plus herbacé que dans les autres créations que j’ai évoqué dans cet article. En tout cas, j’ai bien aimé le sentir et je me suis fait plaisir à l’essayer car, même si je ne le porterais pas, je le trouve très abouti et très parlant. Il a un côté un peu « pop » que je ne déteste finalement pas.

J’ai donné à cet article le titre de « Le papyrus dans tous ses états » et j’ai essayé de vraiment aborder, parfum par parfum, les multiples facettes de cette plante mythique voire même mythologique qui donne vraiment du relief en parfumerie et que j’identifie de mieux en mieux. J’espère que vous aurez envie de sentir, de rêver, de voyager avec cet effluve différente, très facettée et intéressante. Moi, j’ai adoré vraiment identifier la note et j’ai éprouvé beaucoup de plaisir à préparer cet article.