Passion Parfums

« En parfumerie, le poivre de Timut est souvent associé à des notes d'agrumes, de fleurs et de bois pour créer des parfums exotiques et sophistiqués. Ses notes épicées se marient bien avec la fraîcheur des agrumes, tandis que ses nuances citronnées peuvent être mises en valeur par des notes florales légères »… Mais qu’est-ce que le poivre de de Timur aussi appelé poivre de Timut dont on parle pas mal car il est utilisé, depuis quelques années dans des compositions à succès ? « Ce poivre fin et délicieux possède un piquant semblable à celui du poivre du Sichuan mais bien moins puissant. Sa caractéristique sensorielle très particulière avec un goût de pamplemousse et de citron confit qui survient juste après les petites notes légèrement piquantes. Cette baie ou ce poivre (Zanthoxylum armatum) est un arbre buisson de 5 à 6m de hauteur qui va donner des baies qui ressemblent étrangement à de minuscules combava. Ces baies une fois séchées s’ouvrent en petits lobes laissant apparaitre la graine. On conserve uniquement l’enveloppe de la graine. Ces fragrances de pamplemousse et citron sont dues à une raison toute simple : le genre des Zanthoxylum appartient à la grande famille des Rutaceaes. Dans laquelle on trouve le genre Citrus, qui sont les agrumes. Ainsi cette baie est cousine des agrumes. Mais alors, de quelle baie ou poivre parle t on ? Est-ce du Timur ou du Timut ? En effet principalement en France est utilisé le nom de Timut pour désigner cette épice. Les Népalais, d’où provient cette baie, utilise bien le nom de Timur. On le pronnonce "Timourrrr" en Népalais. Malgré plusieurs recherches, nous ne savons pas pourquoi il y a cette erreur en France. Est-ce une erreur sur les premiers documents d’importation ? Quoiqu’il en soit si vous cherchez du Timut, le Timur c’est la même chose et c’est son vrai nom » (source internet). Depuis quelques années qu’il soit appelé poivre de Timur est un ingrédient utilisé dans certains parfums dont j’ai apprécié le côté à la fois original et élégant.

« Terre d'Hermès Eau Givrée explore un nouveau territoire, où fraîcheur et puissance se répondent. Un voile de givre fertilise la terre et l'exalte d'une force nouvelle, revigorante » Tels sont les mots de Christine Nagel, parfumeure chez Hermès pour exprimer ses influences dans la composition de « Terre d’Hermès Eau Givrée » sorti en 2022. On y retrouve une association épicée de poivre de Timur et de baie de genièvre très fusante qui donne aux notes hespéridées quelque chose de « gelé » comme dans un gin tonic. Le fond, à la fois boisé et minéral renforce cette sensation. J’avoue ne pas être un adepte de « Terre d’Hermès » ni de ses autres déclinaison (à part peut-être « Terre d’Hermès Eau de Parfum Intense » mais qui s’éloigne encore de l’esprit de départ. En revanche, j’ai complètement craqué sur « Terre d’Hermès Eau Givrée » pour son côté glacé certes mais aussi extrêmement épicé. Le poivre de Timur, très présent avec la baie de genièvre me donne une sensation à la fois de fraîcheur et d’une certaine élégance presque à l’anglaise. Je dois dire que la tenue est, contre toute attente, plutôt bonne. Le poivre de Timur est facilement identifiable dans cette composition. Il est vraiment mis en avant dès les notes de tête et il me fallait commencer cette sélection par ce parfum même si c’est une déclinaison car je le trouve parfait pour faire comprendre ce qu’est l’odeur de cet ingrédient à la fois acidulé et épicé.

J’avais particulièrement aimé « Cacao Timur », créé cette année pour La Closerie des Parfums par Céline Perdriel. Elle en explique l’inspiration : « Cacao Timur est le souhait de créer une tension inattendue entre la rondeur chaleureuse du cacao et la fraicheur explosive des citrus menée par la baie de timur ». Quand j’ai essayé ce parfum, je l’ai trouvé assez clivant. Il m’a séduit notamment avec ces notes de tête très épicées et fusantes de poivre de Timur associées au gingembre ainsi qu’au citron vert et d’orange sanguine. Le coeur de cacao très brut est un peu adouci par le jasmin et le freesia puis le fond de tonka, de bois, de patchouli et de vétiver vient asseoir ce parfum et confirmer son caractère. « Voici les fruits, par le relais du Timur, petit agrume aux allures de poivre : pamplemousse, orange sanguine, citron péruvien, mandarine. Tout le cacao s’électrise au contact des hespérides, un frisson de gourmandise ». Pour moi, ce parfum renoue avec un esprit très « roots » que j’aime finalement beaucoup. Le côté très poivré et épicé perdure tout au long de l’évolution et je dois dire que, si j’aime les notes de tête, je suis encore plus séduit par son développement. Céline Perdriel a créé un parfum très élégant et, en même temps, sans fioritures. Je crois que, parfois, je suis attiré par ce genre de créations.

Le poivre de Timur peut aussi venir soutenir d’autres notes. C’est ainsi que Gian Luca Perris l’a utilisé en 2022 pour mettre composer « L’Iris » pour Santa Maria Novella. « L’Iris est un voyage dans le temps et dans l’espace. Fleur symbole de Florence depuis 1266, Santa Maria Novella lui rend hommage en créant une première eau de parfum signée Gian Luca Perris. L’iris est l’une des matières premières les plus précieuses de la parfumerie : le beurre d’iris est extrait des rhizomes, qui doivent mûrir pendant 6 ans. Iris, c’est aussi une déesse, celle qui voyageait sur des arcs-en-ciel pour transmettre des messages des dieux aux mortels. Cette fragrance est un bouquet lumineux, où le galbanum et le néroli dévoilent la délicatesse de la ville tandis que le poivre timur rappelle le mystère qu’elle dégage. Alors que l’on déambule dans les petites rues empreintes d’histoire, le géranium, le magnolia et le jasmin se déploient avec grâce et reflètent la ville dans sa complexité. L’iris enfin se dégage selon une technique parfaitement maîtrisée, où les savoir-faire de la parfumerie la mêlent avec élégance au musc et à l’ambre gris. L’Iris décrit une nouvelle histoire de Florence, mêlant passé et présent, nature, technique et mythe ». C’est une création que je trouve proche de la perfection dans la mise en avant de l’iris. Le départ de poivre de Timur associé au versant très vert du galbanum et du néroli s’enrichit d’un coeur très géranium, un peu mentholé, floral et aquatique avec le jasmin et le magnolia. Le fond d’ambre gris et d’iris de Florence associé aux muscs blancs, met en valeur le versant très floral de l’iris tout en conservant un côté pétillant grâce au poivre de Timur. Sa présence est moins évidente que dans les deux premiers mais je trouve qu’elle ajoute une facette épicée au parfum qui est vraiment intéressante.

Dans cette sélection, le parfum que je connais le mieux car je l’ai porté. Il s’agit de « Exit The King » créé par Cécile Matton et Ralf Schweiger en 2020 pour État Libre d’Orange. Avec ce chypré très moderne, épicé et floral, les parfumeurs ont utilisé le poivre de Timur dès l’ouverture pour l’associer à des aldéhydes et des muscs blancs ainsi qu’au poivre rose et donne un côté vraiment fusant et même savonneux. Le coeur de jasmin de rose et de muguet qui est de toute beauté puis un fond mousse de chêne et patchouli associé au santal. « Le rideau se lève sur un état à l'angle du 69 rue des Archives, dans le Marais, à Paris. Un lieu qui est comme une frontière, où l'ancien monde se termine et le nouveau commence. Au loin, on peut voir la lune pâle s'abaisser au-dessus des tours de Notre Dame. Un homme et une femme sont dans une parfumerie, entourés de flacons. Il a cédé à un souverain déchu et est condamné au sort ultime. Elle est la nouvelle âme, le nouveau rôle, elle est désirable et elle a conquis. Elle est la dénonciation, un peu condescendante. Le battement de ses cils déclare qu'elle est celle dont l'heure de gloire est arrivée, un buvard odorant à la main ». Dès sa sortie, j’ai eu un vrai coup de coeur pour cette création à la fois moderne et très inspirée de la grande tradition de la parfumerie. Je n’aime pas trop les clean scents en général mais la construction très chyprée de cette composition le rend très sophistiqué et lui confère une certaine élégance. Franchement,, j’ai beaucoup aimé tant son départ très tranchant et épicé par le poivre Timur que son évolution vers un chypre moderne et chic. Franchement, la note poivre pétillant est super belle et je suis content qu’elle perdure jusqu’à la fin.

Qu’il soit poivre de Timur, de Timut ou du Sichuan, cet ingrédient est absolument novateur et je vais scruter les sorties dans lesquelles il est utilisé en secondaire ou, pourquoi pas finalement, en majeur. Je crois que son côté fusant et pétillant autant qu’épicé donne vraiment une dimension élégante et jubilatoire au parfum. Cet article n’est pas exhaustif mais il n’est qu’un début car je vais explorer cet ingrédient un peu plus au fil des prochains mois