Le temps du lilas
« Il a foutu le camp, le temps du lilas… » chantait Barbara et je me dis qu’avec l’arrivée d’avril, cette fleur que j’affectionne particulièrement va apparaitre petit à petit dans les jardins. J’ai toujours recherché cette note en parfumerie mais rares sont les créations dans laquelle elle est la dominante. Ceci dit, le lilas est parfois employé au coeur d’une construction olfactive, parfois même recréé par une composition d’autres fleurs. Je vais commencer cet article avec des parfums où la note est identifiable immédiatement pour continuer avec d’autres où elle est présente mais non omniprésente.
Il était normal de commencer cette revue par « Vacances », créé en 1936 par Henri Almeras pour Jean Patou puis reformulé en 2014 pour sa réédition dans la collection héritage par Thomas Fontaine. Je n’ai pas connu la première version mais je pense qu’elle doit être assez proche de celle que j’ai essayé bien souvent. « Vacances » de la collection héritage est résolument frais. C’est une promenade dans un jardin et le lilas, en note de coeur comme en note de fond se mêle à des d’autres qui sont plus végétales, comme de l’herbe coupée. Il y a quelque chose de très rafraichissant et de délicat dans cette re-création que je trouve particulièrement élégante. C’est un dimanche à la campagne au milieu du printemps. Je l’aime beaucoup mais il y a un bémol : Je trouve que, en dépit de la qualité indéniable des matières premières utilisées, il ne tient pas très longtemps. Il faut donc faire suivre son flacon pour se parfumer à nouveau dans la journée.
Dans sa marque éponyme, Aerin, la petite fille d’Estée Lauder a également sorti en 2013 un lilas « à l’américaine ». C’est presque un solinote si ce n’est que « Lilac Path » comporte également des notes boisées et quelque chose, en fond, qui me fait penser au chèvrefeuille. C’est un fleuri relativement intense. Il est profond, laisse un sillage important sans jamais être entêtant. Je n’ai pas réellement accroché avec les autres parfums de la marque même si je reconnais que c’est un travail interessant, notamment les fleuris, mais « Lilac Path » m’a toujours bien plu. Je le trouve à la fois facile à porter, élégant et d’un excellent rapport qualité-prix. Très souvent, je l’ai essayé en passant sur le stand et je n’ai jamais été déçu. Je trouve qu’il est un très bon compromis pour les amateurs de cette fleur printanière qui voudraient un parfum solisenteur bien réussi. De plus, il tient remarquablement bien donc il remplit plusieurs conditions pour me plaire.
C’est aux éditions Frédéric Malle qu’Olivia Giacobetti a sorti « En Passant », en 2000. Tout en fraîcheur et en légèreté, c’est un lilas aux accents aquatiques avec un départ de concombre et des notes de petit grain. Plus complexe que le précédent, il est également à la fois frais et complètement enveloppant. Je l’aime beaucoup. À l’instar de « Vacances », il me fait penser à un matin frais dans un jardin à la campagne et je trouve que c’est un parfum de printemps idéal. Subtil et élégant, profond et atypique, il réunit toutes les qualités que je recherche dans un parfum. Sa tenue est impeccable et son sillage juste comme j’aime, il ne dérangera pas l’entourage mais se mêlera à la peau avec beaucoup de subtilité. J’ai été séduit d’emblée par « En Passant ». Il est l’un des parfums sortis aux éditions Frédéric Malle que je préfère. Je le trouve à la fois chic et réconfortant. Serait-il le lilas idéal ? Je ne sais pas mais je le trouve très réussi.
En 2017, avec la renaissance des parfums Jacques Fath, sort « Lilas Exquis », créé par Luca Maffei. J’ai eu envie de le découvrir dès sa sortie mais j’ai un peu tardé à l’essayer finalement. Ce fut chose faite durant un séjour à Paris. J’ai trouvé qu’il avait un départ peu naturel et, au début, il ne m’a pas vraiment séduit mais son évolution est assez jolie sur ma peau. C’est un lilas plus musqué, avec des notes de lys qui lui confèrent un côté un peu plus animal. Je le trouve particulièrement surprenant. Peu opulent, il est très facile à porter et finalement assez consensuel. À l’instar de celui d’Aérin, je le trouve agréable et réussi.
Outre son travail pour sa marque, Parfum d’Empire, dont j’ai déjà abondamment parlé, Marc-Antoine Corticchiato a créé quelques parfums pour d’autres maisons. En 2013, sort pour la Parfumerie Moderne, un lilas cuiré dans la lignée des associations fleur et cuir. Son nom est « Désarmant » et je dois dire que, lorsque je l’ai senti pour la première fois, j’ai immédiatement trouvé qu’il se démarquait des autres parfums de la marque que je trouve plus classiques. C’est l’élégance de la fragrance qui m’a tout de suite plu. Entre un cuir de Russie classique et profond et un fleuri intense, il est vraiment original et oscille entre modernité et classicisme. Son faux côté suranné me plait beaucoup. Son chic presque à l’anglaise ne pouvait que me séduire tout à fait. Je l’ai essayé en automne et il m’a semblé tout à fait adapté à cette saison. C’est un parfum qui a de la classe !
Certains parfumeurs utilisent également le lilas au centre d’une construction olfactive plus complexe dans laquelle il est plus où moins caché. Ce fut le cas, en 1941, d’Ernest Daltroff lorsqu’il lança « Royal Bain » pour la maison Caron. Je l’ai toujours aimé. Il a des notes qui rappellent le champagne, la fête, c’est un bouquet de leurs posé sur une corbeille de fruits mûrs. Je trouve qu’il a une belle élégance et qu’il apporte une sensation de bien être très agréable lorsqu’on le porte. « Royal Bain » est un lilas « à la sauce Caron », le fond de rose est bien présent et il a un petit côté parfum à l’ancienne qui est très réconfortant. Il peut sembler un peu passé de mode aujourd’hui mais la maison, qui a supprimé dernièrement (hélas) nombre de références, continue de le produire. Je suppose qu’il continue à avoir des adeptes et j’en suis très content.
Pour en terminer avec les parfums où l’on découvre une note de lilas, j’ai hésité. J’aurais pu citer « la Tulipe » de Byredo bien sûr, avec ses notes de cire d’abeille mais j’ai plutôt eu envie de revenir sur l’un de mes plus gros coups de coeur. Il s’agit évidemment de « Fathom V » de Beaufort London dont j’ai déjà parlé dans mon article sur la marque. Il est rarissime que j’accroche autant et aussi immédiatement sur un parfum mais là, ça a été le cas. Entre fleuri et marin, ce parfum créé par deux britanniques, Julie Marlowe et Julie Dunkley, il nous plonge dans l’univers glacé d’une mère d nord un peu sombre. Subversif autant qu’élégant, il est tellement particulier qu’il n’y a pas de commune mesure. Soit il séduit soit il fait fuir lorsqu’on le vaporise mais, et force m’est de le constater, une fois porté, il plait, il intrigue et attire les compliments. « Fathom V » a une autre qualité, il est complètement portable toute au long de l’année. Il est très agréable dans les écharpes et les pull d’hiver et sera, sans doute aucun, tout à fait rafraichissant l’été. Pour moi, c’est une des très belles réussites de la parfumerie britannique.
« Lilas, lilas… es-tu là ? Tu te caches au coeur de beaux parfums… » Voilà une note peu convenue et qui plaira ou pas. Personnellement, j’aime tous les parfums de cette revue même s’ils ne sont pas tous pour moi. Je suis content de les avoir découvert.
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