Les aldéhydes, incontournables molécules
« Un aldéhyde est un composé chimique. Il fait partie de la famille des composés carbonylés. Lorsqu’un atome d’hydrogène est lié à un atome du groupe carbonyle, la molécule devient un aldéhyde. On obtient un aldéhyde par oxydation d'alcools primaires. Les aldéhydes sont certes des molécules synthétiques, mais certaines existent à l’état naturel dans le zeste des agrumes. Les aldéhydes sont reconnaissables par leurs odeurs métalliques, grasses et chaudes. Elles possèdent aussi un côté savonneux, plus ou moins orangé. On dit des aldéhydes, que leurs odeurs ressemblent à de la cire de bougie ou encore à celle du fer à repasser chaud. » Source site Olfastory.
Il fallait tout de même une définition de ce que pourrait être l’odeur de cette molécule de synthèse mais, ne l’ayant senti qu’à travers une composition, je n’aurais pas su comment la décrire. J’ai donc fait quelques recherches afin d’avoir les bons termes. Pour moi, il est vrai qu’elle donne au parfum un accent métallique que j’identifie énormément mais également un côté presque « mat » qui peut renforcer le côté poudré lorsqu’il est associé à certaines matières naturelles. Dès les années 20, les aldéhydes vont être utilisées par les parfumeurs et notamment dans certaines créations de la maison L.T. Piver qui ont aujourd’hui disparu.
C’est évidemment Ernest Beaux à qui Gabrielle Chanel a demandé la création d’un parfum qui donner ses lettre de noblesse à cette note en créant, en 1925, le très célèbre « N°5 ». Il a sans doute du être reformulé mais, ayant souvent eu l’occasion de le sentir évidemment dans sa version extrait autant que dans celles des déclinaisons qui sont sorties par la suite, je dois dire que la note d’aldéhydes est ce qui me vient lorsque je pense à ce parfum dont la formule est, il faut bien le dire d’une richesse et d’une complexité absolument énorme. Je ne détaillerai pas la pyramide olfactive mais je dirais que ce qui, pour moi, en ressort lorsque je le sens c’est évidemment cette note associée au néroli, à l’ylang ylang, à la rose, au muguet et à un jasmin plutôt vert renforcés par un iris poudré et floral à la fois. Le « N°5 » est tellement connu qu’il est identifiable immédiatement dans l’une ou l’autre de ses versions. Il est mythique et les quelques mots à son sujet, dans les années 50, de Marilyn Monroe, les spots publicitaires (notamment ceux mettant en scène Carole Bouquet dans les années 80) sont restés dans toutes les mémoires et l’ensemble me donne l’occasion d’avoir grandi en le sentant tellement j’ai le sentiment de le connaitre. Ernest Beaux a d’ailleurs utilisé également abondamment cette note pour réaliser le « N°22 » à la même époque, qui avait été également proposé à Gabrielle Chanel et qui existe aujourd’hui dans la collection des exclusifs. Je dois dire que, si j’aime sentir le « N°5 », je me dis toujours que c’est plus un parfum que j’aime « culturellement » que réellement. Quant au « N°22 », il m’avait séduit sur la céramique à notre disposition au stand Chanel au Printemps à Lyon mais que j’ai eu l’occasion de le sentir porté et qu’il ma presque dérangé. Comme quoi, j’entretiens un curieux rapport avec la note aldéhydée. En nota bene, je mentionnerai que Ernest Beaux et Jacques Guerlain se sont mis au défi de recréer, pour l’un « Shalimar » et pour l’autre le « N¨5 ». Le gagnant a été le second et il a eu le droit de le commercialisé. Ainsi est né « Liu » que l’on peut sentir maintenant encore.
C’est un peu plus tard, en 1927, que Jeanne Lanvin commande également un parfum qui deviendra mythique à Paul Vacher et André Fraysse. Ainsi naitra « Arpège ». Bien que présentes, surtout parmi les notes de tête, les aldéhydes se font plus discrètes et s’intègrent d’une manière plus discrète dans une composition d’ambre, d’épices et de fleurs d’une incroyable richesse. Le parfum a du être énormément reformulé car. J’ai toujours entendu dire qu’il avait eu, à un moment donné, un sillage énorme et notamment avec une note de lys presque entêtante mais la version commercialisée aujourd’hui est tout de même très facile à porter voire même un peu transparente et chic. C’est un bouquet de fleurs de tous horizons mis en valeur par un fond d’ambre, de bois de santal, de vétiver, de résines et de patchouli. Les aldéhydes sont surtout présentes pour accentuer la facette légèrement poudrée du parfum et renforcer son coeur d’iris. Je sais qu’il peut sembler, aujourd’hui, un peu désuet mais j’ai un faible pour cette version « allégée » que j’ai plaisir à sentir. « Arpège » reste, malgré tout un classique et, je le trouve finalement relativement intemporel. Il a reçu en 2005, le prix FIFI Award Hall of Fame qui récompense les créations incontournables de la parfumerie chaque année par la Fragrance Foundation France. Par curiosité et si vous vous intéressez à ce genre de fragrance, je vous engage à aller le découvrir si vous ne le connaissez pas. Il est très facile à trouver et c’est un parfum emblématique.
Lorsque l’on parle de parfums de cette lignée, il est impossible de ne pas évoquer « Calèche » créé en 1961 par Guy Robert pour la maison Hermès. Je le décrirai comme un « poudré aldéhydé ». Ici, tout est fait pour renforcé le côté élégant et presque cosmétique de la fragrance avec un coeur d’iris et d’une rose très sèche qui va prendre le pas sur les autres notes dès que l’envolée d’agrumes du départ disparaitra. Lorsque je sens sa version actuelle, je remarque également des notes de fleurs d’oranger, de ciste et surtout de muguet. Honte à moi, je n’avais jamais senti « Calèche » d’Hermès (ou tout du moins je ne savais pas que c’était ce parfum) jusqu’à il y a quelques années et j’admets bien volontiers qu’en dépit de son côté vraiment suranné, il ma tout de suite plu. Je trouve que c’est un concentré d’élégance et de charme discret, comme une écharpe de soie douce et réconfortante. Je ne crois pas beaucoup au genre que pourrait avoir une création mais il me faut bien admettre que « Calèche » est un concentré de féminité et que s’il peut sembler un peu passé de mode, il ne tient qu’à la jeune génération de le réactualiser en le portant avec un jean ou une tenue complètement à l’opposé de celles avec lesquelles il était porté dans les années 60.
Plus près de nous, de nombreuses marques ont exploré la note aldéhydée comme par exemple, pour le sélectif, Tom Ford en lançant « Métallique » en 2019 dans lequel elles sont conjuguées avec une vanille subtile. Elles ont également inspiré, en 2004, le parfumeur Yann Vasnier pour la composition de « L’Âme Soeur » pour une maison très confidentielle dont je n’ai pas encore parlé. Il s’agit de Divine. Lorsque j’avais découvert ce parfum, j’avais été frappé par l’omniprésence d’une note aldéhydée dès la vaporisation et qui va venir envelopper toutes les autres jusqu’au fond ambré et boisé. « L’âme Soeur » a une écriture épurée et je trouve qu’il a un côté un peu débarrassé du poids des décennies et de la culture liée à ce genre de parfum. Le néroli, l’ylang ylang et la rose sont très en valeur et il est comme une version modernisée et « limpide » de ce genre de parfum. Il m’a tout de suite plu et il fait partie des trois ou quatre créations de la marque que je préfère. « l’Âme Soeur » a presque un côté « aldéhydé pour la jeune génération ». Je le trouve vraiment très intéressant car il a, à la fois une facette très classique et une autre plus moderne qui dépoussière un peu le genre.
Pour finir, je me devais de citer évidemment « Iris Poudre » créé en 2000 par Pierre Bourdon pour les éditions Frédéric Malle. Dans ce parfum (tout du moins dans sa version actuelle car il a un peu changé depuis sa création), les aldéhydes sont présentes à tous les étages de la pyramide olfactive. Elles renforcent évidemment le côté poudré de la création car elles sont associés avec le bois de palissandre mais aussi et surtout un iris très présent et une feuille de violette qui vient encore soutenir ce côté. Sur le papier, « Iris Poudre » a tout pour me plaire mais je dois dire que, si j’ai aimé essayer la toute première version que possède encore une amie, j’ai été un peu déçu par celle commercialisée actuellement pour deux raisons. La première est que, sur moi (je pense que ce n’est pas général), sa tenue est extrêmement limitée. La seconde est que je trouve que, au bout d’un moment, toutes les notes poudrées et boisées s’éteignent pour ne faire de ce parfum qu’un fleuri aldéhydé, version moderne de ceux que j’ai cité précédemment. Je trouve qu’il perd un peu son identité et je le regrette car j’adore le côté ultra poudré du départ. J’ai essayé et réessayé « Iris Poudre » car je trouve qu’il a quand même quelque chose de séduisant mais, force m’est de constater que ce n’est pas un parfum pour moi.
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