Passion Parfums

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Jean-Pierre Marois, héritier de de François Auguste Guerbois qui avait ouvert des bains à Paris en 1885 a lancé en 2018 sa collection d’eaux de parfums. J’en entendais parler depuis très longtemps et j’ai eu l’opportunité de découvrir les huit créations de la marque. C’est donc avec plaisirs que je vais vous donner mes impressions. Tout d’abord, je dois dire que je suis un peu mitigé sur le packaging car, autant j’aime beaucoup le côté vintage du flacon qui n’est pas sans rappeler celui de « Moustache Original 1949 » de Rochas, je suis un peu plus hermétique à l’univers des boites mais ce ne sont que des emballages. Il faut maintenant aller découvrir ces créations qui m’intriguaient depuis longtemps. Jean-Pierre Marois s’est assuré le concours de parfumeurs de renom tels Dorothee Piot, Jerome Epinette, Bertrand Duchaufour, Dominique Ropion, Michel Almairac et Fanny Bal pour inventer des parfums et constituer cet univers.

François-Auguste Guerbois

Lancé en 2018 et créé par Dorothée Piot, « 1885 Bains Sulfureux » est à mi-chemin entre un parfum aromatique et un ambré fleuri. Il est décrit ainsi par la marque : « Gravir le perron, entrer aux Bains Guerbois en 1885. Dans le temple parisien du bien-être et de la beauté qui vient d’ouvrir, exhalent des senteurs de fleurs, de plantes et d’herbes. Le parfum d’une concoction magique mêlant bergamote, romarin, jasmin et mandarine émane des bains turcs, russes et sulfureux. L’air de la maison recèle de mille essences de tolu, labdanum, tonka, benjoin, encens et musc. Enchantement et abandon pour le corps et l’esprit ». Le mélange de deux univers pourrait me surprendre mais je dois dire que finalement pas tellement. L’envolée de bergamote, de romarin, de cassis et de mandarine est assez fugace sur ma peau et très vite c’est la fleur d’oranger qui prend toute la place. Je dois dire que je ne suis pas très amoureux de cette note qui, je trouve prend le pas sur le jasmin auquel elle est associée au coeur. Le fond de baume tolu, de bois de cachemire, d’encens , de labdanum et de patchouli est entouré d’un halo de bois de cachemire et de santal très enveloppants. La vanille et la fève de tonka ont beaucoup arrondi la fragrance. Pour moi, c’est presque trop. Après avoir attendu un peu, il ne reste sur ma peau qu’une fleur d’oranger presque miellée et musquée. Il n’est pas celui que j’ai préféré mais je lui reconnais une certaine singularité et beaucoup de modernité.

« Belle Epoque à Paris. Réminiscence de Proust aux Bains Guerbois avec une amie chère. Après un bain de vapeurs, un massage, voici venir l’heure langoureuse du thé. Un thé noir aux myrtilles et pomelo. Confidences. Chuchotements à l’oreille. Odeur de cuir de Toscane, senteurs de violette, de maté et de vanille ambrée. De qui ces parfums émanent-ils ? Lui, elle ? Parfums mêlés. Parfum perdu, parfum retrouvé ». Créé par Jérôme Épinette en 2018, ce parfum est sans doute le plus gourmand que j’ai découvert. Après un départ très acidulé et très myrtille car je ne sens pas tellement le pomelo ni la bergamote si ce n’est pour le rebond que ces deux notes donnent à l’envolée, Le parfum évolue sur un « cuir de Toscane » (je ne sais pas vraiment à quoi cela correspond) poudré par la violette et intensifié par des feuilles de thé noir. Le fond est à la fois vraiment gourmand avec des notes de vanille et d’ambre ainsi qu’un accord praline renforcé et rendu plus profond par des accents de maté et de bois de gaiac. Pour ma part, je dirai que je reconnais parfaitement la signature un peu « chimique » de Jérôme Épinette telle que je la connais dans les parfums Byredo. Je trouve la note de myrtille très prépondérante et ce n’est pas une critique si je dis qu’elle estompe un peu toutes les autres facettes de la fragrance. Très honnêtement et alors que nous sommes très très loin de ma zone de confort, j’ai bien aimé ce parfum qui ne m’a pas du tout évoqué la Belle Époque mais plutôt une petite promenade dans un joli jardin en août.

« 1978 Les Bains Douche » a été lancé également en 2018 et il est signé par Bertrand Duchaufour. Sur le papier j’en attendais beaucoup car la marque le décrit ainsi : « Paris 1978, une nuit sans fin dans une des plus folles discothèques au monde. Suivre son parfum poudré. En bas des escaliers, Negroni Yuzu pour elle, Whiskey à la sauge pour moi.Volutes de tabac blond. Accoudé au comptoir en cèdre, je l’observe onduler sur la piste. Des bouffées de myrrhe, de vanille, de patchouli et de rose orientale m’enivrent ». N’ayant pas connu cette boîte de nuit mythique, j’en avais une image très glamour voire glamrock et légèrement sulfureuse. Le départ est absolument dingue avec des notes de yuzu, d’orange amère, de cardamome, de whiskey et surtout de davana. Le coeur est une rose amandée par l’héliotrope qui vient enrichir le côté doux amer du départ et on reconnait tout d’abord la sauge sclarée très identifiable puis, très légèrement le tabac blond. Le parfum met un certain temps à arriver sur les notes ambrées et patchouli rehaussées de myrrhe et de musc et fixé par des notes de cèdre du Maroc. J’avoue que le côté davana et rose est particulièrement présent et qu’il arrive à me déranger un peu au bout d’un moment. C’est une rose très orientalisée, très originale mais je dois dire que, si je reconnais le talent incroyable de Bertrand Duchaufour qui arrive encore à me surprendre, je ne suis pas très attiré par ce parfum que je trouve, pour mon goût, un peu entêtant et un peu trop oriental. Je me rends compte toutefois qu’il est vraiment bien construit et très singulier.

C’est à Dominique Ropion qu’a été confié la création de « 1979 New Wave » lancé en 2018. Je dois dire qu’il m’a beaucoup surpris et que j’ai parfaitement saisi, dès l’envolée de menthes poivrée et verte légèrement aldéhydée, la démarche artistique du parfumeur. Le coeur est construit autour d’une très belle concrète d’iris soutenue par le cèdre de Virginie que l’on trouve plutôt en fond en général. Le fond est un duo de santal lacté et de bois ambré légèrement musqué. La marque décrit ainsi ce parfum : « Un soir aux Bains Douches. Sur scène, encore un nouveau groupe anglais. Un jeune chanteur au charisme magnétique. Un concert légendaire. Un public enthousiaste, mixte, surfant sur une vague d’émotions, de musique, de parfums où se mêlent menthe fraîche, menthe poivrée, iris, cèdre et santal. Nouveaux Romantiques. Sombre ou joyeuse vision de la vie ? Les deux sans doute ». Tonique, singulier et vraiment moderne, « 1979 New Wave » est un parfum de vie, de fête et une émotion. Dominique Ropion sort des sentiers battus pour inventer un parfum idéal de cette période mâtinée de pop anglaise. C’est une menthe boisée très profondément singulière et je dois dire que c’est, de toute la collection, la création qui m’a le plus surpris. Je me suis demandé si je pourrais le porter et je me suis répondu « oui ». C’est un parfum très original et vraiment plaisant avec un petit côté subversif qui ne pouvait que me plaire.

Lancé en 2018 et créé par Dorothée Piot, « 2013 Résidence d’Artistes » est ainsi décrit par la marque : « 2013. La première page des nouveaux Bains. Avant une rénovation totale et pendant quelques semaines, la crème mondiale de l’Art Urbain s’approprie ce lieu mythique. Explosion de couleurs, de senteurs faite de musc, santal, papyrus, violette, cumin, cardamome, mandarine. Effervescence, audaces, liberté, rencontres des arts et des êtres, qui se frôlent et s’entremêlent. Ephémère. Tout s’est évanoui. Reste le parfum. Et si les murs pouvaient parler ? ». Il faut bien dire que j’ai tout de suite accroché aux notes de tête car je trouve que le mélange de la mandarine et de la bergamote avec la cardamome adoucie par la pêche a presque un côté champagne mais très vite, le coeur de jasmin et de papyrus épicé de cumin et poudré grâce à la feuille de violette vient inventer un autre parfum, plus duel, plus contrasté et presque curieusement moins original. Le fond de musc, de santal et de patchouli travaillé de manière cuirée, est un peu nébuleux pour moi et je ne le sens pas vraiment. J’en reste vraiment sur le côté poudré et épicé du coeur qui persiste sur ma peau. Je ne suis pas forcément en phase avec ce parfum mais je pense qu’il faudrait que je le réessaye sur les vêtements car ma peau le transforme et le « boit ». Il disparait finalement assez vite. Je ne suis pas vraiment convaincu même si je reconnais à « 2013 Résidence d’Artistes » quelque chose de vraiment très singulier. Il n’est simplement pas pour moi et, vous le savez, je ne peux qu’être subjectif.

Je ne suis pas forcément séduit par l’univers olfactif de Michel Almairac qui me déroute presque trop bien souvent et j’étais un peu dubitatif quand j’ai vaporisé « 2025 Le Phénix » décrit ainsi : « Paris, rien ne disparaît, tout peut renaître. 2015, Les Bains ressuscitent, une fois encore. Tout est à nouveau possible dans la Maison Guerbois sous les dômes et coupoles de laque profonde, dans un tourbillon subtil de cardamome et de gingembre, de patchouli et de cèdre, d’encens et d’ambre. Le Spa, le club, l’hôtel. Danser, trainer, rêver, suer, boire, voir, humer, séduire, s’assoupir ». Pourtant c’est un boisé épicé et, parfois, ce sont des notes qui me parlent. Notez plutôt, une envolée de gingembre et de cardamome, un coeur de patchouli, de cèdre et de papyrus et un fond d’encens de musc et d’ambre. Le départ m’a séduit tout de suite car les épices finement travaillées sont vraiment belles et incandescentes malgré le fait qu’elle soient froides. Il y a là, une belle dualité. Par la suite, le parfum devient plus baumé, plus papyrus aussi et je trouve qu’il tombe un peu à plat sur ma peau. Je trouve, en outre, que d’autres parfums de la même famille me conviennent mieux. Là encore, mon avis n’a absolument pas valeur de critique et je trouve qu’il n’y a rien à redire quant à la qualité et à la dimension artistique de ce jus mais il n’est simplement pas celui que je préfère dans ce style. C’est ainsi. Il est beau mais… pas pour moi.

« Roxo est une fête. Un lieu. Une couleur. Des matières, cuir, laque, bois, lave émaillée. Des formes organiques. Rencontre du jour et de la nuit, dans la lumière et la pénombre. Rencontres en tous genres. Ivresse de l’endroit, ivresse d’un cocktail. Roxo Tonic. Bergamote, Citron et Gingembre. Gentiane, Néroli et Thé. Vétiver, Ambroxan et Musc. Un parfum sous influences. Moment de joie et de désir, esprit libre, totalement libre et pétillant » tel est décrit « 2028 Roxo Tonic », le cocktail parfumé imaginé par Fanny Bal et lancé en .2020. Une magique envolée de bergamote et de citron de Calabre rehaussée par une note de gingembre, un coeur construit autour de la gentiane, du néroli et du thé et un fond vétiver, ambroxan et musc. Sur moi, le gingembre est très prépondérant et ce qui n’est qu’une pointe à l’envolée devient très profond et enveloppant au fur et à mesure de l’évolution. Je trouve même que le fond de vétiver renforce ce côté-là de la fragrance. Je lui trouve des notes communes avec « Sésame Chân » d’Anima Vinci que j’aime beaucoup. Je suis assez séduit par « 2018 Roxo Tonic » que je trouve agréable, intéressant et doté d’un très beau développement. Il fait partie de mes préférés également car je le trouve à la fois très moderne et très original. J’ai beaucoup de feeling avec ce parfum tout comme avec « 1979 New Wave ».

Quelquefois, nos anniversaires nous permettent de redécouvrir des parfums. Cette année, je me suis vu offrir une création de Dominique Ropion pour Les Bains Guerbois. Il s’agit de « 1992 Purple Night » qui tourne autour de la tubéreuse. Je la connaissais et l’avais beaucoup aimée lors de son lancement mais je dois dire que je l’avais un peu oubliée. Je n’aurais donc sans doute pas acheté ce parfum de moi-même et pourtant, il représente vraiment tout ce que j’aime. Les personnes qui l’ont choisi pour moi ont vraiment eu du nez (sans jeu de mot) car, je l’aime beaucoup et j’ai pris un très grand plaisir à le porter. Dès le départ de mandarine, je suis frappé par la douceur suave et pourtant presque pétillante des premières notes. Le coeur, duo de tubéreuse indienne et de jasmin égyptien est opulent, riche, plein et rond et il sera soutenu, en fond, par des accords de tabac et de daim et une très belle qualité de patchouli d’Indonésie. « La puissance narcotique de la tubéreuse fait tourner les têtes. Elle délivre un nectar aux notes de miel et de fleurs des Iles. La mandarine, pétillante et doucement acidulée, tente de dompter les notes chaudes et terreuses du patchouli terriblement énigmatique ». La rondeur et la délicatesse de la création de Dominique Ropion me réjouit et c’est un vrai coup de coeur. Je me suis interrogé sur ce nom, « Purple Night » qui m’évoque bien évidemment la chanson de Prince « Purple Rain » qui a bercé mon adolescence et j’ai vu juste : « Il arrive en limousine. La rumeur l’a précédé. Foule dehors, foule à l’intérieur. Il dine puis descend dans le club, laissant un fort sillage de parfum entêtant. Tubéreuse, patchouli et mandarine. Il monte sur scène. Annoncé mais pas garanti. Acte gratuit. Pour le plaisir. Pour le club. Pour ceux qui sont là. Pour lui si l’humeur est là. Concert ! Magie totale. Pluie de sons, de couleurs, de senteurs. Combien d’artistes, combien de moments forts, vécus, rêvés, cette année-là aux Bains ? ». « 1992 Purple Night » est loin d’être une tubéreuse sage ou même séductrice. Elle est résolument pop tirant même vers le rock. D’aucun la trouveront légèrement décadente mais pour moi, elle évoque bien le côté un peu « too much » des années 80 et 90 durant lesquelles certaines excentricités n’étaient même pas considérées comme bizarre. Et si finalement ce parfum était d’une belle modernité ? Peut-être pas mais, en ce qui me concerne, il demeure intemporel, poétique et résolument rythmé.