Les Eaux de Peau
Les Eaux de Peau ne sont pas une trilogie mais une tétralogie même si, aujourd’hui, deux des créations ont étés discontinuées. Les deux premières ont vu le jour en 2016 et les deux dernières en 2021. Il faut le dire, cette collection est sans doute la plus difficile à aborder tant les notes animales peuvent être très présentes. Lorsque j’ai tout re-senti pour écrire cet article, je me suis dit que la tétralogie n’était pas pour pour moi. En revanche, j’ai une vraie admiration pour le travail de parfumeur et l’inventivités de celles et ceux qui l’ont créée. Je vous emmène donc à la découvertes des Eaux de Peau.
Le tout premier parfum que j’ai senti est « Belle Bête » créé en 2016 par Carine Bouin et je dois bien admettre que, même s’il n’existe plus, il était le moins éloigné de mes goûts. « Belle Bête est une étreinte sauvage passionnée entre la bête et sa proie amoureuse. La beauté féline sort ses griffes dans une attaque olfactive pimentée-poudrée avant d’envelopper le corps humain de sa douce fourrure à la chaleur animale. Un plaisir entre douceur et bestialité. Un parfum entre tension et volupté ». Je parle là d’un parfum cuiré très complexe et qualitatif entre notes animales et douceur. Après une envolée de noisette verte, de safran et de sauge sclarée entourée du côté très poudré de l’iris, le coeur de cèdre de l’Atlas, de patchouli d’Indonésie, de vétiver d’Haïti et de café enrobé de molécules de cashmeran et de coumarine, puis, après une longue évolution, nous arrivons sur un fond complètement recréé avec des notes imitant le castoreum, la civette, la suédine entourées de muscs blancs. Certes, comme ça, on se demande comment peut être la fragrance. Elle est assez belle et harmonieuse mais peut-être un peu trop animale pour moi quand même. « Belle Bête » était un peu comme un « Peau de Bête » plus sage.
« L’encolure encore humide du dernier galop, l’œil hagard et les oreilles pointées vers l’avant. Il marche. Les naseaux ouverts et le souffle battant, à l’écurie rentrant. Je frôle sa crinière, et fais glisser ma main le long de son épaule. Ainsi arrive-t-elle. Elle est chaude et audacieuse. Caressant mon nez, ses allures aériennes et suaves dissimulent la grâce et la douceur dont elle est imprégnée. Délicate mais ardente, abstraite mais éclatante, l’odeur de la peau de bête est enveloppante. C’est l'odeur de l'étalon après le galop. De sa sueur chaude et animale à apprivoiser avant de s'en imprégner. Un parfum sauvage et nature ». Lancé également en 2016, « Peau de Bête » est vraiment le parfum le plus clivant de la collection. Je pense qu’il est sans doute l’un des plus brut qu’il m’a été donné de sentir. Jugez plutôt. Il s’ouvre sur des notes de camomille bleue, de poivre noir de Madagascar, de graines de persil rehaussé d’un accord safran puis le coeur, construit autour du bois de genévrier et de gaïac, revêt des accents de cèdres de l’Atlas et du Texas, de patchouli, d’amyris, de styrax, d’herbe et d’ambre gris rehaussé d’une note de nagarmotha, une plante herbacée utilisée de manière un peu fumée. Le fond est entièrement synthétique et repose sur des accords de civette et de castoreum. Je trouve ce parfum vraiment difficile d’accès. Il est très animal, presque « sueur » et il a un côté pierre humide qui me gène. Je dois dire que je ne regrette pas forcément l’arrêt de « Peau de Bête » le bien nommé.
« Un homme devenu sauvage par son retrait du monde urbain, son voyage au centre des parfums de nature, son immersion en forêt font de lui un aventurier vert, une Bête Humaine amoureuse des châtaigniers. "Depuis le XVII siècle, les philosophes rêvent de définir le rapport de l’homme à l’animal. Que l’on me nomme Homo sapiens “Homme moderne”, “Homme”, “humain” ou encore “être humain”, je suis un animal. Un homme sauvage, figure mythologique de la littérature et de l'art. Je suis le lien entre l'humanité civilisée et les esprits elfiques de la nature sauvage. Je vis libre sur des terres lointaines, des forêts mystérieuses et des plaines infinies. Ma peau et mon poil sont ma faiblesse comme ma protection. Je vis nu, vêtu de mon odeur qui est celle de la nature ». Quand j’ai découvert « Bête Humaine », en 2021, à sa sortie, je me suis rendu compte qu’Amélie Bourgeois pouvait y aller carrément et inventer une fragrance à la fois réussie, il faut bien le dire, mais extrêmement « niche ». On l’aimera ou on le détestera. Pour ma part, j’ai eu une très belle impression avec l’envolée de châtaigne, de cumin, de feuille de violette et de lentisque, le coeur de labdanum, de cèdre de Virginie et de santal puis le fond de Vétiver d’Haïti, de résine de pin, de papyrus et de bois de gaïac. Nul doute que, si l’on sens le parfum comme une création artistique, on est impressionné. En revanche, je ne le trouve vraiment pas facile à porter. Il s’en faut de peu. En effet, il y a un moment dans l’évolution qui me dérange même si je reconnais l’extrême qualité de la création et son originalité.
« Nouvel opus de la trilogie Les Eaux de Peau. "Souvent représenté dans les tapisseries médiévales aux côtés d'une jeune femme dans un jardin fleuri et parfumé, je suis un animal imaginaire, sauvage et solitaire. Mon corps immaculé est celui d'un fabuleux cheval blanc. Je porte sur mon front une seule corne torsadée neutralisant le poison. J'incarne l'amour et le mystère. Je n'apparais que dans la lumière chargée de l'énergie dynamique de ma force surnaturelle que seuls les esprits créatifs peuvent percevoir. Pouvez-vous rêver assez fort pour me voir ? Parce que je suis l'animal qui n'aurait jamais existé ! Blanche Bête est ma légende ». Créé par Louise Turner en 2021, « Blanche Bête » est un vrai succès. Il est devenu l’un des bests de la marque. Il faut dire qu’il est peut-être plus consensuel que les trois autres. C’est un cocon d’une douceur inspirée d’une licorne rêvée. Il faut dire qu’il est extrêmement bien construit. Après une envolée de graine d’ambrette légèrement poudrée et d’un accord de lait, le coeur de jasmin, de tubéreuse et d’encens vient surprendre notre nez puis, au fond, la fève tonka, le cacao et la vanille donnent une impression poudrée comme une seconde peau. Sur le papier, je devrais aimer « Blanche Bête » et je reconnais que c’est un très beau parfum mais il y a une note crémeuse qui me dérange. Je pense qu’il est finalement moins consensuel qu’il n’en n’a l’air.
Voilà, c’était le dernier épisode de cette série sur Liquides Imaginaires. J’avais déjà parlé des Eaux des Bermudes à leur sortie, des éditions limitées et de « La Beauté du Diable », je ne vais donc pas me répéter. En tout cas, j’ai aimé être surpris par la marque mais, je le crois, le seul parfum que je pourrais porter à coup sûr est indéniablement « Dom Rosa » dans la trilogie des Eaux Sanguines. Il n’est pas dit d’ailleurs que ça n’arrive pas.
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