Les Eaux Primordiales, la collection Supercritique
Une collection entière consacrée aux fleurs les plus emblématiques interprétées en six fragrances ainsi est la collection Supercritique de la maison Les Eaux Primordiales et j’ai pris le temps de les sentir et de les respirer pour essayer d’en faire une revue. Je suis assez amateurs de parfums floraux et j’étais très désireux de découvrir ces créations. Je dois dire que la plupart sont déroutantes et ne nous emmènent pas forcément dans l’univers des fleurs dont elles portent le nom en tout cas pour moi. Déception, emballement ? Je ne saurais le dire. En revanche, j’ai trouvé ces parfums intrigants et construit comme autant d’expression olfactive artistique. Je pense que les parfumeurs n’ont pas du être loin de la carte blanche. Globalement j’ai été assez inspiré par cette collection car elle est un peu clivante et parfois ça fait du bien de se dire que la créativité parfumesque peut encore créer une réaction tranchée.
Mon premier est « Magnolia Supercritique ». Je suis très attiré par cette fleur en parfumerie et j’ai commencé par elle. Je m’attendais à retrouver la fraîcheur de cette fleur et même son côté aquatique que je connais bien et que je sais apprécier et bien pas du tout. « Inspirée des peintures naïves du douanier Rousseau, cette fleur primordiale aux allures de Vahiné évoque la beauté d'une jungle luxuriante. ylang-ylang, vanille et osmanthus révèlent toute la délicatesse de ce nectar flamboyant. On s'imprègne de ce parfum comme on se baigne dans les eaux turquoises d'une île tropicale » tels sont les mots de la marque pour décrire ce parfum. Il est vrai que ce que j’ai ressenti en découvrant ce parfum rond, presque gourmand m’a déstabilisé car je ne m’attendais pas du tout à cela. L’envolée, très fugace est indéniablement la fleur d’osmanthus pour moi et je n’ai pas du tout senti la fleur d’oranger qui est une note qui me dérange un peu. Le coeur est résolument exotique avec un duo de fleur de frangipanier et d’abricot arrondi encore par la figue et le fond d’ylang-ylang et de vanille. Je n’ai absolument pas trouvé de note de magnolia mais pourquoi pas car après-tout c’est une interprétation. Peut-être ai-je été trop surpris mais je n’ai pas vraiment accroché sur cette évolution opulente, sans fraîcheur et très ronde mais je ne disconviens pas que ce soit une belle invitation au voyage.
Mon second est « Champaca Supercritique » créé par Arnaud Poulain en 2018. Ma première réaction a été une terrible répulsion sur les notes de tête. L’envolée est terriblement aldéhydée et amère avec des notes de pamplemousse et de bergamote, le coeur est rond avec le cyclamen que je sens beaucoup mais aussi cette fameuse champaca si particulière qui prend le pas sur la prune et le jasmin. Le fond est presque cuiré avec des accents de ciste labdnanum et boisé avec le côté crayon fraîchement taillé du cèdre. C’est un parfum déroutant que la marque décrit ainsi : « Cette cousine indienne du jasmin, mystique et envoutante est utilisée en offrande lors de cérémonies hindoues. Les notes fruitées de prune et de cassis enveloppées de résine de labdanum, encensent cette fleur sacrée et invoque le divin ». Pour être honnête, je me suis dit « qu’est-ce que c’est que cette horreur ?? » après la vaporisation mais très vite le parfum a évolué, il s’est transformé, la champaca qui est, je crois une variété de magnolia prend toute la place et se révèle à mon nez pratiquement solinote à un moment M de l’évolution puis le parfum se facette, change encore et se fait un peu cuiré. Je l’ai trouvé très intéressant finalement et, même s’il n’est pas forcément pour moi, j’ai pris plaisir à le sentir changer sur ma peau.

Mon troisième est « Gardénia Supercritique » créé en 2018 toujours par Arnaud Poulain. Allez savoir pourquoi, j’avais l’idée de retrouver le gardénia des parfums d’Isabey, de Chanel ou de Creed et, encore une fois, le parfumeur m’a perdu avec une interprétation presque chyprée de cette fleur envoûtante qu’il décrit ainsi : « Cette fleur blanche originaire des tropiques est ici sublimée par une parure gourmande. Infusée dans un lait vanillé, elle laisse entrevoir des arômes de fruits rouges et de poire. Le patchouli en note de fond élève sa splendeur et offre un parfum inoubliable ». Je dois dire que j’attendais beaucoup de cette construction olfactive mais elle m’a un peu laissée sur ma faim. Le départ de bergamote est un peu envahi par le poivre rose et surtout la rose, le coeur de jasmin et de gardénia aurait pu me plaire sans cette note de framboise que je trouve parfaitement incongrue et le fond de patchouli et de santal un peu rassurant est presque cuiré par une note de safran. Je n’ai pas vraiment adhéré mais je reconnais que la création est intéressante, inattendue et atypique et c’est ça aussi la parfumerie de niche. Je ne pourrais pas porter « Gardénia Supercritique » mais c’est une découverte.

Mon quatrième est « Mimosa Supercritique » créé par Amélie Bourgeois et Arnaud Poulain en 2019 et cette fois j’ai bien retrouvé la note principale. J’ai retrouvé la note d’aldéhyde en tête qui semble être un peu la signature des parfumeurs de la marque et qui est associée ici au cyclamen, à la bergamote et au néroli mais très vite le coeur de jasmin, de tubéreuse et de fleur d’oranger pose un peu la fragrance avant de se renforcer par le côté poudré du mimosa et des muscs blancs avec une pointe d’ambroxan. La marque le décrit ainsi : « Évocation d'un mariage en Méditerranée à la fin de l'hiver. Les dernières neiges se posent sur le mimosa en fleurs comme un nuage de sucre glace. La bergamote et le néroli annoncent l'arrivée de la jeune mariée, belle et ingénue, dans sa robe blanche. Les notes de cyclamen et de fleur d'oranger annoncent la couleur, teintée de pureté et d'élégance. Quelques effluves de jasmin et de tubéreuse s'échappent de ce bouquet solaire et délicat et le printemps est là ». Pour moi, c’est un joli classique mimosa mais je n’ai pas trouvé qu’il se démarquait tellement. Je n’ai pas vraiment été séduit. Je crois que j’ai eu un peu de mal à passer outre les notes de tête qui ne me plaisaient pas tellement. Je pense toutefois que ce parfum va plaire au amateurs de mimosa.

Mon cinquième est « Rose Supercritique » créé en 2018 par Arnaud Poulain. « Premier parfum né de la collection Supercritique, la rose, fleur en majesté est ici réinventée dans un palais oriental. Les notes de thé aux épices, d'encens et de vanille donnent à cette rose l'allure d'une reine de Saba voluptueuse et sensuelle ». Je dois dire que ce parfum est sans doute celui, contre toute attente, que j’ai préféré. Une rose cachée, enveloppante et épicée qui ne ressemble à rien de ce que j’avais pu découvrir avant. L’ouverture de baies roses et de bergamote, le coeur de rose enveloppé de cassis et de cardamome et le fond de myrrhe, d’encens et d’ambroxan n’auraient jamais du me plaire mais, magie de la parfumerie, cette composition a matché avec ma peau. Une pression sur le dos de ma main et j’ai été emporté dans un thé oriental, vert et épicé. Pour moi, la rose est un peu anecdotique dans ce parfum et je serais tenté de dire « tant mieux ». Je l’ai trouvé bien agréable, artistique et bien vu. C’est un très joli parfum oriental, facile à s’approprier et en même temps d’une grande singularité.

Mon sixième est « Tubéreuse Supercritique » : « Le parfum de cette fleur mexicaine est le plus puissant du règne végétal. Cette reine blanche nous invite dans son temple où le jasmin et l'ylang ylang dansent avec le bois de santal et le patchouli pour nous offrir le plus beau ballet. Opulence et audace siègent dans ce sillage extraordinaire ». Depuis quelques années, la tubéreuse revient en force dans les parfums de niche et les autres. Elle peut-être travaillée de mille et une façon et son côté enveloppant et un peu médicinal plait ou déplait. Pour ma part, j’apprends à l’apprivoiser et je peux même dire que je l’apprécie depuis peu. J'ai été très attiré par « Tubéreuse Supercritique ». Le départ agrumes et aldéhydes est alourdi par l’accord lait d’amande, le jasmin et l’ylang-ylang que je trouve très inattendu et qui cache un peu la tubéreuse. Le fond très lacté du santal pourrait être difficile mais la présence de patchouli et de muscs blancs l'équilibre parfaitement. Finalement, je le trouve presque cuiré et je pense que c'est mon coup de coeur de la collection.

Si je n’ai pas été emballé par la totalité de la collection Supercritique (ce qui est normal et même souhaitable) je lui reconnais une qualité : l’originalité. Je pense que c’est aussi et surtout ça la parfumerie d’auteurs. Vu la profusion de marques on tourne parfois un peu en rond et on verse un peu trop dans le consensuel, ce n’est pas le cas pour cette ligne. Elle est clivante et les parfums sont de vrais partis pris. Est-ce que j’en porterais un si j’en avais l’occasion ? Oui et ce serait sans doute « Tubéreuse Supercritique »…
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