Passion Parfums

« Les  boisés  désignent des parfums dominés par des notes boisées telles le vétiver, le cèdre, le santal, le patchouli etc… ». Je ne peux pas dire que cette famille olfactive soit celle que je préfère. Je porte assez peu de boisés purs évoquant un peu les essences très franches voire résineuses. Et pourtant, comme toujours, il y a des exceptions qui confirment la règle. Il ne m’a pas été si difficile que ça de trouver quatre créations que je porte ou que je pourrais m’approprier. Cette famille intense, que l’on dit plus masculine bien que, depuis l’avènement de « Féminité du Bois » chez Shiseido en 1992, nombre de femmes s’intéressent à ces effluves et les aiment. Pour ma part, je refuse depuis longtemps de faire la distinction entre masculins et féminins et il est vrai que j’ai plus de facilités avec les cuirs et les chypres qu’avec les bois en parfumerie. Cependant, il en est que j’aime. J’en ai choisi quatre en essayant de ne surtout pas opter pour des fragrances discontinuées à ce jour.

Lancé en 2016 et, hélas, devenu difficile à trouver, « Peau de Pierre » a été créé par Daphné Bugey pour Starck et je dois dire qu’il a été, pour moi et bien qu’il soit très éloigné de ma zone de confort, un vrai coup de coeur dès que je l’ai senti. « Daphné Bugey n’a jamais sacrifié son instinct à la maîtrise de son art. Curieuse, imaginative, sensible, sa personnalité la prédisposait à entreprendre cette recherche qu’aucun but précis ne définissait. C’est en pensant à la beauté fascinante du trou noir, dense, attractif et énigmatique, que l’idée de réconcilier les opposés s’est imposée: l’ombre et la lumière, le masculin et le féminin ». Ambigu, joli, très tenace, ce parfum est absolument tendre et fort à la fois. Potentiellement destiné aux hommes, il peut parfaitement être porté par des femmes élégantes, androgynes ou, au contraire, ultra féminines. La marque ne communique pas sur les notes ni la pyramide olfactive mais c’est un parfum de bois fumé avec, c’est vrai, un côté minéral. Les accents un peu réglisse se font très présents sur ma peau. Je porte ce parfum depuis sa sortie et je ne m’en suis jamais lassé. Je déplore que les parfums Starck, s’ils ne sont pas officiellement discontinués, soient aussi difficiles à trouver de nos jours. Je suis loin d’être un adepte des achats par internet mais ce parfum-là est une exception car j’aurais beaucoup de mal à m’en passer. Il est, à ce jour, mon seul vrai boisé et je l’aime vraiment beaucoup.

Il m’est très difficile d’imaginer porter « Féminité du Bois » créé en 1992 par Christopher Sheldrake sous l’impulsion de Serge Lutens. Il l’a d’ailleurs récupéré pour lancer sa marque vers la fin des années 2000. C’est un parfum qui, sur le papier, a tout pour me plaire car la dualité du cèdre et de la note de prune est parfaitement magnifique il faut bien le dire. Pourtant, il y a quelque chose qui m’a toujours retenu et je ne saurais pas expliquer pourquoi. Malgré son nom, ce parfum est très mixte et peut parfaitement plaire aux hommes comme aux femmes. C’est une promenade dans un bois fruité et onirique. Ce parfum qui est tout sauf figuratif me plait mais je dois dire que le côté presque liquoreux sur ma peau peut avoir quelque chose de très difficile à porter sur une journée entière. Je regrette pourtant que, dans sa dernière version, « Féminité du Bois » manque de tenue. Ce paradoxe est parfaitement révélateur de mon ressenti envers ce boisé emblématique et, il faut bien le dire, parfaitement pensé, réalisé et qui est une belle création originale qui aura, c’est un fait, et je l’ai souvent dit, beaucoup influencé les parfumeurs dans leurs créations et c’est une très bonne chose car il aura servi de base à plein de belles idées de parfums dont « Bois de Paradis » qui n’existe plus et qui avait été créé par Michel Roudnitska pour la marque DelRae aujourd’hui disparue et que j’ai vraiment beaucoup aimé. Avec « Féminité du Bois », j’ai le parfait exemple d’une création que j’aime mais que je n’arrive pas à porter jusqu’à présent.

« Une fumée enveloppante et rassurante. Notes de tabac et de whisky soutenues par la cannelle, l’ambre et le ciste Labdanum. La mousse de chêne, ainsi que le bois de cade fumé, presque brûlé, prolongent l’encens de Somalie avec puissance et élégance. Une chapelle nichée au milieu des collines de la Nouvelle Galle du Sud en Australie. Un parfum en hommage aux souvenirs d’enfance de Naomi et aux origines écossaises de la famille ». Créé par Julien Rasquinet pour Naomi Goodsir en 2012, « Bois d’Ascèse » est un parfum absolument magnifique, fumé, profondément boisé et je pourrais tout à fait le porter. Ce bois-tabac, enveloppé de notes fumées et de mousse de chêne m’a toujours sidéré. Pas facile, pas consensuel, c’est un bois un peu brûlé, très dense, à la fois subversif et élégant, je pourrais tout à fait me l’approprier. Ce n’est pas un boisé franc certes. Il a un côté presque cuir et surtout très tabac rond avec des notes d’alcool fort. J’aime énormément le sentir, je l’ai essayé souvent mais je ne suis pas certain de pouvoir l’assumer. Il a une très belle identité, très forte, très puissante et je ne sais pas si je possède l’audace nécessaire pour me l’approprier facilement. Il n’en reste pas moins que « Bois d’Ascèse » est une très belle création onirique et passionnante à sentir. En tout cas, pour ma part, il est toujours quelque part, dans un coin de ma tête.

Mon dernier coup de coeur parmi les boisé sera c’est sûr « English Oak & Hazelnut » créé en 2017 par Yan Vasnier pour Jo Malone London. La marque le décrit ainsi : « Une balade enchantée. Le croquant de la noisette encore verte. Le piquant de l'élémi. Le caractère boisé du vétiver rafraichit par un tapis de mousse émeraude. Une base chaude de chêne torréfié. Lumineux. Enveloppant. Ensorcelant. ». Avec ses notes de chêne et de noisette, ce parfum est une vraie réussite dans la famille des boisés. Il est particulièrement net et clair, lisible et chic. Je l’ai essayé plusieurs fois et c’est vrai que je ne l’ai jamais vraiment porté. Peut-être que, pour moi, il lui manque un petit côté rond et enveloppant quoique je n’en sois pas sûr. Je lui trouve tout de même le petit côté « so british » que j’aime et il est également très contemporain. Lorsque je l’ai essayé, je n’ai pas vraiment cédé à la tentation du layering préconisé par la marque et je l’ai porté tout seul. J’ai pas mal tourné autour mais, pour l’instant, je ne l’ai pas acquis. Il reste néanmoins l’un des boisés que j’aime particulièrement. Je le trouve à la fois très singulier et très facile à porter. Je suis très attiré par « English Oak & Hazelnut » qui sait si dans l’avenir je ne le porterai pas.

J’ai volontairement écarté les solinotes ou presque de vétiver ou de patchouli car je trouve qu’ils sont une sous-famille à part-entière et je n’aurais pas su par où commencer. J’aurais pu opter pour « Encre Noire » de Lalique, « Vétiver » de LT Piver, « Sel de Vétiver » de The Different Company ou encore « Patchouli Nosy Be » de Perris Monte Carlo et bien d’autres parfums que j’aime. Je leur ai préféré, dans cet article, des créations dans lesquels les bois s’intégraient dans une composition plus complexe. C’est un choix du moment ce qui ne signifie pas que mes avis ne peuvent plus varier.