Passion Parfums

« Les « cuirs » sont des créations olfactives rappelant l'odeur du cuir tanné. On a souvent coutume de classer cette famille, très petite en termes de lancements, dans la famille chypre. Très typés, les parfums cuirs sont généralement portés indifféremment par des hommes ou des femmes. Pour reproduire l'odeur du cuir, on utilise des notes pyrogénées comme le bouleau, l'Isobutyl quinoléine (molécule de synthèse à odeur cuirée puissante et légèrement verte) ainsi que d'autres composants comme les notes animales, le ciste labdanum, les accords tabac ou miel… Exemples de cuirs célèbres : Bel Ami d'Hermès, Cuir de Russie de Chanel, Cuir de Russie de L.T. Piver, Bandit de Robert Piguet, Tabac Blond de Caron. » La septième et dernière famille olfactive est celle des cuirs. J’ai toujours aimé ce type de parfums mais les porter c’est autre chose. C’est un peu par période. Je dirais que 2021 a été l’année du cuir pour moi. Qu’en sera-t’il de 2022, je ne sais pas mais j’en ai usé et abusé au début de l’hiver. Il ne m’a donc pas été difficile d’en trouver quatre à présenter pour écrire cet article. J’ai décidé de ne pas revenir sur « Cuir » de Mona di Orio, « Cuir de Russie » de L.T. Piver, « Baïkal Leather » de Nicolaï Parfumeur Créateur ou encore « Cuir Velours » de Naomi Goodsir car j’en ai beaucoup parlé récemment. J’ai plutôt eu envie de mettre en avant plusieurs parfums que j’aime mais que je porte moins ou encore dont j’aurais envie dans l’avenir. Le cuir, on aime ou on déteste mais parfois, il enveloppe, il rassure et il fait du bien. Allez, c’est parti pour l’exploration de la famille des cuirés.

Le premier parfum auquel j’ai pensé est un peu à cheval sur deux familles (sans jeu de mot) et il s’agit bien évidemment de « Coeur de Noir » créé par Julie Dunkley en 2015 pour la marque anglaise Beaufort London. La construction de ce parfum et son inspiration sont ainsi décrites par la marque : « Nous considérerons ici les récits d’art et de mer. Léo Crabtree, le créateur et le directeur artistique de la marque, fait usage des dessins à la plume de yachts luxueux de son grand-père, de la bibliothèque de fiction nautique de son père, ainsi que de ses propres tatouages et voyages pour s’inspirer. Ici l’Encre Noire domine le rhum épicé des Antilles ; les documents perdus et retrouvés; les accords secs familiers des livres reliés de cuir s’harmonisent avec les notes chaudes énigmatiques du tabac à pipe légèrement vanillé. Le tout finement articulé autour d’un cœur sombre de résine de bouleau et de labdanum. Le parfumeur Julie Dunkley a créé un parfum riche et saisissant qui est à la fois chaleureux et attrayant mais aussi a un côté très sombre ». Après un départ de bergamote, de citron, de poivre noir, de rhum, de gingembre entouré d’un accord encre, le coeur de cuir, daim, lavande et bois prend toute sa place et se pose sur le fond de cèdre, de patchouli, d’encens, de tabac, de bois de bouleau de labdanum et de vanille. Cuiré certes, chypré un peu, « Coeur de Noir » est un parfum qui va vraiment m’envelopper, me troubler et me donner envie d’y revenir. Son côté un peu fumé m’a vraiment fait envie tout de suite et il est, il faut le dire, l’un des Beaufort que je porte le plus. Je le trouve mystérieux et envoûtant et c’est un cuir qui ne ressemble à rien d’autre.

 

 

 

Parmi les cuirs dont j’ai assez peu parlé et que j’aime bien, il y a aussi « Aleksandr » créé pour Arquiste en 2022. « Un après-midi d’hiver glacé, un gentleman termine sa toilette par un mélange de néroli et de violette. Il tire ses manchettes, enfile une lourde fourrure et sort à grands pas, botté de cuir poli. Alors que son traîneau s’élance, le parfum vert et boisé des bouleaux emplit l’air. Là bas, derrière les arbres chargés de neige, dans une clairière nimbée d’ambre, un duel fatidique l’attend ». Classique cuir de Russie (résine de bouleau associée à la mousse de chêne), « Aleksandr » n’est pas un parfum moderne, il est hérité de la grande tradition de cette famille olfactive dont l’âge d’or, les années 20 et 30, a vu naître de nombreuses versions. Le départ est très frais et l’envolée d’aldéhydes, de néroli, de feuilles de bouleau s’harmonique avec un accord de vodka frappée. Je dois dire que le coeur arrive vite et les feuilles de violette se mêlent au cuir, au cognac, à l’iris légèrement poudré avant de se poser sur le fond cuir de Russie et musc tonkin reconstitué. Ode à une certaine vision du cuir qui nous suit depuis des décennies, « Aleksandr » est, pour moi, l’une des belles réussites de cette famille olfactive aux univers si diversifiés. J’aime beaucoup « Aleksandr » et je tourne autour depuis très longtemps mais je ne le porte pas encore. J’ai peur que sa tenue sur ma peau soit un peu limitée. En tout cas, je l’ai réessayé pour écrire cet article et je le trouve toujours aussi addictif. J’aime beaucoup ce parfum. C’est, pour moi, l’une des plus belles réussites de la marque.

Créé en 2006 par Marc-Antoine Corticchiato pour sa maison Parfum d’Empire, « Cuir Ottoman » est sans doute l’un des parfums cuirés les plus emblématiques de la parfumerie de niche et son succès qui ne s’est jamais démenti en a fait un classique. Le parfumeur le décrit ainsi : « Cuir embaumé d’iris, facetté par le ciste et réchauffé par le styrax brûlé, qui entraine dans son sillages les notes enivrantes des parfums orientaux – baume de tolu, résine de benjoin et larmes d’encens… L’effluve devient opulent avec le jasmin d’Égypte, puis s’arrondit avec la vanille et la fève tonka. Et le Cuir Ottoman se fait chair alanguie offerte aux vapeurs du hammam… ». Le départ est indéniablement à la fois déjà cuir et poudré avec le mariage du jasmin, de l’iris et du cistre labdnanum. L’accord cuir de Russie associé au benjoin, à différents baumes et au styrax donne une tonalité un peu plus sombre au parfum qui retrouve un côté très lumineux avec son fond opulent et presque oriental d’encens de fève tonka et de vanille. J’ai énormément porté « Cuir Ottoman » et je l’ai un peu laissé sur le côté de la route depuis quelques années mais je me rends compte que je l’aime toujours autant. Je trouve « Cuir Ottoman » non seulement très contemporain mais vraiment indémodable. Il a tout pour être devenu un classique et c’est bien ce qu’il est. Faussement consensuel, il a forcément rencontré son public.

Pour finir cette palette, j’ai opté pour le plus doux des cuirés que je connaisse. « Cuir Blanc », créé par Alexandra Monet en 2010 pour Evody est un parfum vraiment merveilleux il ne faut pas le nier. Le cuir de Russie réinterprété, illuminé, adouci par la feuille de violette, l’iris mais surtout l’ambre et les muscs blancs en fait sans doute l’un des plus beaux cuirés du marché. Je dois dire que je l’aime vraiment beaucoup et que je le porterai facilement le jour où je voudrais un cocon réconfortant et élégant. La marque le décrit ainsi : « Dans le secret d’une matière à part, Cuir Blanc emprunte au mystère ses codes de luxe, de délicatesse et de passion. Il paraît tout en retenue, mais sa puissance se développe au contact de la peau où il vibre de sensualité. Un parfum entre ciel et terre où se mêlent le Musc blanc à la suavité fumée et fantasque du cuir de Russie ». Je trouve que le mot « suave » est particulièrement bien choisi car il n’y a aucune aspérité, aucun côté « rêche » dans cette très belle création. Tout comme « Cuir Ottoman », il n’est pas vraiment clivant mais il présente tout de même une identité très marquée. Tout en douceur et en subtilité, il est vraiment une parfaite réussite et il a tout à fait sa place comme exemple dans cette série d’articles sur les familles olfactives.

J’ai, à dessein, plutôt choisi des marques de niche car je suis certain que certains parfums plus grand public qui auraient pu figurer dans cette sélection sont connus de vous tous. En tout cas, cette famille est riche, éclectique et on peut y trouver des parfums pour tous les goûts, toutes les sensibilités. Elle est sans doute l’une de mes préférées car, même s’il m’arrive de me détourner un peu des cuirés, j’y reviens toujours.