Passion Parfums

« Les « fougères » (en référence à « Fougère Royale » d’Houbigant) sont construites sur une alliance de lavande, notes aromatiques, géranium, vétiver, coumarine, mousse de chêne. Elles sont à la base de nombreuses eaux de toilette masculines. Jicky, une des seules vraies fougères au féminin est créé en 1889 par Guerlain. Pour un Homme, créé par Caron en 1934, reste aujourd’hui un des parfums fougère les plus emblématiques ». Je dois avouer que le retour en force de cette famille olfactive notamment dans les marques grand public me déroute quelque peu car je trouve que, bien souvent, elles ont un côté daté et « salle de bain de grand-père » et pourtant, je dois bien admettre que j’ai eu ma période fougère et que j’en porte encore de temps en temps à l’occasion. Je n’ai, finalement, pas eu de mal à sélectionner quatre parfums emblématiques de cette famille olfactive car, entre fougère aromatique et fougère orientale, les possibilités sont nombreuses. Certes cette famille olfactive est associée, dans l’esprit collectif, à une certaine masculinité et Chanel avec « Bleu » ainsi que Dior avec « Sauvage » ou encore Dolce & Gabbana avec « K », Tom Ford avec « Beau de Jour » surfent sur la vague mais, ces dernières années, l’accord fougère fait également sa réapparition avec deux grands succès féminins, « Libre » d’Yves Saint-Laurent et « Mon Guerlain » donc, les féminins ne sont pas en reste. Je vais essayer de vous parler au mieux des quatre parfums que je préfère dans cette famille olfactive qui est, pour moi, un peu aride il faut bien le dire et pas toujours attirante.

"Fougère Royale d'Houbigant", flacon actuel

Dans les historiques, j’aurais pu évoquer évidemment « Fougère Royale » d’Houbigant qui est vraiment une réussite il faut le dire et qui a été à l’origine de cette famille olfactive ou encore « English Fern » de Penhaligon’s que j’ai adoré mais il est hélas discontinué. J’ai donc voulu commencer par un oriental fougère que je considère comme un indispensable dans la sélection d’un homme et même d’une femme car il est celui que l’on va porter lorsqu’on ne sait pas quoi choisir ou que l’on veut se réfugier dans une odeur réconfortante et même rassurante. Il s’agit bien évidemment de « Pour un Homme » de Caron que j’ai porté sous toutes ses formes. Aujourd’hui, seule la concentration eau de toilette est encore commercialisée mais finalement, je l’aime bien et je lui trouve toujours autant de charme. Créé en 1934 par Ernest Daltroff, il est, depuis la première moitié du XXème siècle, non seulement un fleuron de la maison mais également de la parfumerie en général. Sa modernité et sa singularité en font un vrai intemporel, élégant, reconnaissable entre mille et très facile à porter. La marque le décrit ainsi : « Créé en 1934, Pour Un Homme de Caron continue de séduire. Premier parfum pour homme de l’histoire, il est encore aujourd’hui considéré comme un chef-d’œuvre de la parfumerie moderne, parfaitement emblématique et intemporel.Il est l’assemblage de deux notes presque contradictoires : la lavande et la vanille. L’une est fraîche et typiquement masculine, l’autre est suave, riche et plutôt associée aux compositions féminines. Ce duo, juste rehaussé d’essence de rose de Turquie, dévoile peu à peu un accord ambré magistral mêlant styrax, opoponax et musc. Pour Un Homme de Caron, l’élégance intemporelle d’un sillage aux contrastes captivants ». Je ne vais pas, une fois encore, détailler la pyramide olfactive mais, vraiment, je l’aime énormément et je le trouve d’un équilibre parfait. S’il plait aux hommes, il est également porté très facilement par des femmes. J’ai même une amie, très jeune, professionnelle de la parfumerie, pour laquelle il est la lavande idéale. Pour moi, et je l’ai dit souvent « Pour un Homme » est LE parfum incontournable et qui met beaucoup d’entre-nous d’accord.

 

Depuis sa sortie en 2009, « Mandragore Pourpre » créé par Camille Goutal et Isabelle Doyen pour Annick Goutal est « Ma » fougère de prédilection. Je l’ai porté, abandonné, repris… C’est un parfum parfait pour moi car il est à la fois vraiment inclus dans cette famille olfactive sans reprendre tout à fait l’accord initial de celle de Houbigant. Fougère réinventée, imaginaire et onirique, la marque le décrit ainsi : « De Machiavel à Shakespeare, mille légendes courent sur ses pouvoirs. La mystique racine serait capable de détourner la foudre et d’engendrer l’amour. Au fond d’un atelier, à travers une fine vapeur d’anis étoilé et de patchouli, un liquide pourpre s’échappe d’un alambic. La potion de mandragore répand sa magie et son parfum aromatique et mystérieux ». Avec un départ très bergamote, il s’enrichit d’anis étoilé, de romarin, de poivre noir et même d’héliotrope et de patchouli et pourtant, pour moi, il fait irrémédiablement partie de cette famille olfactive même si ce n’est pas dit de manière explicite. Je ne portais plus « Mandragore Pourpre » depuis longtemps et je l’ai retrouvé avec un plaisir non dissimulé il y a quelques années. Pour la petite histoire, à sa sortie, ce parfum exceptionnel est sorti à la fois dans le flacon masculin et dans le féminin et je pense qu’il plait autant aux hommes qu’aux femmes. En tout cas, pour ma part, c’est une vraie réussite et je trouve qu’il n’a rien perdu de sa modernité et de sa singularité. Je l’ai porté récemment et j’y ai pris toujours le même plaisir.

Encore un aromatique fougère revisité… J’ai nommé « Jardin du Nil » créé par Jean-Paul Millet-Lage pour Maître Parfumeur et Gantier en 1988. Construit autour du géranium, il ne ressemble à rien d’autre et, pour moi, une fois de plus, on retrouve le talent de ce parfumeur étonnant. Il l’évoque ainsi : « Créé au retour d’un périple en Egypte, ce parfum s'exprime comme un carnet de voyage sensoriel. Il nous plonge dans l’ambiance estivale de la récolte des géraniums. Son cœur est façonné par le géranium d’Egypte, la rose et le jasmin marocain. Il est rafraîchi par la menthe, les écorces de fruits et d'un soupçon de lavande avec, en notes de fond, du musc et de l’ambre ». Avec un départ lavande et bergamote rafraîchi par des aldéhydes, un coeur de géranium, d’absolu de rose, de jasmin et d’ylang-ylang, le parfum se pose sur les muscs, la mousse de chêne et l’ambre. Entre chypre et fougère aromatique, « Jardin du Nil » est une vraie invitation au voyage et je dois bien dire que je l’ai adoré dès que je l’ai senti. Sur moi, il est particulièrement agréable à l’inter-saison, que ce soit au coeur du printemps ou tout au long de l’automne. Ce parfum qui est déjà ancien, est d’une rare modernité. Je dois dire que Jean-Paul Millet-Lage avait bien réussi le pari de faire une fougère qui ne soit pas tout à fait une fougère. Je savais que j’aimerais car sa signature a toujours été séduisante à mon nez. En tout cas, parmi mes incontournables de la marque, il y a aura toujours « Jardin du Nil ».

Pour le dernier parfum, j’ai beaucoup hésité « Viking », créé par Olivier Creed en 2017 que je n’aime pas forcément mais auquel je reconnais une certaine qualité, « K » de Dolce & Gabbana en version eau de toilette créé en 2019 par Daphné Bugey et Nathalie Lorson que j’aime bien avec sa note de piment, mais j’ai décidé d’opter pour un parfum un peu moins connu des perfumistas, il s’agit de « Antihéros » créé par Antoine Maisondieu en 2006 car je trouve, une fois encore, qu’il renouvelle le genre. Le fondateur de la marque, Étienne de Swardt, le décrit ainsi : « L’antihéros ne triche pas avec ce qu’il est, d’où la simplicité apparente de cette création, entièrement tournée autour de la fleur de lavande, hédoniste et solaire par excellence… Avec son air de ne pas y toucher, ce héros du quotidien mène chaque jour ses batailles ordinaires, au travail, au volant, en famille…, sans jamais se prendre au sérieux. Cette modestie fait tout son charme, et il le sait. Il cultive ses imperfections avec humour et l’élégance décalée qui le caractérise. Le cheveu ébouriffé et l’allure de travers, ce superman dégingandé fait craquer les filles, et s’en étonne encore – mais c’est pour ça qu’on l’aime ». C’est un très beau parfum, très simple et sans détour. Lavande, cèdre et muscs enrichissent l’accord fougère classique et le côté « savon de barbier » à la sauce État Libre d’Orange ne peut que retenir l’attention car il n’est jamais classique, toujours ultra contemporain et parfaitement bien vu. Je pourrais le porter sans problème. Je l’ai réessayé pour écrire cet article et j’aime beaucoup cette interprétation.

La famille fougère est parfois un peu difficile à aborder pour moi mais je me rends compte que j’ai beaucoup aimé me plonger dans ces parfums que je connais finalement assez mal. J’ai été surpris de ma réaction face à certaines créations. Par le passé, j’avais bien aimé « Derby » discontinué aujourd’hui chez Guerlain mais qui était plutôt oriental fougère avec une construction presque chyprée. Je n’ai, hélas pas pu le re-sentir. Il existe d’autres fougères intéressantes notamment chez Murdock, une marque lancée par des barbiers londoniens mais je n’ai pas pu, non plus, remettre la main dessus. En tout cas, l’engouement du sélectif pour cette famille olfactive fait que plusieurs parfums sont facile à sentir et je vous engage, ne serait-ce que pour votre culture olfactive, à aller y mettre votre nez.