Passion Parfums

« L’Iso E Super est un composé chimique, une molécule de synthèse. L’iso E Super ne trouve aucun équivalent à l’état naturel. C’est pourquoi l’Iso E Super est une véritable révolution dans le monde de la parfumerie. Sa couleur est transparente, son aspect est huileux et fluide. Iso E Super est un seul composé et un élément unique. La molécule d’iso E Super dégage un parfum boisé et suave, avec des accents floraux de violette et de cristallin. » (Source Olfastory). Extrêmement utilisée en parfumerie, cette molécule synthétique offre de nombreuses facettes différentes et, si comme nous allons le voir, elle peut presque se suffire à elle-même, elle s’intègre parfaitement à des compositions simples ou plus complexe dans différentes familles olfactives. Elle complète avantageusement la palette du parfumeur et offre de nombreuses possibilités. J’ai choisi quatre parfums dans lesquels elle offre des facettes différentes pour tenter d’illustrer mon propos.

Dans « Excentric Molecules 01 » lancé en 2006, le parfumeur Geza Schoen démontre que l’Iso E Super peut se suffire à elle-même en créant un parfum dont elle est l’unique composante. Je dois dire que j’étais très curieux de sentir ce parfum et, quand je l’ai essayé, il y a quelques années, il m’a surpris par une fausse complexité qui me permettait d’en apprécier plusieurs facettes. Il a vraiment un côté très transparent et boisé à la fois avec un versant très violette et je pense que, s’il peut être porté seul, il est aussi une base tout à fait excellente pour devenir une base de superposition et apporter un côté très boisé à un floral peut-être un peu trop monolitique. La marque le décrit ainsi : « Petite révolution : pour la première fois, un parfum est créé en hommage à une molécule chimique de synthèse. Il s’agit de l’Iso E Super, un composant aux notes boisées, douces et sensuelles que l'on retrouve très souvent dans les parfums mais à faible dose. La formule de Molecule 01 est surdosée puisqu’elle en contient 100% ! ». Je dois dire que j’ai été très dérouté par cette création et que, même si je n’aime pas spécialement le 100% synthétique, j’en ai apprécié l’effluve. C’est un parfum linéaire, fixe et sans évolution mais il mérite d’être senti je dois l’admettre.

J’étais extrêmement dubitatif lorsque, en 2018, État Libre d’Orange a lancé « I’m Trash Les Fleurs du Déchet » créé par Daniela Roche Andrier dont le postulat de départ était d’utiliser le plus possible des matières premières recyclées. Étienne de Swardt, le fondateur de la marque le décrit ainsi : « Je suis par ma mère fils de la côte oubliée, loin là-bas en Nouvelle Calédonie, où les Borindi qui vivent à l’embouchure de la Ngoye savent depuis le crépuscule des Dieux les grands principes de l’harmonie avec la nature en prélevant sur elle pas plus que le nécessaire tout en préservant demain. Ils sont en cela l’avenir de l’homme et guident ainsi nos premiers pas dans ce nouvel opus de l’Etat Libre d’Orange à l’ombre des niaoulis et des jacarandas en fleur. ». Je trouvais ce story telling bien énigmatique et je me suis demandé ce que pouvais bien sentir ce parfum en me préparant au pire mais je dois bien admettre que je l’ai tout de suite bien aimé car je l’ai essayé en avant-première grâce à David de Blitzz qui distribue la marque à Lyon. Toutes les matières premières, naturelles où synthétiques y sont recyclées et je dois bien dire que le résultat est très joli. Je vais essayer de le décrire car, entre sagesse et délire, il ne manque pas de facettes. L’envolée est un duo d’essence de pomme, d’orange amère et de mandarine verte qui accroche notre nez avec une très jolie fraîcheur déjà un peu complexe puis, en coeur, on retrouve un absolu de rose et une note de fraise gariguette soutenue par l’Iso E Super. Je trouve que, sur moi, il y a surtout un côté fraise poudrée par la rose et le côté violette de la molécule de synthèse. La fragrance est soutenue par des notes de cèdre, d’akigalawood et de sandalore qui est, je pense, une autre molécule synthétique. Le résultat est un parfum cohérent, original mais sans trop et super facile à porter.

C’est en 2018 que François Demachy lance « Thé Cachemire » dans la collection privée de Christian Dior et je dois dire que c’est l’un des parfums que je préfère de cette série car je le trouve élégant et délicat même s’il n’est pas vraiment dingue. Le parfumeur le décrit ainsi : « Cette composition a la douceur précieuse d’un pull en cachemire. Un thé à la puissance délicate à peine fumé infuse une note rosée mêlée d’une pointe de maté. Thé Cachemire a l’éclat des fleurs blanches et le moelleux ouaté des muscs qui réconfortent » et je dois dire que je trouve que ça résume parfaitement mon impression à chaque fois que je mets mon nez dessus. Aérien, élégant et très réconfortant tel est ce parfum un peu à part dans la collection. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il est assez complexe avec une envolée de petit grain et de différents agrumes dont la bergamote, un coeur de thé blanc auréolé de bourgeon de cassis, de chèvrefeuille, de rose, de magnolia et d’une note verte d’hédione. Le maté et l’Iso E Super des notes de fond s’harmonisent parfaitement avec le côté poudré de l’iris et des muscs blancs tout en gardant un accent légèrement fumé. Je dois dire que « Thé Cachemire » est, pour moi, un exemple d’équilibre. Élégant, tenace mais intimiste, je l’ai souvent essayé et je tourne autour depuis longtemps mais on ne peut pas tout porter. En tout cas, il est l’un de mes trois préférés de cette collection privée dont je ne suis pas spécialement amateur. Je trouve que la note boisée de l’Iso E Super, lui donne vraiment une profondeur qui contrebalance le côté très transparent de sa composition.

Créé en 2020 pour Vilhelm Parfumerie par Marc-Antoine Corticchiato, « Body Paint » est réellement l’un des parfums de la maison que je préfère et pourtant j’en ai trouvé plusieurs à mon goût. Je trouve que c’est une très belle création chyprée et fruitée héritée d’une tradition de la belle parfumerie française tout en gardant la modernité de la signature de ce très inventif parfumeur. Baroque, étonnant et facile à porter « Body Paint » est vraiment une réussite. « Paris en 1988. Un culte secret pour femmes. La Danse de Matisse. Des danses rituelles, des sons sussurés, l'extase d'une peau brûlante. Une collision à couper le souffle entre le jus de poire glacé et le piment ». Il s’ouvre sur des notes de poire, de poivre vert, de poivre rouge et de citron pour nous emmener sur un coeur boisé d’Iso E Super épicé par la noix de muscade et le clou de girofle. Le fond de cèdre et d’ambroxan complète la mousse de chêne. C’est un chypre sans patchouli et pourtant, je retrouve cette construction. Comme quoi, on peut toujours modifier légèrement les choses. Pour moi, c’est un parfum très contemporain, très facile à porter mais qui garde une certaine identité et je reconnais tout de suite la « patte » de Marc-Antoine Corticchiato dont je connais très bien la signature. Présenté comme un peu plus féminin, je trouve « Body Paint » parfaitement mixte et je pourrais le porter sans aucun problème.

L’Iso E Super apporte vraiment un relief particulier à certains parfums et je trouve qu’il s’intègre vraiment dans toutes les familles olfactives. Il est un plus notable pour les créateurs et leur permet de développer certains aspects de leurs fragrances en leur gardant beaucoup de stabilité. J’avais envie d’aller explorer cette senteur crée de toute molécule et d’en étudier les facettes. J’espère que je vous aurais donné envie d’aller sentir l’un de ces parfums ou d’autres qui pourraient vous plaire.