Les molécules de synthèse : l'ambroxan
« L’ambroxan est une molécule de synthèse, issue de la recherche organique et qui a vu le jour dans les années 50. L’ambroxan, totalement artificiel, est obtenu à partir du sclaréol, contenu dans l’essence de sauge. L’ambroxan est la représentation exacte de l’ambre gris. En effet, l’ambre gris est une sécrétion du cachalot, produite par ce dernier lorsqu’il mange trop de pieuvres, notamment. Dans la douleur, le cachalot libérait l’ambre spontanément. La pêche au cachalot et à la baleine a été interdite en 1986 et il a fallu créer l’odeur de l’ambre gris, de manière synthétique, c’est l’ambroxan qui joue ce rôle » (source Olfastory). Créé pour pallier à la rareté de l’ambre gris naturel, l’ambroxan est une molécule de synthèse qui, dès sa création après la seconde guerre mondiale, va être largement utilisée par les parfumeurs. Je dois dire que ce n’est pas l’une des effluves que je préfère lorsqu’elle est très dosée dans un parfum mais force m’est de constater qu’elle donne plein de facettes lorsqu’elle est très bien associée et que le jus est travaillé de manière subtile. Elle peut même avoir un petit côté addictif. J’ai choisi quatre parfums dans lesquels l’ambroxan est bien présent et très reconnaissable afin de vous donner envie d’y mettre votre nez. Je les ai re-sentis voire réessayés et je dois dire que j’ai bien aime ce petit plaisir doux et enveloppant même si ce ne sont pas nécessairement des créations pour moi.
« Ceci n’est pas un flacon bleu 1/5 » créé par Luca Maffei pour Histoires de Parfums en 2018 est construit autour de l’ambroxan et il est uniquement constitué de molécules de synthèse. Je dois dire qu’avant de le sentir, j’étais complètement réfractaire à l’idée et c’est en tombant sur un article que j’ai eu envie de le sentir. Bien m’en a pris car j’ai été agréablement surpris. La marque le décrit ainsi : « Ceci est un parfum exclusivement composé de molécules synthétiques, inspiré du principe universel Yang. Une force solaire Ozonique rencontre la transparence subtile des accords Aldéhydés pour atteindre une fraîcheur Minérale ». Je dois dire que ça m’a plu. Le départ est aldéhydé mais ne donne pas l’impression de vapeur de fer à repasser comme souvent car il est associé à un accord ozonique et citronné presque minéral. Le coeur est construit autour d’un accord floral et le fond de muscs blancs et de notes minérales est associée à l’ambroxan qui le rend doux et enveloppant. En général, je ne suis pas très attiré par les parfums complètement synthétiques mais je dois admette que « Ceci n’est pas un flacon bleu 1/5 » me plait beaucoup car il a un côté très minéral et presque froid réchauffé par une forte proportion d’ambroxan. Je trouve que l’accord ambré se marie parfaitement avec le côté très frais et aldéhydé du parfum. Je l’ai découvert pour cet article et j’ai bien aimé même si je ne sais pas si je le porterai.
« Le Lilas est l’une des couleurs et fleurs favorites de Jacques Fath, souvent utilisé pour ses créations et divers accessoires. Les nuances de ce parfum complexe sont multiples. Même s’il dégage une impression de délicate harmonie, les sensations qu’il révèle vont en crescendo. C’est ainsi un parfum inattendu, enjoué mais surtout très surprenant, rebelle en tête avec un côté vert qui déstabilise l’attente d’un fleuri. Le cœur, profond et audacieux révèle un Lilas moderne, comme la fleur que l’on vient de cueillir au petit matin, avec une touche aquatique de Magnolia. Puis un surprenant accord de Crème de Violette, (Pétales de Violette, Angélique et Lys) ajoute gourmandise et délicatesse à la fraicheur suave du Tilleul ». Lancé en 2017 et également créé par Luca Maffei qui est vraiment un parfumeur dont j’aime beaucoup le travail, « Lilas Exquis » de Jacques Fath réunit un peu ce que j’aime. Tout d’abord, comme son nom l’indique, c’est un lilas. Il s’ouvre sur des notes de bergamote et de jacinthe rendues à la fois suaves et acidulées par un accord de myrtille. Le coeur de lilas est enveloppé du vert croquant presque sucré de l’angélique, de la douceur de le fleur de tilleul, de l’opulence du lys et de la facette poudrée de la violette. Le fond de graine d’ambrette et d’ambroxan est poudré par des muscs blancs. Je dois dire que, si je le trouve indéniablement réussi, « Lilas Exquis » n’est pas forcément pour moi car il est presque trop suave, trop ambré et devient sucré sur ma peau. Ceci dit, je le trouve quand même vraiment beau et je suis content de l’avoir réessayé. Je trouve que c’est une composition complexe dans laquelle la note d’ambroxan est prééminente mais rafraichie par les fleurs et l’angélique.
Un autre parfum qui met l’ambroxan à l’honneur est « Anna », l’une des nouveautés 2021 de Lubin créé par Delphine Thierry qui s’ouvre sur des notes aquatiques rehaussées d’agrumes tels le pamplemousse et la bergamote qui lui donnent d’hors et déjà un côté frais enrichi par des notes poudrées et translucides de rose soutenues par une essence d’ylang-ylang pour la facette très florale. Le fond est construit par une association de muscs blancs, de santal et d’ambroxan qui confère à la création, une facette ambrée que j’ai trouvée assez incongrue lorsque j’ai senti le parfum pour la première fois mais qui participe finalement à son identité. Je n’avais pas vraiment pris le temps de laisser le parfum évoluer sur ma peau mais maintenant c’est chose faite et je ne le trouve plus tellement solinote. La marque le décrit ainsi : « Sur le marché aux fleurs d’Amsterdam, une charmante ingénue…Anna perce l’aube de sa voix gaie quand le bateau s’amarre à la berge. Le jour naissant sur Amsterdam révèle la magie d’un spectacle de couleurs ondulantes. Le marché s’anime et Anna tourbillonne, charriant avec elle les effluences du canal et le parfum des fleurs. Ses yeux ont le reflet du Singel et sa beauté ingénue rend nostalgique celui qui s’y attarde Une ronde de prétendants lui contera fleurette mais un seul ravira le cœur d'Anna sur le marché aux fleurs ». Le fond d’ambroxan lui donne quelque chose d’un peu rond qui contraste avec le côté presque maritime du départ et qui persiste un peu durant l’évolution. À l’instar de beaucoup de parfums qui contiennent de l’ambroxan, il est très facile à porter et pourtant il garde son identité et ne ressemble finalement pas aux autres roses que j’ai pu sentir récemment. Je le trouve peut-être un peu trop transparent pour moi mais il me plait plus aujourd’hui que lorsque je l’ai découvert.
Créé en 2019 par Marie Schnirer, « Nuit de Sable » n’est pas le parfum de la collection BDK que je préfère mais c’est une vraie illustration de l’utilisation de l’ambroxan en parfumerie. La marque le décrit ainsi : « Nuit de Sable est inspiré d'une nuit d'été dans les jardins du Palais Royal. Pour retranscrire ce moment et ce lieu magiques, j'ai souhaité un parfum onirique, très texturé. J'ai travaillé un accord sable chaud, composé de santal bio d'Australie, de fève tonka, et d'une touche de cumin d'Egypte, qui lui confèrent une chaleur sensuelle. Pour le complexifier, et lui apporter un caractère sophistiqué et élégant, j'ai ciselé un cocktail d'épices (cardamome du Guatemala, cannelle de Ceylan et noix de muscade d'Indonésie) sur un absolu de rose de Turquie. J'ai voulu un parfum haut en couleurs, chaleureux et envoûtant, qui révèle sur la peau l'ampleur de ses nuances. » Là encore il vient ambrer un parfum rose et épices qui s’ouvre avec une note de cannelle, de carrdamome, de noix de muscade et de cumin, le coeur est construit autour de la rose et le fond d’ambroxan s’enrichit de muscs. Le bois de santal lui donne une certaine épaisseur et il est amandé et arrondi par la fève de tonka. Ce parfum dans lequel, finalement, l’ambroxan prend beaucoup de place notamment sur ma peau me laisse une impression mitigée. Il est complexe, très moderne, assez hors-norme mais je reste un peu sur ma faim lorsqu’il se développe. Il tombe un peu à plat. C’est dommage car, dans l’idée, il me plaisait beaucoup. Pour moi c’est un peu attirance et répulsion.
Pour résumer, je dirai que l’ambroxan, s’il est nécessaire à la construction de beaucoup de beaux parfums, est un peu, pour moi comme beaucoup d’autres ambres, un peu entêtant et j’ai du mal, à quelques exceptions près, à le supporter travaillé en note majeure. Dans les parfums que je viens de citer, la molécule est très présente et, finalement, si j’aime les sentir, je me rends compte qu’ils ne sont pas forcément pour moi. J’aime bien l’idée de la re-création de matières naturelles par la chimie, ce n’est jamais complètement pareil et cela augmente les possibilités sur la palette du parfumeur de manière très notable.
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