Les molécules de synthèse : Le bois de cachemire (ou cashmeran)
« Le bois de cachemire, également appelé « Cashmeran » est un produit issu de molécule de synthèse. Le nom de la note « Cashmeran » a été commercialisé et déposé par IFF (International Flavors and Fragrances). C’est IFF qui a découvert le bois de cachemire en 1970, par l’intermédiaire du Docteur John Hall. Le bois de cachemire est donc une molécule qui n’existe pas naturellement. Elle offre néanmoins aux compositions des tonalités à la fois chaudes, boisées, douces, vanillées ou encore balsamiques et laisse un sillage voluptueux. C’est une molécule douce que l’on a envie de toucher et qui dégage des notes inédites » (Source Olfastory). Je voulais livrer une définition précise de cette molécule que l’on retrouve, souvent en fond, dans beaucoup de ce que j’appellerai les « parfums cocons » car, utilisée à bon escient, elle va donner à la création une très belle facette. Dans un interview que j’ai entendue il y a peu, le parfumeur Maurice Roucel confie qu’il ne faut pas l’utiliser en trop grande quantité sous peine de rendre la fragrance un peu « plate ». Pour illustrer cette définition, j’ai cherché plusieurs parfums dans lesquels je reconnais pas mal le bois de cachemire. N’étant pas chimiste, je vais essayer simplement de vous restituer mes impressions de mon mieux.
Je parlais de Maurice Roucel en introduction et, bien évidemment, le premier parfum qui me vient à l’esprit pour illustrer mon propos est « Dans tes Bras » qu’il a créé en 2008. La marque le décrit ainsi : « Cet instant où deux corps se rapprochent, faisant naître ce sentiment unique d’attraction mutuelle. Un océan de cashmeran, matière inclassable, à la vibration particulière, mâtiné de violette, puis réchauffé par le santal, le musc et l’héliotrope. Le magnétisme irrésistible d’une peau moite et salée, dont on n'imagine plus pouvoir se passer » et je sais que le parfumeur, s’il a eu beaucoup de mal à doser cette matière première synthétique, est, depuis qu’il y est parvenu, très content du résultat et c’est vrai que je trouve que c’est vraiment un beau parfum. Le cashmeran est, ici, utilisé en coeur mais son effluve douce et réconfortante sans jamais être écoeurante, est présente, à mon sens, et sur ma peau, à tous les étages de la pyramide olfactive. Elle se mêle, en tête à la feuille de violette qui va dès le départ, installer un côté poudré à la fragrance qui va également perdurer. Au coeur, elle est associée à la fleur d’héliotrope, amandée et poudrée également qui va vraiment donner un côté presque « encaustique » à la création et cette impression sera confirmée par un santal un peu sec en fond associé à des muscs blancs. Je trouve que « Dans tes Bras » est vraiment un parfum complet car il est à la fois facile à aimer et à porter grâce à ses facettes réconfortantes, très contemporain car il ne ressemble à rien de ce que j’avais senti avant même si la note un peu « cire d’abeille » existe, travaillée autrement, dans d’autres créations et doté d’une vraie identité. Je l’ai essayé plusieurs fois et, pour tout dire, j’ai un peu tourné autour car je le trouve vraiment d’une élégance et d’une modernité qui peuvent s’harmoniser avec tous les styles et qui va complètement convenir aux deux sexes. Il peut se faire ultra féminin comme complètement masculin. Pour moi, et même si je ne l’ai pas choisi, il demeure l’une des plus belles réussites de la collection.
Le bois de cachemire est également, je trouve, l’une des matières premières emblématiques des créations d’Olivier Polge pour Chanel. Je trouve qu’il va vraiment donner sa singularité à « Gabrielle » qu’il a créé en 2017, par rapport à tous les fleuris que l’on peut trouver dans le sélectif et prendre, dans ce cas, une facette vraiment ambrée et féminine si j’ose dire. Plus lumineux, plus aérien que beaucoup de fleuris, « Gabrielle » m’était un peu passé inaperçu lors de sa sortie mais, pour écrire cet article, je suis allé y remettre mon nez et j’ai réussi à en apprécier plusieurs facettes que je n’avais pas senties de prime abord et je comprends son succès qui va bien au-delà du marketing. La marque le décrit par ces mots : " Une interprétation florale, lumineuse et aérienne, construite autour de quatre fleurs éclatantes. Inspirée de Gabrielle Chanel, L’Eau de Parfum Gabrille Chanel est la fragrance d’une femme qui s’écoute et s’affirme. Une femme solaire qui exprime pleinement sa personnalité et qui rayonne. Dans son flacon carré aux parois de verre ultrafines, le parfum semble léviter, comme en apesanteur. L’étiquette et le bouchon dévoilent une teinte précieuse, lamée, entre l’or et l’argent". Le départ est très frais avec, il me semble, des notes d’agrumes et de bourgeon de cassis, le coeur est floral et c’est un bouquet très finement ciselé et, quant au fond, il est à la fois ambré avec le cashmeran, crémeux avec le bois de santal très cher à la marque et poudré par des notes de muscs blancs. « Gabrielle » est construit en mêlant molécules de synthèse et matières naturelles « à la Chanel », c’est à dire d’une manière assumée pour créer un floral stylisé et épuré. Je dois dire que la présence du bois de Cachemire apporte beaucoup dans le côté addictif de la création lorsque l’on arrive sur les notes de fond. Je sens ce parfum un écrivant et je me dis que je suis vraiment passé à côté. En revanche, je suis moins attiré par la version Essence sortie plus tard que je trouve un peu « forcé ». Je trouve que « Gabrielle » est, dans le sélectif, l’un des parfums féminins sortis ces dernières années qui mérite d’être redécouvert.
Je ne suis pas un grand fan de « By the Fireplace » créé par Marie Salamagne, dont j’aime beaucoup le travail d’habitude, pour la collection Réplica de Maison Martin Margiela en 2015 car il est un peu éloigné de ma zone de confort mais je sais qu’il rencontre un grand succès à la fois public et dans la blogosphère. Je suis donc allé remettre mon nez dessus car beaucoup d’entre-vous le connaissent et je trouve qu’il est particulièrement facile de le prendre en exemple pour illustrer mon propos car la note de bois de Cachemire est particulièrement notable. La marque en décrit l’inspiration : « Le souvenir chaleureux du crépitement d’un feu de cheminée lors d'un beau matin d’hiver. Chamonix, 1971 – La beauté envoûtante des flammes qui dansent au cœur du foyer, l'odeur de bois fumé, le contraste avec l'ambiance givrée de l'extérieur où la neige tombe doucement : By the Fireplace ravive le souvenir du crépitement d'un feu de cheminée réconfortant lors un beau matin d’hiver ». Résolument boisé et tout de même gourmand, il s’ouvre sur une association de fleur d’oranger, de clou de girofle et de poivre rose pour nous emmener sur un coeur de chataîgne, de bois de gaïac et d’huile e cade et donne le ton avec une dualité entre profondeur de bois consumé et une certaine rondeur qui s’affirme quand on arrive au fond construit autour du cashmeran très enveloppant et ambré, renforcé par le baume du Pérou et bien évidemment arrondi par une note gourmande de vanille. J’ai essayé ce parfum sur ma peau mais il ne matche pas très bien, force m’est de le constater. Il a tendance à devenir un peu monolitique et très sucré ce qui ne m’attire pas mais je reconnais que, bien porté, il doit avoir quelque chose, une fois encore, de tout à fait addictif. Il m’évoque un peu les fêtes de fin d’années et un certain trop plein de marrons glacés mais c’est mon histoire personnelle.
J’ai un peu gardé mon préféré pour la fin et il s’agit de « Rouge Smoking » créé par Amélie Bourgeois en 2018 pour BDK Parfums. Avec son départ de bergamote, de baies roses et de cerise, son coeur d’héliotrope et de vanille et son fond construit autour du cashmeran et de l’ambroxan avec des notes cuirées de labdanum, musquées et poudrées de fève tonka, c’est une création addictive et je l’aime depuis que je l’ai découverte à sa sortie. La marque le décrit ainsi : « À la tombée de la nuit le ciel devient brumeux et laisse entrevoir à travers la fenêtre la lumière rouge du moulin. Les klaxons retentissent et un esprit de fête s’invite dans la ville. Devant sa coiffeuse, elle se prépare et se maquille. C’est le temps de la mise en beauté. Elle rejoint l’autre pièce et entre dans son dressing. Elle retire du cintre ce smoking qui l’inspire et qui souligne son corps. Le chic parisien, elle connait bien. La mode aussi. Son allure bohème et son énergie charnelle marquent son empreinte dans les rues. C’est elle la fille de Pigalle... Si belle et mystérieuse.. ». Je dois dire que j’étais un peu réticent lorsque j’ai lu que c’était une fragrance construite autour d’une note de cerise mais j’ai adoré la dualité entre des facettes fruitées certes mais aussi amandées et profondes qui ne le rendent ni franchement chimique ni vraiment acidulé. Construit comme un cocon autour de cette molécule qui fait ressortir une facette poudrée et profonde, il est merveilleux sur ma peau et j’ai énormément tourné autour, je l’ai même beaucoup porté. J’ai fait un autre choix dans cette famille olfactive mais je l’aime toujours beaucoup. Je trouve que, dans ce parfum, le cashmeran ajoute vraiment un plus et permet à la fragrance d’avoir ce petit côté élégant qui s’en dégage. Pour moi, « Rouge Smoking », c’est carton plein. Le seul bémol est que, sur ma peau, sa tenue est un peu limitée alors que je sais qu’il tient très bien sur d’autres. Pour moi, il avait été, en 2018, vraiment parmi le top cinq de mes sorties favorites.
J’inaugure avec le bois de Cachemire peut-être une série d’article sur les molécules de synthèse les plus utilisées et les plus reconnaissables. Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à me le dire. Je ferai d’autres recherches et je viendrai vous parler des spécificités de celles que je connais. En tout cas, pour en revenir au cashmeran, je suis vraiment content de l’identifier et, comme le dit Maurice Roucel, utilisé avec parcimonie et doigté, il apporte vraiment quelque chose de très agréable à la création. Il permet de réinventer le parfum cocon et réconfortant.
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