Les pentalogies, une ode aux cinq sens
Pentalogies c’est d’abord un duo. Dorothée Duret, la fondatrice et dont je connaissais la boutique bordelaise, Le Nez Insurgé, de réputation, et Clémentine Humeau qui a créé les cinq parfums de la collection en s’inspirant de nos sens. Je simplifie mais je veux aller à l’essentiel et me concentrer sur ces fragrances que j’ai pu découvrir lors de mon dernier passage à Paris chez Jovoy et qui m’ont beaucoup impressionné. Pentalogie est, pour moi, une marque inspirée, artistique et vraiment la quintessence de ce qu’est la parfumerie d’auteurs. Je dois dire que je ne les ai pas trouvés forcément faciles d’accès mais je ne peux qu’être vraiment séduit par la démarche, l’inspiration et surtout le rendu qui, curieusement, correspondait assez bien à ce que j’imaginais pour figurer olfactivement les cinq sens. Je les ai testés sur ma peau pour avoir une idée plus précise et je dois dire que j’ai vraiment bien aimé le résultat même si je ne les assumerais peut-être pas tous. Pentalogie est une maison très avant-gardiste, très intéressante et vraiment à découvrir car elle nous emmène sur un terrain vraiment sensitif, du domaine de l’impression, du ressenti. En tout cas, pour moi, c’est une réussite totale dans la construction d’une oeuvre artistique olfactive.
Avec « La Vue - Étude 1.1 », Clémentine Humeau a, à mon sens, inventé un parfum vraiment très étonnant en mélangeant des ingrédients aussi divers qu’organisés. Je m’explique. L’envolée de cyprès, d’élémi, de poivre, de baie de genièvre, de cardamome, de muscade entoure des aldéhydes que l’on pourraient trouver incongrues mais qui, finalement ont tout à fait leur place et nous accrochent, le coeur de rose et de graine de carotte rend le parfum presque compact et il faut attendre le fond amandé par l’héliotrope qui adoucis les notes poudrées de l’ambrette, du cèdre, de la violette et des muscs blancs pour avoir une vision (c’est le cas de le dire) globale de ce qu’est le parfum dans son entièreté. La maison le décrit ainsi : « L’Etude 1.1 s’inscrit dans un univers monochrome et sans contour. L’accord est intense, pâle et mystérieux comme un voile stellaire. Suspendu, il impose son rythme lent, on apprend à observer ses particules pour comprendre son sillage. On aime sa pureté aldéhydée qui s’évanouit sur un astre cèdré. Une aura énigmatique ». Entre douceur et transparence, ce parfum sous-titré « Poivre Céleste » m’a vraiment séduit. Il est incroyable. C’est un beau coup de coeur. Je le trouve d’une élégance étrange et, à l’image des couleurs de l’iris de l’oeil, à la fois plein de nuances et de contrastes. Franchement, c’est un travail assez impressionnant.
« L’Etude 1.2 révèle une fraicheur abyssale qui ruisselle sur un bois nacré. Une quête d’harmonie, de justesse et de pureté tout en ondulations salines et opalines. Son rythme régulier et son élégante délicatesse enveloppent et rassurent ». « L’Ouïe - Étude 1.2 » m’a également tout à fait surpris car, à la vaporisation, j’ai senti comme l’eau très salée d’une mer fermée, le bois de rose de mon piano d’étude et le poivre noir qui, comme un grain de sel dans le café, vient nous déranger et nous intriguer à la fois. Le coeur, magnifique il faut bien le dire, d’amyris d’Haïti associé au bois de santal de Mysore, au cèdre de Virginie, au lait de coco et au clou de girofle ne cesse de me dérouter et de me donner envie que le parfum cesse de bouger pour se poser sur le fond de fève tonka tout doux et de muscs. Je dois dire qu’avec cette création, Clémentine Humeau m’a emmené un peu dans tous les sens. Il figure l’ouïe et je peux le comprendre tout à fait car il raconte ce que c’est qu’avoir l’oreille absolue et percevoir tous les sons. C’est une maladie et une médecine. En effet, on identifie tout à fait les musiques et même notes et accords mais on est plus sensibles à des bruits qui vont venir nous agresser. Le parfum m’a fait exactement cette impression. Par moment, je me délecte de le sentir et je le trouve merveilleux et, l’instant d’après, il va venir me déranger. Je n’aurais jamais cru que le parallèle soit aussi précis. Vraiment c’est une expérience.
« Le Toucher - Étude 1.3 » est pour moi une formidable interprétation de la sensualité entre odeur de peau voire même de seconde peau, notes animales et florales à la fois, c’est une invitation au voyage les yeux fermés. Imaginons une envolée de bergamote et de bois de rose épicée par le romarin et le cumin qui entourent des notes mentholées et rosées de géranium, un coeur de jasmin, franchement floral et exotique associé à la fleur d’oranger et à un opulent ylang-ylang puis un socle de bois de gaïac, de benjoin, de santal, de clou de girofle, de styrax, de cuir et différents muscs. C’est un parfum vraiment sensuel, voire même, et je ne dis pas ça souvent, tellement proche de quelque chose d’aphrodisiaque et de naturel à la fois. La marque le décrit ainsi : « Venin chaud et électrisant, l’Etude 1.3 est un corps à corps, un coup de foudre tactile et narcotique. Pénétrant et charnel, sa chaleur solaire invite au toucher, révèle l’animalité du désir ». Très franchement, je n’aurais pas su mieux l’expliquer car j’aurais eu peur d’aller au-delà d’une certaine pudeur des mots. Je trouve ce parfum complètement subversif et addictif à la fois. Je n’oserais jamais le porter mais c’est vrai qu’il est parfaitement incroyable. Clémentine Humeau a recréé la peau de l’attirance. C’est assez troublant… C’est très troublant.
Avec « Le Goût - Étude 1.4 », Clémentine Humeau m’emmène vers un univers qui a tout, sur le papier, pour me rebuter et me faire fuir. Notez plutôt : un départ de bergamote, d’eucalyptus, de rhum, de cassis (qui est loin d’être une note que j’aime), de limette et de lentisque semble envoyer des informations olfactives complètement contradictoires, un coeur de figue noire et de miel (tout ce que je n’aime pas), associé à la cannelle, aux feuilles de piment et au safran et un fond de cire d’abeille, de patchouli, de fève tonka, de vanille, de labdanum et d’immortelle. La marque le décrit ainsi : « L’Etude 1.4 transcrit un univers baroque, velours aux couleurs miéllées chaudes et intenses teintées de jungle luxuriante. Sa gourmandise pimentée dissimule le temps de lever sa garde ses intentions létifères. Elle est la rencontre entre l’envie et le danger ». En lisant la pyramide olfactive je m’imaginais que j’allais être écoeuré et que le parfum me donnerait envie de fuir et ça n’a pas du tout été le cas. Je le trouve difficile à porter certes mais d’une cohérence que je n’attendais pas. Il fait appel à nos sensations gustatives et c’est vrai que le résultat est étonnamment attractif même pour moi qui n’aime pas du tout cette direction olfactive. Il casse tellement les codes que je le trouve agréable.
« Cuir chromé, l’Etude 1.5 marie l’aura réconfortante d’un marc de café à l’empreinte indélébile d’une pellicule photo argentique. Olympien, froid et immobile, sa noblesse réside dans son incorruptible droiture ». Dès l’envolée de "L'Odorat - Étude 1.5", on est tout à fait dérouté par l’association de la graine d’angélique un peu verte, le cyclamen à la fois floral et sec, la lavande et le thym, le coeur de café associé à un accord d’encre noire, l’ambre et l’amyris mais c’est une fois que le parfum arrive en toute fin d’évolution qu’il commence à me plaire. Il s’enrichit de notes de papyrus presque poussiéreux, de cuir, de vétiver particulièrement finement travaillé, d’opoponax, de myrrhe et de labdanum qui lui donne quelque chose de très résineux. C’est un cuir aromatique et terriblement addictif. S’il n’est pas mon coup de coeur, je dois bien dire que je le trouve assez fascinant. Clémentine Humeau a vraiment réinventé cette famille olfactive en nous emportant avec elle dans un univers dense et profond mais jamais lourd. Je trouve que c’est un tour de force. En tout cas, je suis très impressionné par ce parfum.
Vous l’aurez compris, j’ai été séduit par l’univers des Pentalogies. Leur dimension artistique et sensorielle ne m’a absolument pas échappé et je trouve que c’est une démarche créative absolument passionnante. Je crois aussi qu’aucun des cinq sens figurés olfactivement ne sont importables, il suffit donc de trouver celui qui nous provoque le plus d’émotion. Pour moi c’est, indéniablement « La Vue - Étude 1.1 ». Je pourrais le porter même régulièrement sans aucun problème. Il a su me provoquer des émotions agréables et profondes. C’est aussi ce que j’aime dans un parfum.
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