Ma quête du cuir idéal
Cette année, je suis en quête du cuir idéal car, si l’hiver dernier je portais plutôt des chyprés, cette saison froide me donne envie de me réfugier dans la chaleur de cuirs doux ou plus rêches. Du daim, suédine au cuir de Russie sombre et plus animal, je me suis penché sur la question d’autant que j’ai ressorti « Narcisse Blanc », je veux dire le vrai, celui créé par Ernest Daltroff, pas ce petit jus sans intérêt commercialisé actuellement par la maison Caron ou ce qu’il en reste. C’est un merveilleux parfum oscillant entre cuir, fleurs avec des notes complexes, chaudes et enveloppantes. J’ai décidé de vous emmener avec moi dans mes pérégrinations parfumées à la recherche du parfum idéal dans cette famille olfactive. Je n’ai choisi que des fragrances que l’on peut encore trouver, certaines avec quelques difficultés certes, sur le marché afin de ne pas nous donner des envies que nous ne pourrons pas satisfaire.
Le tout premier parfum qui me vient à l’esprit est, bien évidemment, le mythique « Cuir de Russie » de L.T. Piver créé en 1891 sous une forme plus cologne et remis au goût du jour en 1939 puis en 2003 et qui reste l’un des fleurons de cette très ancienne maison de parfums qui le décrit ainsi : « Créé à la fin du XIX ème siècle, ce jus exceptionnel renaît aujourd’hui dans une version originale. Très gentleman – farmer, cette composition s’inspire de l’odeur de cuir des bottes de cosaques, imperméabilisées avec de l’écorce de bouleau. La note cuir, envoûtante et d’une irrésistible élégance, s’accompagne d’accents toniques et hespéridés - mandarine et bergamote - qui déposent sur la peau un voile de fraîcheur. Mais aussitôt des touches boisées et épicées prennent le relais avant que le miel ne vienne distiller toute sa douceur. Cette fragrance complexe qui se livre discrètement, exhalant au fil des heures toute sa splendeur, s’épanouit dans un flacon très structuré, aux lignes robustes, inspirées par la période constructiviste Russe. Un univers convivial, raffiné, jamais ostentatoire ». Ce parfum a initié, bien évidemment, cette famille olfactive et lui a conféré quelque chose de facile à porter car l’essence de bouleau très goudronnée est adoucie par la mousse de chêne et par des notes de tête très agrume qui confèrent une certaine fraîcheur à « Cuir de Russie ». Emblématique de la maison mais aussi de ce que j’aime, il est, pour moi, un incontournable depuis de très nombreuses années. Je le trouve à la fois facile à porter et très élégant. En plus, malgré une concentration eau de toilette, il est d’une rare ténacité. Pour finir, il est très économique et reste un petit plaisir pas cher. J’en parle souvent mais je pense que, parmi les cuirs idéaux, il a parfaitement sa place. C’est du luxe à petit prix et sa complexité le met très facilement en balance avec d’autres parfums beaucoup plus onéreux.
Lancé en 2011 et créé par Jean-Paul Millet-Lage pour Maître Parfumeur et Gantier, « Cuir Fétiche » est devenu l’un de mes musts aussi. C’est aussi un cuir de Russie mais très rond, très doux et enveloppant avec un côté à la fois discret et profondément chic. Il est comme un foulard parfumé qui se serait aussi imprégné du cuir du col d’un blouson. La marque le décrit ainsi : « Un parfum ‘’de peau’’ par excellence, incarnation absolue de la sensualité. Cuir Fétiche est un accord intimiste, marquant une personnalité ultra féminine par la gourmandise de la mandarine rouge et de la vanille, le raffinement des fleurs d’ylang-ylang et de jasmin et la sensualité de l’accord cuir ». Plutôt estampillé féminin, sans doute à cause de ses accents un peu poudrés et orientaux, il est, pour moi, parfaitement mixte et je le porte avec toujours le même plaisir que lorsque je l’ai découvert. Le départ est très bergamote et mandarine mais le côté géranium vient lui donné une fraîcheur ronde très nette. Le coeur de cuir est adouci par un bouquet floral à dominante d’iris et d’ylang-ylang et je trouve le fond d’ambre gris, de muscs blancs et de patchouli très doux et élégant. Je l’aime vraiment beaucoup. Il m’évoque un peu les années 20 et les codes bousculés des femmes en smokings fumant au bout de longs tubes, les hommes aux cheveux coiffés à la brillantine et accentuant un côté latin lover. Pourtant, « Cuir Fétiche » a aussi une facette résolument contemporaine. Dans ma quête du cuir idéal, je le pense très bien placé.
S’il est une maison qui a très bien fait travailler la note de cuir, c’est bien Naomi Goodsir puisque, sur six créations, elle en propose deux depuis cette année. Au côté animal et très sombre de « Corpus Equus », la très belle nouveauté créée par Bertrand Duchaufour, j’ai préféré la douceur d’un cocon et j’ai choisi « Cuir Velours », inventé en 2012 par Julien Rasquinet que je trouve vraiment conforme à mes goûts. Avec ce parfum, je m’éloigne un peu de l’accord cuir de Russie pour me placer dans une fragrance très ronde, basée sur le ciste labdanum plus moderne et sur un côté tabac et immortelle. Complexe, vivant, texturé, « Cuir Velours » est aussi un pas vers le cuir de mes rêves car il est tellement chic et facile à porter qu’il me donne envie de l’utiliser encore et encore. Je le trouve complètement réussi. De plus, c’est un peu le cuir de ceux qui n’aiment pas forcément cette famille tant il est doux et cocon. Je le rapproche bien de « Cuir Blanc » de Evody et de « Cuirelle » de Ramon Monegal que j’aime beaucoup aussi mais peut-être avec quelque chose de plus profond, de plus ciselé. Julien Rasquinet a du talent et je trouve qu’il donne une interprétation très contemporaine de cette note qui peut avoir, parfois, un côté suranné bien que délicieux. « Cuir Velours » est moderne, profond et élégant en diable. Je le trouve également très mixte et facile d’accès. En tout cas, je l’aime beaucoup et vraiment je ne boude pas mon plaisir cet hiver. Il est en bonne place dans ma recherche du cuir idéal.
Parmi les matières premières qui ont une facette cuirée, il y a, bien évidemment, la fleur d’osmanthus et je trouve que l’interprétation faite par Gian Luca Perris pour sa maison éponyme est particulièrement bien réalisée. J’ai mis un peu de temps à m’intéresser à « Absolue d’Osmanthe » mais je dois dire que, aujourd’hui, je ne peux plus m’en passer. Je l’aime autant en eau de parfum qu’en extrait et je trouve que son évolution sur ma peau est fantastique en hiver. J’aurais pu parler aussi de « Osmanthus » d’Ormonde Jayne qui est, pour moi, son pendant estival mais nous sommes en saison froide alors c’est ce parfum que j’adore que j’ai décidé d’inclure dans ma recherche du cuir idéal. La fleur d’osmanthus est présente dès l’envolée et elle est associée aux baies roses épicées, au jasmin et à une prune ronde et très opulente puis on arrive sur un coeur santal et oeillet qui commence à évoluer vers quelque chose de cuiré qui s’exprimera finalement en fond avec des notes de ciste labdnanum et un accord castoreum. C’est une interprétation vraiment très cuir de cette fleur qui a aussi des facettes abricotées et que je trouve particulièrement intéressante en parfumerie. Il me fait le même effet addictif que j’avais pour « L’Eau du fier » créé par Isabelle Doyen pour Annick Goutal et qui a, hélas, disparu.
Marc-Antoine Corticchiato a, pour sa marque Parfum d’Empire, également donné son interprétation du cuir et je dois dire que c’est un coup de maître car son interprétation est devenue un must de la parfumerie d’auteur. J’ai énormément porté « Cuir Ottoman » et, si je l’ai un peu mis de côté, il est fort probable qu’un jour ou l’autre, il me fasse envie à nouveau. Lancé en 2006, c’est un parfum cuir mais également poudré et irisé. « Cuir embaumé d’iris, facetté par le ciste et réchauffé par le styrax brûlé, qui entraine dans son sillages les notes enivrantes des parfums orientaux – baume de tolu, résine de benjoin et larmes d’encens… L’effluve devient opulent avec le jasmin d’Égypte, puis s’arrondit avec la vanille et la fève tonka. Et le Cuir Ottoman se fait chair alanguie offerte aux vapeurs du hammam… », tels sont les mots de la marque pour le décrire et je trouve que tout est dit. L’ouverture est très étonnante car le côté poudré de l’iris se mêle à la note cuir du ciste et florale du jasmin. Elle s’accentue avec un accord cuir au coeur, renforcé par le côté vanillé du benjoin et sombre du styrax. Le fond de fève tonka et d’encens soutient le parfum. Je suis très fan de ce parfum que je trouve vraiment chic et presque oriental. Je trouve qu’il est très élégant et singulier à la fois. Je lui préfère peut-être « Ambre Russe » que j’aime depuis longtemps mais qui est plus ambré que cuiré alors j’ai voulu le citer afin de bien faire le tour des parfums de cette famille olfactive.
Quand je parle de cuir de Russie, je ne peux pas contourner « Baïkal Leather Intense » créé par Patricia de Nicolaï pour sa marque éponyme car je l’adore ! Lancé en 2019, c’est un retour aux beaux cuirs violette des années 20. Il remplace, pour moi, « Mahon Leather » de Floris que j’ai tant aimé et il est plus nuancé que « Aleksandr » d’Arquiste que j’aime énormément aussi. Ce parfum, c’est une seconde peau, douce et brute à la fois. Pour moi, c’est l’équilibre parfait entre le cuir, le bois et les fleurs. Là, on s’éloigne des facettes orientales ou poudrées pour entrer dans un cuir profond, élégant en diable et vraiment on retrouve le classicisme des grands parfums des années trente. Je dois dire que c’est en virtuose, comme toujours, que Patricia de Nicolaï a remis au goût du jour un cuir de tradition car il n’y a rien de désuet dans « Baïkal Leather Intense ». Je me suis fait plaisir à le porter ces derniers jours et nul doute que je le reprendrai. Je l’aime énormément. « La facette cuir de Baïkal Leather Intense est apportée principalement par le mélange de deux notes boisées sèches : l’essence de bois de gaïac et l’essence de pin fumé. Ce duo puissant est révélé par un départ fusant de yuzu, de poivre et de safran tandis que la facette aromatique de menthe crêpue complète la note de tête. Le coeur floral rose-violette enrobe le cuir, adouci par un fond beurre d’iris, fèves Tonka et musc blanc ». J’aime beaucoup cette interprétation. Si je ne sens pas tellement la rose, je trouve que l’accord cuir se mêle avec beaucoup d’élégance à la violette et je trouve que « Baïkal Leather Intense » se rapproche beaucoup de mon cuir idéal.
Fleuron de la collection des Nombres d’Or, créé par Mona di Orio en 2010 pour sa marque éponyme, « Cuir » est, sans jeu de mot, sans grand doute, le cuir de ma vie. Depuis que je l’ai redécouvert, je n’arrête pas de vous en parler mais vraiment il est transcendant. Pour moi, c’est un objet parfumé non identifié comme souvent les parfums de la regrettée Mona. Il est l’anti-thèse des cuirés opulents et ronds car il mêle botes boisées, cuirées et fumées. Une ouverture de cardamome et d’absinthe, un accord cuir de Russie très sombre et un fond basé sur le bois de cade, la résine d’opoponax et d’un accord castoreum, confèrent à ce parfum une évolution absolument incroyable sur ma peau. Je suis tombé sous le charme il y a quelques années et je ne remercierai jamais assez Antonio de Marie-Antoinette, une toute petite parfumerie, une pépite de la rue d’Ormesson dans la Marais à Paris, d’avoir rendu possible que je puisse le porter à nouveau. Inspirée par le Birkin d’Hermès, Mona di Orio a su inventer un cuir d’un nouveau genre, sec et fumé mais terriblement enveloppant et élégant. Sur ma peau, on frise la perfection et je pense que je pourrai le porter en toute saison tant il est délicatement ciselé. Il ne fait jamais « grosse machine », c’est un parfum d’émotions et d’addiction. Je pense que Nathalie alias Mona avait non seulement du talent mais surtout du génie.
J’aurais pu citer d’autres parfums merveilleux comme « Bel Ami » d’Hermès, « Cuir Mauresque » de Serge Lutens ou encore, bien évidemment le sublissime « Cuir de Russie » de Chanel même si, dans le style, je suis assez fasciné par « Le Lion » créé cette année par Olivier Polge, mais l’article aurait été passablement interminable. Allez, je vais citer d’autres jolis coups de coeur, « Ombré Leather » de Tom Ford, « Bronze Wood & Leather » de Jo Malone… Il y en a plein et je ne sais plus où donner de la tête mais je pense que ma quête du cuir idéal fait des articles agréables à écrire. J’espère que vous aimerez les lire autant que ça m’a plu de les préparer !
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