Passion Parfums

 

 

 

« La maison Godet a été fondée par Julien-Joseph Godet en 1901. Pour lui, la composition d’un parfum va de pair avec la créativité artistique. Le résultat n’est pas guidé par un désir consensuel, mais par l’instinct et la recherche d’ingrédients naturels rares et de très haute qualité. Rencontre de Julien-Joseph Godet avec le peintre Pierre Bonnard. S’ensuivra la création de Fleurs de Reine, premier parfum à oser la technique de l’enfleurage à froid pour la tubéreuse. Ouverture d’une boutique à Nice, avenue Jean Médecin. Présentation d’Henri Matisse à Julien-Joseph Godet par Pierre Bonnard. Lancement de Petite Fleur Bleue. Un accord d’une pureté absolue : la rose, le jasmin et le bois de cèdre. La muse d'Henri Matisse, Henriette Darricarrère se parfumait avec Folie bleue en 1925. Sonia Godet, 4e génération, reprend le flambeau familial en 2016. Sur les traces de ses ancêtres, Sonia s’engage à faire du parfum une véritable œuvre d’art accomplie dans ses moindres détails : chaque flacon est soufflé et modelé par un maître verrier et les processus de macération et de distillation des fleurs suivent les règles ancestrales de fabrication ». C’est l’histoire d’une passion… Le récit parfumé de l’histoire d’une vraie dynastie car, au bout de quatre générations, on peut même parler de lignée de passionnés et de parfumeurs. Sonia Godet a redonné vie à cette maison de parfum à la fois historique et familiale. Aujourd’hui, elle a créé, inventé et réinventé les parfums de la Maison Godet. Il y avait vraiment très longtemps que l’une d’entre-vous m’avait parlé de cette marque confidentielle, pleine de charme et de passion pour le savoir-faire, l’artisanat et l’art. J’ai eu l’opportunité de découvrir 17 créations de Sonia Godet. J’en ai retenu cinq que je trouve tout à fait emblématiques de son style et dont j’avais envie de vous parler. J’espère vous donner envie de découvrir, d’utiliser votre nez pour connaître cette belle parfumerie fine « à la française ».

 

Sonia Godet

 

Le premier parfum que j’ai retenu a été créé par Sonia Godet en 2019 et il va un peu à l’encontre de mes goûts car il y a bien longtemps que je n’ai pas porté de création à dominante de lavande. J’ai essayé le très poétique « Calme et Volupté » qui s’ouvre avec une envolée de bergamote et de mandarine épicée de cardamome et de curcuma qui lui donne quelque chose de très étonnant et dont le côté pep’s se confirme avec un coeur très original de lavande associée au bourgeon de cassis très frais et à la pêche toute douce. Le fond, boisé est enrichi de mousse d’arbre et arrondi par le benjoin. « La lavande du plateau de Valensole téléporte dans un carnet de voyage des âges. Sitôt la cinétique pourpre des brins enclenchée par le curcuma mutin, le juvénile bourgeon de cassis s’ouvre en visions d’enfance à cache-cache. Demeure la mousse d’arbre, gardienne de la mémoire musicale en strates d’un bout de Provence éternel ». Lorsque je le sens, je me promène en Provence, je m’approche de la mer avec sa fraîcheur qui rend supportable le chaud soleil estival. C’est une lavande réaliste, très tranchée, dotée d’une facette vraiment épicée. « Calme et Volupté » est à mettre absolument sur la peau. Je l’admets, lorsque je l’ai senti, je n’en n’ai pas immédiatement eu envie mais, une fois que j’ai franchi le pas. Je me suis fait plaisir. C’est un aromatique très réussi et d’une belle finesse qui, je trouve est très évocateur de la signature de la parfumeuse.

 

« Minuit va sonner, les mélodies électroniques de la fête s’estompent à mesure que s’épuise la course à travers les bois. Quelques secondes de répit dans une clairière abandonnée va raviver l’admiration pour cette nature à cueillir. La terre se meut et chuchote ses motifs parfumés qui redonnent forme au costume trois pièces à partir du jean d’un soir : un saut de siècle furtif, mais garant d’une atmosphère inaltérée depuis 1908 ». Pour réinventer « Chypre », Sonia Godet a adapté une formule de 1908 qui a fait ses preuves. Étant particulièrement sensible à cette famille olfactive, il était bien normal que je me tourne vers ce parfum instinctivement et je ne me trompais pas. Il me semble bien qu’il est mon coup de coeur dans la marque. C’est un chypré vert comme je les aime, avec un très beau départ de bergamote, de citron de Saint-Paul-de-Vence, de rose et de poivre noir qui cède la place à un coeur très original d’iris et de galbanum bois et poudré par le cèdre. En toute fin d’évolution, les notes de fond continuent de nous surprendre avec l’accord parfait entre le patchouli et la mousse de Chamonix modernisé par des accents d’encens et de benjoin. « Chypre » m’appelle. Je l’ai porté vraiment autour de moi et je dois dire qu’il a su me séduire complètement. Pour moi, il rappelle les parfums ancestraux de cette famille olfactive mais avec une modernité tout à fait significative. Dans la collection, « Chypre » est vraiment pour moi sans aucune surprise. Il est très adapté à mes goûts et je suis très content de l’avoir découvert car je pourrais bien le porter…

 

 

Quand j’ai vu qu’il y avait un cuir de Russie dans la collection, je dois dire que je me suis jeté dessus or il est complètement différent de ce à quoi je m’attendais. « 1921. Un va-et-vient épistolaire franco-russe suit le crescendo d’une projection de l’autre depuis l’espace confiné de l’étude. Un cumin soupiré se confond aux clapotis de la Seine, la torpeur de l’oud sacré évoque les lumières sur la Néva. Les échanges ardents foulent le fantasme d’un ailleurs indompté sous l’élan du bois de santal. Le benjoin trouve en la plume son alliée de marivaudage, et les chairs se conquièrent au contact successif du papier jauni ». Réinterprétation d’un parfum de 1921 remis au goût du jour par Sonia Godet en 2017, « Cuir de Russie » est très atypique. Il s’ouvre sur des notes de bois de santal, de clou de girofle et de cumin puis vient un coeur de patchouli, de vétiver et de bois de cèdre et enfin, un fond de oud sacré, de nargamotha ayrvédique, une poudre extraite de la racine du Cyperus scariosus, une plante herbacée vivace d’Australie que l’on trouve aussi en Inde et en Nouvelle-Guinée, et de benjoin. La parfumeuse s’est détournée de l’association mousse de chêne et bois de bouleau pour un cuir plus moderne, moins goudronné et sans doute dans l’air du temps. Je trouve que la réalisation est relativement virtuose mais je n’ai pas vraiment adhéré peut-être parce que j’attendais tout à fait autre chose.

« Le tableau figure un paysage forestier, une tonique légère attire l’œil accommodé à cette étendue verte. En poussant la porte de l’image, irisée de bergamote et de cardamome, la violette de Nice gagne en évidence visuelle et anoblit par sa feuille un spectre odorant brassé par la brise. L’illustration se fige à nouveau peu à peu, et le bagage de l’améthyste gourmande esquisse une nouvelle liberté, goûtée dès 1925 par la muse de Matisse ». Sonia Godet a voulu « ressusciter » un parfum phare de 1925. « Folie Bleue » est sans doute la création la plus étonnante de la collection. Je dois dire que je suis impressionné par la singularité de ce parfum élégant qui s’ouvre sur des notes de bergamote et de cardamome puis un coeur de violette de Tourrettes et d’iris, poudré et floral à la fois vient prendre toute la place et le parfum se pose sur un fond de bois de cèdre et de mousse de Chamonix. J’aime beaucoup ce parfum. Je le trouve vraiment très abouti même s’il n’est pas forcément pour moi. Il m’évoque un peu les couleurs flamboyantes de la Provence mais aussi la finesse du trait de Matisse. « Folie Bleue » est, pour moi, sans aucun doute la violette la plus étonnante qu’il m’ait été donné de découvrir depuis longtemps.

 

Le dernier parfum que j’ai sélectionné est un travail autour du patchouli. « Corps et Âmes » est, pour moi, sans aucun doute la création la plus « claire et nette » de la marque. Sonia Godet a exploité la facette la plus boisée du patchouli en l’associant, en tête, au bois de cèdre et au santal puis en le posant sur un fond d’encens et d’ambre. « Au corps endormi répond l’esprit ravi dans le songe. Le patchouli affuble d’ailes merveilleuses, peuple les contrées de visions fantasmagoriques et pare l’identité de facettes inédites. D’aventures en effrois, d’hilarités en travestissements, la lumière boisée gagne sur la raison. Au réveil, les sens reprennent leurs droits, encore baignés d’encens, et aveuglés par leur omnipotence supposée, dont le pendant abstrait se jouera encore la nuit tombée ». Je dois dire que je suis particulièrement impressionné par la qualité des matières premières qui composent ce parfum élégant mais très « brut » qui plaira autant aux femmes qu’aux hommes. Il est des patchoulis que je trouve trop arrondis par des notes ambrées et vanillée mais ce n’est pas du tout le cas de « Corps et Âmes ». Ce côté boisé, qui me fait sortir un peu de mes goûts me plait quand même beaucoup. Je ne sais pas si j’arriverai à me l’approprier mais je l’ai trouvé très intéressant.

 

 

La collection de parfums Godet est vraiment, pour moi, extrêmement qualitative. Je trouve que le travail de la parfumeuse qui est, d’une part de la création pure et d’une autre d’interprétation d’un patrimoine précieux et dont l’intemporalité ne fait aucun doute. Pour moi, c’est une belle découverte tant au niveau inventivité qu’élégance. J’ai décelé également un goût de Sonia Godet pour les plantes aromatiques de sa région qui constituent un peu un fil conducteur. Mon préféré, sans surprise, est le chypre que je trouve très chic et particulièrement bien travaillé. Je pourrais tout à fait me l’approprier. Il correspond à mes goûts. En revanche, je suis très dérouté par le cuir de Russie sur lequel j’avais beaucoup d’attente. Il ne correspond pas à ce que je cherchais mais il n’en n’est pas moins une très belle réalisation. La marque est confidentielle et la collection assez importante mais si vous croisez la route des parfums Godet, arrêtez vous… Certes, ce n’est pas tout à fait mon histoire mais peut-être que vous pourriez avoir un coup de coeur.