Passion Parfums

 

 

 

Parmi les parfumeurs dont j’aime particulièrement le travail, il y a Marc-Antoine Corticchiato. Bien évidemment, j’ai déjà évoqué ses créations dans plusieurs articles mais je trouvais intéressant de revenir sur le parcours atypique de ce parfumeur indépendant qui travaille, bien évidemment pour sa propre marque, Parfum d’Empire mais également pour celle dirigée par Philippe Neirinck, La Parfumerie Moderne ainsi que, ponctuellement, pour plusieurs maisons.

Qui est Marc-Antoine Corticchiato ?

D’origine corse, Marc-Antoine Corticchiato est né au Maroc. Il y grandit entre les terres de ses parents – au milieu de leurs cultures d’agrumes – et le maquis corse, dans la maison familiale du village de Cuttoli Corticchiato. Cavalier depuis l’âge de huit ans, passionné de sauts d’obstacles, il est sur le point d’embrasser une carrière équestre. Mais son désir de comprendre la composition du parfum des plantes le pousse à étudier la chimie de leurs extraits. Sa thèse de doctorat porte sur la mise au point d’une nouvelle technique d’analyse des extraits de plantes à parfums par Résonance Magnétique Nucléaire du carbone-13. Il complète sa formation par un diplôme de troisième cycle de parfumeur à la célèbre École Internationale de Parfumerie de Versailles (l’ISIPCA). Marc-Antoine débute son activité professionnelle dans un laboratoire de recherche axé sur l’analyse des plantes à parfum et leurs méthodes d’extraction. Durant des années, il dissèque les matières premières naturelles, dont il acquiert ainsi une connaissance intime. Ses travaux sont publiés dans des revues internationales de recherche. Après un détour par l’aromathérapie, il intègre un laboratoire de création de parfums à Paris. Parallèlement, il intervient dans les enseignements de l’ISIPCA. Exigeant dans le choix des extraits naturels de plantes, il met en place une unité de production d’huiles essentielles à Madagascar. Parfum d’Empire, fondé en 2002, lui permet enfin d’exprimer pleinement son style. Mais aussi de pousser jusqu’à l’excès la puissance de ces matières premières naturelles qu’il connaît en profondeur. Entièrement indépendant, il est récompensé deux années de suite par le prestigieux Prix des Experts de la Fragrance Foundation France, en 2015 pour « Corsica Furiosa » et en 2016 pour « Tabac Tabou ». Source Internet. Chimiste, conférencier, Marc-Antoine Corticchiato se distingue par une parfaite connaissance des molécules synthétiques et par son goût pour les belles matières naturelles. Il sait parfaitement conjuguer les deux dans ses créations.

Marc-Antoine Corticchiato en cinq parfums

Il m’a fallu beaucoup réfléchir pour sélectionner seulement cinq parfums créés par ce parfumeur dont j’aime particulièrement le travail mais j’ai essayé d’aller vers des fragrances vraiment originales et de ne pas trop revenir sur « Tabac Tabou » ou « Acqua di Scandola » ainsi que sur les parfums dont j’ai beaucoup parlé. J’ai également eu envie de parler de quelques jus composés pour d’autres marques que Parfum d’Empire. Je vais d’ailleurs commencer par « Désarmant » que Marc-Antoine Corticchiato a créé pour La Parfumerie Moderne en 2013. Connaissant mon attirance pour le lilas, je ne pouvais passer à côté de ce cuir tout à fait atypique. La note principale est construite d’une manière cuirée avec des notes de mousse de chêne et d’une vanille très aromatique. Oriental ? Chypré ? Difficile à dire. Je dirais plutôt que c’est un cuir et lilas. Un duo de notes qui s’harmonisent, se marient pour un parfum à la fois très élégant et presque classique mais tout en gardant un caractère et une originalité unique. J’ai beaucoup porté « Désarmant » et je l’ai beaucoup aimé. Je trouve que c’est une très très belle création qui m’a beaucoup surpris car elle est très éloignée des parfums créés par Marc-Antoine Corticchiato pour Parfum d’Empire.

Je pense que la création qui m’a le plus surpris est « Speakeasy » lancé en 2012 pour la maison Frapin. Contrairement à ce que j’avais cru au départ, cet oriental au départ très étonnant de rhum, de citron vert et d’orange, au coeur de géranium, de menthe et de liatris évolue sur un fond résolument cuiré et perd son côté frais avec des notes d’immortelle et de tabac que Marc-Antoine Corticchiato utilise souvent sur un accord cuir, fève tonka, styrax et ciste. J’ai été très dérouté. Le départ est très frais et je l’imaginais bien porté l’été avec la prépondérance de la menthe et le côté un peu « mojito » des premières minutes mais, très vite, le parfum prend du corps, s’arrondit, s’installe et devient franchement oriental et ambré. J’ai énormément de mal à décrire cette création dont l’originalité est incroyable. Je ne sais pas si je pourrais la porter mais j’ai adoré l’essayer. Je crois en avoir déjà parlé au printemps mais je le ressens avec plaisir pour écrire cet article.

Je passerai sur « Body Paint » que Marc-Antoine Corticchiato a créé cette année pour Vilhelm Parfumerie car je ne l’ai pas encore découvert et il me faut attaquer les trois parfums que j’ai choisi dans le catalogue de sa propre marque Parfum d’Empire. J’ai choisi, en premier, « Eau Suave » qui est sorti dans les années 2000 et que j’ai beaucoup porté car je le connais très bien. C’est un chypre à la fois floral et fruité avec une envolée de rose rehaussée de coriandre et de safran, un coeur de rose hybride de thé, de framboise et de pêche épicée par une note de poivre tout à fait étonnante et un fond de mousse de chêne et de patchouli bien évidemment, arrondi par une touche de vanille. Pour moi « Eau Suave » que le parfumeur a créé en pensant à Joséphine de Bauharnais et à ses origines créoles, est un parfum à l’ équilibre parfait. C’est un faux chypré classique et un peu suranné car son côté presque exotique conféré par les épices, est d’une grande modernité. Sa tenue et son sillage sont d’une grande élégance. J’ai beaucoup aimé le porter et j’y reviendrai sans doute un jour.

 

 

 

Créé par Marc-Antoine Corticchiato à la même époque que « Eau Suave », « Équistrius » est un travail autour de l’iris et de la violette avec des notes de poudre de riz au coeur et de chocolat. Le fond est composé autour du daim et de l’ambre avec des accents d’ambrette, de bois de santal et de vétiver. Quand je voyais les flacons de cette création, j’imaginais un jus beaucoup plus cuiré mais, finalement, je trouve que c’est surtout un iris poudré et légèrement gourmand à la fois. J’ai beaucoup aimé l’essayer et je pense qu’il va sans doute demeurer dans mon esprit comme l’une des plus belles réussites de la maison et du parfumeur. « Équistrius » porte le nom d’un des chevaux ce Marc-Antoine Corticchiato et je trouve qu’il est l’une des créations pour Parfum d’Empire les plus singulières. J’aime beaucoup son développement très suave et poudré sur ma peau. Je trouve qu’il est vraiment très chic. Je l’aime énormément.

 

 

 

Lancé en 2007, « Fougère Bengale » coche toutes les cases de ce que j’aime. Entre aromatique et épicé, ce parfum très tabac préfigure « Tabac Tabou » qui sortira neuf ans plus tard. Le départ de lavande, de thé et de gingembre, le coeur de tabac et de poivre et le fond de fève tonka et de vanille construit autour de l’accord chypré classique de patchouli et mousse de chêne lui donne un corps et un côté fumé qui m’a toujours plu. Je sens aussi se profiler, en plus petite quantité, une note d’immortelle si chère au créateur. J’aime beaucoup « Fougère Bengale » mais, pour l’avoir essayé, je pense qu’il me convient un peu moins que « Tabac Tabou » qui s’en rapproche mais en plus immortelle et tabac et en moins chypre. J’ai souvent envie de le porter tout de même. J’y viendrai peut-être un jour.

 

 

 

Bien évidemment, je pourrais écrire un article de dix pages sur ce parfumeur dont j’aime énormément le travail mais je me suis limité à cinq créations très représentatives je trouve tout en restant très différentes les unes des autres. Il y a un « style Corticchiato » et pourtant, il sait s’en éloigner très facilement lorsqu’il travaille pour d’autres maisons tout en restant dans l’originalité et la créativité. J’ai beaucoup aimé me repencher sur ses parfums et les re-sentir pour écrire cet article car je trouve son talent vraiment très grand.

Marc-Antoine Corticchiato après son second FIFI Award en 2016