Prolifique, talentueux, un peu hors-norme dans le milieu de la parfumerie, Maurice Roucel a composé nombre de parfums, des plus mainstream aux plus alternatifs. À ce jour, il semblerait qu’il ait signé plus de 130 parfums. Nous en avons déjà évoqué certains, je pense à « Beautiful Day » pour Castelbajac que j’aime beaucoup et évidemment, l’incontournable « Musc Ravageur » sorti aux éditions Frédéric Malle. Je trouve que les parfums de Maurice Roucel ont un point commun : ils ont une signature reconnaissable immédiatement. Il utilise souvent les matières premières, qu’elles soient synthétiques ou naturelles dans de grandes quantités. L’écriture de ses créations est assez complexe et étonnante. Il ose beaucoup de chose et, force m’est de constater que bien souvent, il fait mouche. Parmi les doses d’essai que j’ai porté durant cet enfermement forcé, il y a plusieurs parfums de Maurice Roucel. Et si je vous emmenait en promenade dans le monde des créations de ce parfumeur ? J’ai retenu cinq parfums que j’aime bien et j’avais envie de vous faire partager mes impressions.
C’est au début de la renaissance de la marque britannique « Atkinsons », en 2015, que Maurice Roucel a créé « Amber Empire », un ambré atypique, ultra-moderne qui apporte un souffle nouveau à cette maison qui avait, il faut bien l’avouer, un côté « vieille Angleterre ». C’est un oriental construit autour du bois de santal et de ce qu’on appelle couramment le thé bleu, c’est à dire le oolong que je connais bien en tant que consommateur mais que je n’imaginais pas devenir une note aussi riche en parfumerie. Je l’essaye au moment où j’écris cet article et, vraiment, je suis très séduit. À l’odeur très végétale, un rien « milky » du thé, Maurice Roucel a ajouté la rondeur d’une vanille de Madagascar et des notes d’ambre profondes mais jamais convenues. Le fond d’encens et de bois de santal renforce le côté thé « milky » de la création et je dois dire que c’est un peu comme de la crème fouettée dont on ne sentirait que l’odeur et qui serait relevées de notes végétales et aromatiques. Dit comme ça, c’est sans doute un peu déroutant mais je vous assure que sur la peau c’est une merveille !
Le second parfum que j’ai choisi d’explorer est l’un des bests des éditions Frédéric Malle qui, après le succès de « Musc Ravageur », lui a demandé une seconde création qui a un nom évocateur puisqu’il s’appelle « Dans tes Bras ». Lancé en 2008, je le trouve indéfinissable et je serais bien incapable de vous donner les notes car elles sont difficilement identifiables. Pour moi, c’est un oriental également. Le départ est poudré et boisé à la fois. J’identifie du mimosa ou de la fleur d’héliotrope, je ne sais pas très bien et un bois très odorant comme le cèdre. Au coeur, il s’arrondit encore et je pense qu’il a pu utiliser du bois de cachemire ou du santal, voire même les deux. Je sens des notes baumées, peut-être du benjoin ou du baume du Pérou. Le fond est musqué et poudré également mais il me semble bien que c’est plutôt une note de violette qui prédomine. Je n’ai pas voulu faire de recherche car ce parfum est tellement atypique que je me suis fixé comme challenge de le décortiquer tout seul. Pour moi « Dans tes Bras » est une interprétation moderne de parfums floraux et orientaux des années 20 et c’est une belle réussite.
Difficile de parler de Maurice Roucel sans évoquer « Insolence » de Guerlain créé en 2008. Je vais vous mettre tout de suite à l’aise, il n’entre pas forcément dans mes goûts mais je comprends tout à fait pourquoi il rencontre un tel succès depuis plus une décennie. Les notes de fruits rouges et de fleur d’oranger du départ, bien qu’un peu sucrées à mon avis, sont très accrocheuses et le coeur poudré de l’association violette et iris sont, il me faut l’admettre, bien réussies. Le fond de bois de santal très rond a tendance à un peu me déranger. Si j’ai un peu de mal avec « Insolence » que je trouve un peu too much, j’adorais le flacon original que je trouvais vraiment très amusant et attirant. Pour les amateurs (je pense quand même plutôt aux filles voire aux jeunes filles), je dirai que « Insolence » a plusieurs qualités : tout d’abord, c’est une valeur sûre et il ne décevra pas par son évolution. En outre, son sillage et sa tenue sont vraiment au top… presque trop pour moi. Enfin, il faut quand même bien dire que « Insolence » fait partie des parfums connus de Maurice Roucel et il avait tout à fait sa place dans cet article.
Quelqu’un de mon entourage a longtemps porté le très classique « Bogart pour Homme » de Jacques Bogart que Maurice Roucel a créé en 2004 avec Norbert Bijaoui. C’est un aromatique fougère dans la plus pure tradition des parfums du rayon masculin dont nous parlions précédemment et c’est vrai que, dans le genre, il est plutôt réussi. Je trouve qu’il a un petit côté « retour aux années 80 » avec une pointe de modernité qui tient, je pense, à la présence de fleurs blanches au coeur qui m’a un peu dérouté. La tenue est excellente et, s’il a un côté un peu trop classique pour mon goût, je reconnais qu’il fait partie de ces parfums qu’on aime quand même retrouver tant ils sont faciles à sentir et à porter. Jacques Bogart est une marque qui est un peu tombée en désuétude mais je crois qu’elle renait de ses cendres car plusieurs créations ont été lancées ces dernières années et qu’on peut les trouver dans les parfumeries April qui sont présentes, en province, dans des villes
moyennes.
Il est toujours compliqué de faire un choix dans les créations d’un parfumeur aussi prolixe pour en extraire cinq. J’aurais pu revenir sur « Iris Silver Mist » qu’il a créé pour Serge Lutens et que j’aime beaucoup mais j’en ai déjà parlé alors je me suis tourné vers « Labdanum 18 » qu’il a créé pour Le Labo en 2006 et qui fut le premier parfum de cette marque que j’ai essayé il y a quelques années. Alors, il ne faut pas trop se fier à son nom, car c’est un parfum plutôt « cuir et bois » que vraiment très labdanum. Je le trouve même presque musqué et animal. Je dois dire que les notes de ciste et de vanille en tête m’avaient un peu rebuté mais l’évolution boisée, avec des notes d’épices et de patchouli m’ont davantage séduit. Le fond de bouleau et de fève tonka a un petit côté cuir de Russie à l’ancienne qui est vraiment agréable. J’aime bien la construction de ce parfum mais il faut absolument l’essayer et le laisser vivre autour de nous et non pas le sentir sur une touche sous peine de passer complètement à côté.
J’ai fait le tour de quelques créations que je trouve incontournables qu’a composé Maurice Roucel mais il y en a plein d’autres. Hormis « Beautiful Day » que j’aime beaucoup, c’est une vision de la parfumerie qui me déroute souvent, voire même peut me déranger mais je reconnais que ce travail est vraiment très intéressant et que Maurice Roucel a une vraie signature et, s’il ne fait pas toujours dans la dentelle, il est vraiment efficace. Je vous engage à aller faire un petit tour sur internet pour voir sa « parfumographie » et je suis sûr que vous vous rendrez compte que vous avez porté au moins une fragrance qu’il a composé.