Passion Parfums

J’ai vraiment été très impressionné par la créativité et la qualité des parfums du parfumeur Giuseppe Imprezzabile pour sa marque Meo Fusciuni. Je vous avais déjà livré mes premières impression quant aux premières compositions que j’avais pu découvrir de cet univers que je trouve très à contre-courant de ce que je connais de la parfumerie italienne. J’ai aujourd’hui une impression plus globale des composition qui composent les collection de la marque et j’ai eu envie de vous emmener en promenade dans cet univers très inventif et parfois, il faut bien le dire, vraiment clivant. Bien sûr, les quatre parfums « suivants » si je puis dire après la publication de ma première approche, sont ceux qui ont le plus su me surprendre ou me toucher. Je terminerai, bien évidemment par la nouveauté 2023 que j’ai jugé intéressante de poser sur ma peau pour mieux vous décrire mon ressenti. Meo Fusciuni est vaiment une marque très confidentielle en France puisque n’existent, à ma connaissance, que de points de vente, Le Nez Insurgé à Bordeaux et désormais Le Paravent à Lyon. En tout cas, j’ai un vrai goût pour la signature de ce parfumeur, un peu alchimiste, qui a su me surprendre, voire même me dérouter.

Comme dans mon premier article, je commencerai par l’une des créations de la collection Nota di Viaggio. J’avais évoqué « 3# (Ciavuru d’Amuri) » car il était le premier que j’avais découvert et il correspondait bien à mes goûts. J’aurais pu continuer sur ma lancée et vous parler de « 1# (Rite de Passage) » car, une fois encore, il se situe bien dans les notes que j’aime mais c’était un peu convenu car il n’est pas celui qui m’a le plus surpris alors que les deux autres sont surtout une bonne introduction à l’univers très « huiles essentielles » de la marque. J’ai donc préféré vous emmener au coeur de « 2# (Shukran) créé en 2011 qui est, pour moi, le plus surprenant de cette trilogie puisqu’il s’agit d’un travail au coeur de la menthe. La marque en décrit l’inspiration ainsi : « Chaque geste devient un sourire, chaque instant de ce parfum raconte une rencontre ; le cœur continue son voyage, entre les notes aromatiques de la Camomille marocaine et de la Citronnelle, qui ramène les notes plus méditerranéennes de la Verveine. Le bonheur est aussi addictif que la musique Gnaoua qui vient de la côte d'Essaouira, son sillage mentholé d'Eucalyptus se faufilant dans les ruelles de la médina. Le rouge du coucher de soleil au cœur de la place de Marrakech est aussi chaud que le tabac doux et terreux qui enveloppe nos sens, aussi rouge que la chaude odeur de Santal sur laquelle repose la base du parfum. Nous sommes immédiatement transportés vers une soirée de détente immergée dans la culture marocaine, assis devant un narguilé et un thé à la menthe, après une journée dans les rues du souk ». Je dois dire qu’il m’a non seulement impressionné mais aussi surpris car je trouve les matières premières utilisées travaillées de manière franche et sans détour. Le parfum s’ouvre sur une envolée de menthe très puissante à laquelle vient s’associer un coeur de citronnelle et de camomille puis un fond de tabac anglais. Je dois dire que l’impression est saisissante. La menthe envahit, se facette, devient plurielle en se chargeant de notes presque verveine et franchement tabac. Je trouve que cette première note, loin de s’atténuer, se renforce d’une manière naturaliste. J’ai beaucoup aimé ce parfum mais je ne suis pas certain de pouvoir le porter. En tout cas, pour moi, c’est une parfaite réussite.

 

 

 

Dans le premier article, j’avais évoqué « Notturno » créé en 2012 et qui faisait partie de la collection Cycle of Poetry. Il était tout naturel que je me penche vers « Luce », son pendant plus lumineux lancé en 2013. « Luce s'inspire de l'harmonie parfaite de l'architecture de Louis Kahn, des œuvres en équilibre, un point de rencontre entre le silence et la lumière. J'ai voulu utiliser ma sensibilité créative pour donner une voix à la nature et à ses éléments, comme s'il s'agissait de corps architecturaux sur fond de nature. Luce naît de mon désir d'immobilité, de ma volonté de créer un équilibre entre la nature et l'homme, entre la lumière et le silence. Une architecture olfactive de l'âme. La traduction sensorielle de ce parfum s'ouvre sur l'harmonie des notes de bouleau et d'épicéa, comme un chant végétal à l'aube, un lent éveil, une présence silencieuse de l'homme. L'équilibre absolu entre Lumière et Silence se manifeste pleinement en son cœur. L'intensité et l'harmonie du Santal, du Patchouli et du Tabac réchauffent l'âme. La quiétude trouve son accomplissement dans les profondeurs de cette création, un lit précieux d'Ambre et de Muscs, enveloppant les notes chaudes du Cèdre. La vanille, le benjoin et un cuir superficiel célèbrent ce voyage dans un jardin intérieur imaginaire. Un parfum qui enveloppe, protège, répandant sa Lumière au loin ». C’est une concentration extrait de parfum et, le moins que l’on puisse dire est que le parfumeur a complètement bouleversé la pyramide olfactive puisqu’il a utilisé des matières premières qui sont, généralement plutôt des notes de fond et que l’on retrouve tout au long de l’évolution de ce parfum rond, enveloppant, un peu éloigné de mes goûts habituels mais qui, pourtant, me plait énormément. Après une curieuse envolée très cuirée de bois de bouleau et de cèdre, Giuseppe Imprezzabile nous entraîne sur un coeur de patchouli, de tabac et de bois de santal puis sur un fond de vanille et de benjoin avec toujours ce côté cuir, un peu animal. « Luce » n’est pas, comme son nom pourrait le laisser supposer, un parfum « de lumière ». Je le trouve très sombre même s’il peut revêtir des moments très chauds en toute fin d’évolution. Il n’est clairement pas pour moi mais je le trouve fascinant à sentir, à découvrir. Il ne sera pas le parfum le plus facile à aborder de cette maison mais il mérite qu’on s’y arrête.

 

Pour mon troisième choix, j’ai hésité beaucoup entre « Varanasi » lancé en 2020 qui est un travail autour du oud et de l’encens que, curieusement, je pourrais porter et « Little Song » créé en 2018 que j’ai finalement décidé de retenir car je le trouve totalement dingue. « Little song raconte la métamorphose du temps, qui passe inexorablement, à travers nos vies. Un parfum qui raconte ma solitude et mon sentiment intime du temps qui passe et qui change les choses. Une petite chanson qui parle du passé. Comment raconter l'histoire du temps qui passe ? Comment trouver le parfum de la métamorphose ? Dans la vibration initiale de ses notes hespéridées et épicées, j'entends l'espoir. Little song est une petite chanson répétée à l'infini, c'est une tasse de café, laissée seule sur la table de mon atelier, l'odeur de son marc, intense, aromatique, de là, j'ai commencé à me souvenir. La petite chanson, c'est un bouquet de roses tenu dans ma main. J'ai cherché la profondeur de la rose, j'ai cherché la poésie de ses pétales, le séchage lent, la sensation profonde, poussiéreuse. Little song est un rituel quotidien, la cigarette désormais consumée entre les doigts, le tabac âcre porte le regard au loin, les pages de Kafka répétées de mémoire. Un parfum de terre et de fumée, de racines et de résines. Finalement, même le temps a son odeur. Je continue à écrire cette petite chanson sans fin, comme un chant funèbre. La petite chanson est un espace étroit, c'est un lien profond avec la vie, avec le passé. Un parfum qui secoue le cœur, qui atteint les profondeurs de l'âme humaine ». Le moins que je puisse dire est que je l’ai trouvé parfaitement déroutant avec un départ de poivre rose, de gingembre et de bergamote, un coeur de café et de rose de Turquie avec des accents de liatris presque irisés et un fond de vétiver Bourbon, de tabac, de muscs et de labdanum auquel s’ajoute des notes très animal d’un accord civette et très aromatiques de sauge. Je ne pourrais absolument pas porter « Little Song » qui est plutôt, pour moi, un air de jazz écouté avec le café du matin qu’une petite chanson omniprésente (quoi que…) et qui m’a surpris de bout en bout de son développement. Je n’avais jamais senti une note de café sèche et presque poudrée travaillée de cette manière. « Little Song » est passionnant à découvrir mais il faut plus d’audace pour le porter. Sans doute, ne suis-je pas encore près.

 

Je ne pouvais pas finir cet article sans évoquer la nouveauté qui fait également partie de mes surprises dans la marque. « Sogni » m’a dérouté, entraîné et, là encore, je pas le porter, mais je l’ai trouvé fascinant. . Giuseppe Imprezzabile en décrit ainsi l’inspiration : « Avec Sogni, j'ai raconté mon amour pour le Japon, mes souvenirs du passé, ma passion pour la littérature de Kawabata, les films de Kurosawa et les bonsaïs. J'ai essayé de raconter une nouvelle histoire avec un parfum chaud et boisé, mon rêve japonais. Un jour, il y a longtemps, j'ai pensé ou rêvé de pouvoir créer un parfum boisé parfait, où les différents bois raconteraient l'histoire du temps, du passage de la vie elle-même, encore un défi, un parfum qui pourrait être unique, excitant et impliquant. Sogni est la réalisation de mon désir, une expérience immédiate, incroyablement proche de la réalité et de la nature des choses. Les premières notes de Sogni sont celles d'un bois de Tatami et d'aiguilles de pin japonais, nous sommes dans un ancien ryokan à Kyoto, et la pluie a cessé de tomber. Un bol de riz chaud est posé à côté de nous pour nous rappeler la simplicité de la vie, sa pureté. Notre attention est portée au nez par la note verte, claire et transparente d'une forêt de bambous, la note fleurie de la pivoine est un haïku émotionnel. Un instant qui prélude au réveil de l'âme du rêve. Enfin, les lumières de cette aube enveloppent les notes boisées du Santal, du Cèdre et de l'accord typique du rituel Kodo, l'encens. Un voyage dans la beauté de l'harmonie japonaise. Ce parfum est dédié à mon grand ami, Makoto Horisaki’’ »… La marque ne communique pas réellement sur une pyramide mais livre plutôt des notes « d’un bloc » : Tatami, aiguilles de pin, absolu de riz, pivoine, bambou, bois de cèdre, de santal, de chêne, de gaïac thé vert grillé, tabac, vétiver, encens et muscs. C’est un mélange détonnant qui nous emmène au coeur des civilisation extrême-orientales. « Sogni », « le rêve » a une dimension à la fois spirituelle et ancrée dans les traditions japonaises. Ceci dit, je ne suis pas certain que le public de l’Empire du Soleil Levant soit très attiré par ce parfum à la fois sombre et lumineux mais d’une rare intensité. Je l’ai essayé longuement sur ma peau avant d’en parler et je le trouve tout à fait étonnant. En tout cas, s’il en est quelques uns à découvrir dans la marque, cette nouveauté en fait partie car elle est vraiment des plus surprenantes.

 

 

Il y a d’autres pépites dans la marque mais je dirais que, à ce jour, mon réel coup de coeur va à « Odor 93 » que j’avais évoqué dans mon précédent article et dans lequel la tubéreuse se mêle à une huille essentielle d’ylang-ylang formidable. Je l’ai trouvé très séducteur et je pense que je pourrais tout à fait me l’approprier. J’ai aussi aimé les « Note di Viaggio » qui sont, pour moi, trois créations constituant une très belle entrée en matière dans l’univers de la marque. Meo Fusciuni est un univers olfactif qui m’a impressionné aussi voulais-je absolument y revenir en détails. Si vous croisez la route de cette marque, il faut absolument la découvrir. Elle vous surprendra, voire vous fascinera.