Mes parfums préférés dans les collections privées françaises
L’émergence, depuis une quinzaine d’années, de nombreuses marques de parfumerie de niche, certaines indépendantes, d’autres, les plus anciennes, rachetées par des groupes tels LVMH, Estée Lauder ou encore Loréal, constitue une concurrence sérieuse pour les nombreuses marques de luxe qui, depuis des décennies, régnaient sur la parfumerie. Tout d’abord marginales à l’époque de la création de Diptyque, l’Artisan Parfumeur ou Annick Goutal, elles deviennent une alternative pour les amateurs de parfums mais pas seulement. En effet, si la croissance des marques de designers stagne, voire même régresse depuis plusieurs années, il faut aussi penser que le commun des consommateurs peut aussi avoir envie de se parfumer autrement. Les Exclusifs pour Chanel ou encore la Collection Privée pour Christian Dior et bien d’autres constituent la réponse des marques de luxe avec le lancement de parfums parfois très convenus, parfois un peu différents qui pourraient conquérir la clientèle de la parfumerie d’auteurs. Personnellement (à part peut-être quelques exclusifs de Chanel ou encore certaines Hermessences d’Hermès), je trouve que les jus sont bien sages et ils ne me correspondent que très rarement et ne me font pas forcément envie. Ceci dit, je ne m’y suis peut-être pas assez penché. J’ai quand même décidé de sélectionner un jus par collection et de venir vous en parler.
C’est en 2006 que Jacques Polge décide d’exhumer des parfums oubliés de la maison Chanel pour éditer, tout d’abord en eau de toilette et en extraits, certaines créations imaginées près d’un siècle auparavant par le parfumeur Ernest Beaux. Ainsi, verrons-nous revenir sur le marché des créations comme « Cuir de Russie », « Gardénia » ou encore « Bois des Îles » et le « N°22 » dans une collection luxueuse à laquelle s’ajoutera des créations modernes comme « Boy » créé par Olivier Polge et bientôt « Le Lion ». J’avoue que l’idée était séduisante et que j’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir ces exclusifs. D’emblée, j’ai été déçu par les versions eau de toilette, non pas en terme de création mais plutôt de sillage et de tenue. Leur passage, il y a quelques années en eau de parfum, me laissaient espérer une amélioration mais elle ne fut pas notable sauf pour un jus ou deux tels « Coromandel » que j’ai découvert récemment grâce à Clotilde et Manon des chaîne YouTube Iris-Factice et Ma Note de Coeur et que j’ai beaucoup aimé. Quand j’ai voulu sélectionner un seul parfum de la collection, je vous avoue que mon coeur a balancé entre celui-ci, « Gardénia » et « Cuir de Russie » mais c’est ce dernier qui a gagné d’une courte tête. C’est en 1924 qu’Ernest Beaux donna son interprétation de cet accord bois de bouleau et mousse de chêne qui avait déjà été utilisé par L.T. Piver et qui allait intéresser les maisons Creed et Guerlain entre-autres. Pour celui de Chanel, le départ est très agrumes et dominé par une bergamote plutôt douce et ronde. Le coeur, poudré par l’iris, fleuri par l’ylang ylang et relevé par l’oeillet s’organise autour de notes profondes de cèdre et de vétiver. Le fond est un cuir de Russie renforcé par des notes de muscs blancs, de vanille et de tabac et poudré par un bouquet de fleurs d’héliotrope. Je dois dire que la délicatesse et l’élégance de la création, même si le parfum a sans doute été un peu reformulé, me plait immédiatement. Je tourne autour depuis des années et je pense qu’un jour, même si je suis un peu frustré par le manque de tenue, j’y viendrai.
J’avoue que je n’en peux plus des perpétuelles sorties de la collection privée de Christian Dior qui comporte maintenant plus de trente créations. Ceci dit, je suis impressionné par le succès qu’elle remporte et j’avoue que ça m’intrigue suffisamment pour que j’aille sentir, un jour prochain, la totalité des jus. Le ras-de-marée « Bois d’Argent », la popularité grandissante de « Gris Montaigne » et le fait que les rappeurs se les soient appropriés m’étonne et je trouve que la dimension que cet engouement a pris va bien au-delà de la notion de se parfumer mais cela est un autre sujet. Il y a quelques semaines, je suis allé découvrir un peu plus « Bois d’Argent » afin d’essayer de comprendre pourquoi des publics aussi différents avaient eu envie de le porter, voire même de se l’approprier. Certes, c’est un joli parfum, bien réalisé et je reconnais le talent d’Annick Menardo dans cette création mais j’avoue que je n’ai pas été séduit plus que ça et que je ne me verrai pas le porter spécialement. Je lui préfèrerai peut-être « Grand Bal » ou « Thé Cachemire » qui sont plus en accord avec mes goûts pour les floraux. Ceci dit, lorsque je dis que je ne suis pas plus attiré que cela par les parfums de cette collection, je ne suis pas tout à fait honnête. Il y a quelques années, j’avais eu un gros coup de coeur pour « Cuir Cannage » créé en 2014 par François Demachy et qui est (oh surprise !) l’interprétation du parfumeur d’un cuir de Russie un peu à l’ancienne. Les notes de tête sont la fleur d’oranger, l’ylang ylang et la bergamote et on y retrouve un coeur de jasmin, de rose et d’iris. Au fond, le bouleau et la mousse de chêne lui donnent un côté un peu sombre accentué par le tabac et le genévrier et poudré par la violette. « Cuir Cannage » est élégant, un peu suranné et il est assez génial porté même si, une fois encore, sa tenue est assez limitée. Il m’aurait plu assez pour que je le porte mais, il n’a pas du remporter le succès escompté car il n’existe désormais plus que dans un conditionnement un peu trop important pour moi à moins qu’il ne soit sorti, comme les autres en 40 ml récemment ce que je ne sais pas.
La collection privée de la maison Yves Saint-Laurent est un peu difficile à suivre. Je me souviens de la sortie, il y a quelques années, de quatre ou cinq parfums plutôt assez réussis qui ont disparu des cadres pour laisser place à celle qui est vendue actuellement sur les stands des grands magasins. Ce sont, il me semble, trois sous-collection regroupées sous un nom générique : Le Vestiaire. J’ai pris le temps, il y a quelques mois, lorsqu’ils sont arrivés chez nous, de découvrir tous les parfums même si je trouve que leur prix est largement prohibitif. Ceci dit, si je reconnais que certaines créations sont bien réussies, je n’ai pas nécessairement été séduit plus que ça par la plupart des jus. Le seul qui m’a fait de l’oeil est le dernier, « Grain de Poudre » créé en 2019 par Quentin Bisch et qui est, comme son nom l’indique, un poudré très élégant qui tourne autour de la feuille de violette et des muscs blancs et est relevé par des notes de poivre et de coriandre. Je l’ai essayé plusieurs fois à sa sortie et je l’ai bien aimé. Il est mon préféré même si je ne suis pas certain que je le porterais. Je trouve son prix au-dessus de ma limite pour ce genre de parfum. Ceci dit, il me faut l’admettre, c’est un beau parfum, un peu à contre-courant de ce qui ce fait actuellement dans les marques du circuit sélectif et y compris dans les collections privées. J’aime bien la dualité entre les notes presque nubuck et la délicatesse de la feuille de violette. Il me rappelle un peu, dans son esprit, le regretté « Arsène Lupin Dandy » de Guerlain et « Grey Flannel » de Geoffrey Beene en plus moderne. L’idée et la réalisation me plaisent mais pas tout à fait assez pour l’adopter.
Chez Guerlain, les collections privées sont au nombre de quatre. Si je ferai l’impasse sur Les Parisiens, Les Parisiennes et les Absolu d’Orient (même si j’aime bien « Cuir Intense ») pour aller me balader dans L’Art et la Matière. Si je trouve le prix un peu délirant par rapport à la créativité des jus et si je ne suis, globalement pas séduit par des parfums dont le nom me laissaient espérer beaucoup comme « Cruel Gardénia » ou encore « Embruns d’Ylang » et « Cuir Beluga ». Globalement, je trouve que le côté très sucrés de la totalité des création m’a dérangé. Curieusement, et j’en ai parlé récemment, c’est « Angélique Noire » qui a retenu mon attention. Jusqu’à il y a quelques mois, la matière phare de ce parfum me rebutait un peu mais j’apprends, petit à petit, à l’apprivoiser et il est vrai que cette création de Daniela Roche Andrier sortie en 2005 m’a intrigué et m’a plu. C’est une overdose d’angélique à tous les étages de la pyramide olfactive. Certes, le coeur de jasmin et la note de carvi associés à un fond de vanille et de cèdre est un peu sucré mais, pour une fois, ça ne m’a pas trop dérangé. Je pense que les notes suaves de poire en tête sont également contrebalancée par le poivre rose délicat. « Angélique Noire » est certes un parfum gourmand mais il n’est pas écoeurant. Je le trouve bien réalisé. Ceci dit, je ne craquerai pas pour ce jus car son prix est trop élevé pour moi et je n’en n’ai pas suffisamment envie pour fournir le pas.
Pour finir ce tour d’horizon, il me faut parler des Hermessences initiées en 2004 par Jean-Claude Ellena. Il me semblait évident que la maison Hermès allait lancer sa collection privée et elle l’a fait tout à fait au début de la vague en étant, il faut bien le dire, précurseur. Je pense que Jean-Claude Ellena lui a vraiment imprimé son identité « aquarelle » en inventant des formules courtes, épurées sans jamais être minimalistes, pour faire appel à des émotions, à des envies de voyages et à une vraie mise en valeur de belles matières. Pour moi, les Hermessences sont, dans les marques traditionnelles, les créations qui se rapprochent le plus de ce que propose la parfumerie d’auteurs. Elles ne ressemblent à rien d’autre. Je ne suis pas certain d’être forcément séduit au point d’aller au-delà de la limite de prix que je me suis fixé en tant normal pour en acquérir une mais il est vrai que le coffret des petits conditionnements où l’on peut en avoir plusieurs différentes pour un prix certes élevé mais plus abordable m’a interpellé. Il y a plusieurs jus créés par Jean-Claude Ellena puis par Christine Nagel qui me plaisent mais c’est « Paprika Brasil », lancé en 2006 qui m’a fait le plus envie quand je l’ai découvert. C’est un boisé épicé, un duel entre une facette très douce, poudrée et ronde et une autre verte et piquante. Les notes de tête sont le paprika que je n’avais jamais vu utiliser en parfumerie et le clou de girofle, le coeur est un iris poudré et le fond oscille entre les notes vertes du réséda et d’un bois précieux, le Massaranduba du Brésil. Le tout est soutenu par d’autres bois assez rare tels l’ébène. J’ai adoré ce parfum et j’ai demandé à l’essayer. Sa tenue est limitée pas son sillage n’est pas si mal. Je dois dire que, si j’aime plusieurs Hermessences, celle-ci est quand même celle que je préfère.
Voilà, je me suis concentré sur les marques de luxe françaises et j’ai essayé d’exprimer mes préférences. Les italiens ne sont pas en reste. Prada, Armani ou encore Bottega Venetta ont aussi lancé des collections privées, souvent en collaboration avec des parfumeurs français d’ailleurs, mais je ne les connais pas assez encore. J’espère découvrir certains parfums dont la pyramide olfactive m’intrigue voire m’attire lors d’un prochain séjour à Paris et je reviendrai vous en parler si des coups de coeur émergent dans mes pérégrinations parfumées. Pour ce qui est des marques de luxe françaises et à leurs collections exclusives, je dirai que je ne suis pas tout à fait assez convaincu pour franchir le pas mais l’avenir me fera peut-être changer d’avis.
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