Passion Parfums

Francis Miller et Patrick Bertaux

« Des parfums pour le corps et l'âme, dédicacés à ceux et celles qui choisissent l'équilibre de l'être et du paraître » tel est la devise de Miller et Bertaux, une maison française née en 1985 de deux sensibilités et d’une vraie démarche artisanale. Je connais cette maison depuis que je m’intéresse à la parfumerie de niche mais, comme je n’ai jamais porté réellement les créations qu’elle recèle et comme elle a peu d’actualité, je l’avais un peu oubliée. C’est bien dommage. C’est chez Nose, lors d’un récent séjour à Paris, que j’ai redécouvert certaines compositions et que j’ai levé le voile sur une que je ne connaissais absolument pas. L’univers est très boisé et il n’est donc pas forcément pour moi mais je dois dire que les parfums sont beaux, bien réussis, que la démarche est éthique et que la marque peut plaire. Il me fallait donc explorer un peu et en parler. Je vous emmène donc dans l’univers très particulier de Miller et Bertaux. C’est une maison pionnière de la parfumerie d’auteurs et elle existe toujours malgré la grande discrétion de sa diffusion.

« L'arrière pays américain, une maison de bois se dresse face à l'océan. La nature sauvage et immense se couvre d'un voile brumeux. La chaleur d'un feu de cheminée à l'intérieur. Les grands arbres et les buissons se chargent de l'odeur de fumée d'un camp indien au loin. Le sillage des orangs amères se propage entre les herbes hautes », tel est « Oh, ooOoh… oh » lancé en 2012. Il s’agit de l’une des créations que je préférais lorsque j’ai découvert la marque il y a une dizaine d’années et cela se confirme. Il s’agit d’un boisé très fumé avec un départ d’orange amère, de baies de genièvre et d’armoise, un coeur composé d’un accord cendres, herbe ainsi que de sequoia et de ciste labdanum. Le fond est cuiré, fumé, mousseux et musqué avec un côté encens. Très franchement, je trouve ce parfum extravagant mais j’aime l’avoir sous le nez. Je l’ai redécouvert récemment et il m’a semblé très bien construit. Je ne pourrais absolument pas le porter mais il est vraiment très intéressant. Je pense qu’il ne ressemble à aucun autre parfum fumé. C’est une bizarrerie délicieuse. Il m’évoque effectivement le feu de bois mais aussi les très grands espaces. Je le trouve toujours fascinant.

 

 

 

Créé en 2006, « Close Your Eyes, And.. » est un parfum vraiment très étonnant entre gourmandise et notes florales et baumées. Le très beau départ de citron d’Italie, de mandarine et de poire le rend rond d’emblée et le coeur d’amande et d’héliotrope, épicé de cannelle, rendu légèrement animal par le jasmin et poudré par la rose de Turquie s’avère assez inédit. Le fond, presque gourmand de bois e gaïac lui donne un côté à la fois peau chauffée au soleil et pâtisserie orientale. C’est un parfum très atypique. « « Close your eyes, and… » est un hommage moderne aux grands parfums d’autrefois. Il est une véritable folie olfactive de plus de quarante ingrédients . Il se pose sur la peau comme un baume, comme un voile. Le bois s’y affirme comme la signature olfactive de Miller et Bertaux ». Je le trouve absolument inclassable. Il s’agit sans doute du parfum le plus facile et pourtant le plus original de la marque. Je l’aime bien. Il me plait mais je ne sais pas si je pourrais le porter. Il faudrait que je l’essaye sur la peau. Il a existé en extrait. Je me demande ce que cela pouvait donner.

 

 

 

Le bois de santal travaillé de manière épicée me plait toujours beaucoup. Cela lui évite le côté lacté. « Les expériences sensorielles de leurs voyages en Inde sont la source de ces dernières créations. Safran, curcuma complètent cette évocation basée sur le Santal des Indes et le cèdre du Tibet. Le bois, encore deux fois le bois ! ». Shanti signifie la paix, le salut… « Shanti Shanti » est un boisé floral très bien réalisé. Il s’ouvre avec des notes de poivre rose puis, le coeur de cardamome, de patchouli, d’iris et de rose vient adoucir la fragrance qui s’arrondit sur la peau. Ce parfum, sorti en 2008, j’ai tourné autour à une époque et il est celui que j’ai le plus porté car j’ai accumulé les échantillons. Je ne saurais pas dire pourquoi je ne l’ai pas pris mais je l’ai redécouvert cet été chez Nose à Paris et il m’a beaucoup plu à nouveau. Je le trouve pour le moins exotique. Je trouve qu’il a quelque chose de pétillant et d’addictif dès la vaporisation puis, lorsqu’il s’enrichit de son coeur et de ses notes de fond, il devient plus rond et boisé. C’est, à mon sens, l’une des plus belles réussite de la collection.

 

 

L’an dernier, en 2023, après un long silence, la marque a fait appel au parfumeur Lucien Ferrero por sortir une nouveauté et c’est ainsi qu’est apparu « Like An Egyptian ». J’étais passé à côté mais je l’ai découvert récemment et il m’a donné l’envie d’écrire cet article. « Like An Egyptian, la 17ème Eau de Parfum de Miller et Bertaux, nous transporte à travers le temps et l'espace, évoquant instantanément les origines de la parfumerie à l'époque des pharaons. Réinventant avec audace les parfums anciens, cette création signée Lucien Ferrero est un hommage mystique, inspirée de la recette du Kyphi inscrite sur un lambeau de Papyrus. Cette fragrance boisée et épicée agit comme un pont entre le monde terrestre et divin, symbolisant la force, la puissance, la sensualité et le mysticisme où se marient des notes ambrées, santalées et poivrées ». Très franchement, je ne l’ai pas mis sur la peau mais je le regrette car, sur touche, ce parfum m’a beaucoup plus. Le départ est très épicé et très charnel avec des notes de cumin et de poivres noir et rouge. Le coeur, construit autour des notes ambrées, d’un oud d’Assam et d’une rose très veloutée m’est apparu comme vraiment très réussi mais c’est surtout le fond de ciste, de bois de santal et de vétiver qui vient complexifier la fragrance. Certes ce boisé-là est un peu éloigné de l’esprit d’origine de la marque mais il est super bien réussi et m’a donné envie de remettre mon nez dans les créations des fondateurs. Il fera peut-être renaitre cette maison un peu endormie.

 

 

 

Je n’avais jamais parlé de Miller et Bertaux et cela m’étonne moi-même car c’est l’une des premières marques de niche que j’ai pu découvrir avec Parfum d’Empire. Elle a été sans doute revendue depuis mais je ne connais pas les tenants et les aboutissants. Elle semble se réveiller d’un sommeil un peu imposé et je trouve que c’est plutôt une bonne nouvelle pour les amateurs de parfums boisés. Elle est à découvrir ou à redécouvrir.