Passion Parfums

« L’hédione est qu'une molécule qui a été découverte dans les années 60 par la société Firmenich. Ces derniers l'ont alors fait breveter en 1962. Il s'agit en réalité d'un produit basé sur la découverte d'un élément présent dans l'absolu de jasmin : le dihydrojasmonate de méthyle. Derrière ce nom barbare se cache en réalité l'idée de capturer la fraîcheur intense de cette fleur blanche. De même, notons que l’hédione est également présente de manière naturelle dans le thé. Au départ abstraite, l’hédione a été hissée au rang de star planétaire par son utilisation dans le parfum l’Eau Sauvage de Dior, en 1966. Les parfumeurs considèrent qu'il s'agit de l'un des produits ayant révolutionné leur palette olfactive. À ce titre, l’hédione est désormais l'un des ingrédients les plus utilisés en parfumerie et s'emploie tout autant dans les jus féminins que masculins » (Source Olfastory). Pour ma part, je perçoit l’hédione comme un renfort de notes de fleurs baignées de rosées sans que je puisse vraiment les identifier. Je dois dire que, quelque soit la composition dans laquelle elle est présente, elle rajoute quelque chose de frais et confère une partie de la tenue. Je comprends complètement l’engouement pour cette molécule qui vraiment reproduit les effluves naturelles avec beaucoup de réalisme. Comme d’habitude, j’ai choisi quatre parfums que je connais pour illustrer mon propos.

Le premier est bien évidemment « Petite Chérie » créé en 1998 par Annick Goutal pour les 20 ans de sa fille Camille qui est devenu un emblématique de la parfumerie d’auteurs et ce n’est que justice. « Parfum précurseur, Petite Chérie a été l’un des premiers à mettre en scène des notes de fruits. En osant le mariage inattendu de la poire et de la rose musquée, Annick Goutal, créatrice d’avant-garde, ouvre alors la voie à une parfumerie fruitée qui deviendra une tendance incontournable des décennies suivantes ». Complexe, « Petite Chérie » s’ouvre avec des notes de poire et de pêche associées à un accord d’herbes coupées. Au coeur, la rose et le lilas sont rafraichis par l’hédione qui donne au parfum un côté explosif et fruité puis le fond musqué et légèrement vanillé lui confère quelque chose d’un cocon réconfortant. Pour moi, « Petite Chérie » est quand même un concentré de féminité et, si je n’aime pas genrer les parfums, j’aurai du mal à le porter même si je l’aime tout particulièrement (il faudrait quand même que je l’essaye) et que la note verte et florale qui perdure très longtemps dans le temps apportée par l’hédione est m’est très addictive. J’en ai déjà profité car j’avais eu un pain de savon d’une qualité exceptionnelle que j’ai beaucoup utilisé. Pour moi, « Petite Chérie » reste l’un des parfums floral et fruité les plus réussis du marché car il ne tombe jamais dans le gourmand entêtant et désagréablement « sucraille » qui semble être dans l’air du temps aujourd’hui.

Créé par Albert Morillas et lancé par l’Artisan Parfumeur en 3019, « Le Chant de Camargue » fait aussi la part belle à l’hédione. « Cajolée entre les bras du Rhône et la mer Méditerranée, la Camargue affirme un caractère rustique en cultivant ses odeurs, celles des rizières infinies, des marais aux eaux bronze et des salines à fleur de nuages ; celles aussi des chevaux sauvages et de bétail. Cette terre de sel et d’élevage, balayée par le Mistral et parée de légendes gitanes, respire la nature à plein nez ; le maître-parfumeur Alberto Morillas n’a eu qu’à y piocher, ici des effluves lactés de riz, là un souffle frais et iodé de bergamote, pour dessiner petit à petit son tableau, sorte d’utopie olfactive où la nature aurait rempli tout l’espace, au-delà de l’homme et du temps ». Après une envolée de bergamote, le coeur de riz s’enrichit de l’hédione pour le côté vert et floral et de la pardisone dont l’odeur ressemble à celle du jasmin pour se poser sur un bois de santal lacté et crémeux. Je dois dire que je suis dérouté par « Un Chant de Camargue ». Je trouve que l’association entre la note très reconnaissable du riz et des « fleurs artificielles » me trouble et, si j’aime beaucoup le porter, je ne sais pas si je suis vraiment capable d’assumer un parfum aussi étrange. Alberto Morillas nous entraîne dans une atmosphère faussement naturaliste et vraiment surprenante. Je pense qu’il faut vraiment l’essayer sur la peau car il peut avoir une longévité étonnante et, s’il dérange, il sera encore plus difficile à supporter. Personnellement, s’il me sort de ma zone de confort, je dois dire que j’aime bien ce parfum.

Lancé en 2017 et créé par Randa Hammami pour Anima Vinci, « Rose Prana » est vraiment très surprenant et je dois dire que je ne serai pas allé vers ce flacon si je m’en étais tenu à son nom. La marque est distribuée chez nous à Lyon et j’ai eu de nombreuses occasions de le sentir et même de l’essayer or j’ai réussi à bien l’apprivoiser. La parfumeuse le décrit ainsi : « L'intemporalité d'une ancienne roseraie de Grasse, mise en bouteille pour la garde. Des ingrédients classiques et modernes triés sur le volet comme la verveine et la mousse de chêne maintiennent l'équilibre parfait de Rose Prana, un parfum chypré idéal. Le doux parfum de la rose Centifolia calme et apaise, comme les berceuses de nos mères nous chantaient autrefois ». Avec une envolée de verveine, de poivre rose et de feuille de violette, le parfum nous surprend dès qu’il est sprayé. Le coeur de rose centifolia, frais et poudré est renforcé par l’hédione comme un bouquet floral et le fond de patchouli et de mousse de chêne s’enrichit de notes boisées, de vétiver et de muscs blancs. Tendre, réconfortant, très tenace mais doté d’un sillage discret, « Rose Prana » est un chypre classique mais pas seulement. En effet, le côté un peu floral vert de l’hédione en coeur lui donne une facette tout à fait surprenante et inédite. Ce n’est pas une rose de mai lisse ni pétillante. Elle est plutôt coocooning et réconfortante. J’aime beaucoup ce parfum et il aurait pu être un choix pour moi lorsque je cherchais un parfum qui mette en valeur la reine des fleurs.

Pour finir, j’ai eu envie de remettre mon nez dans « Savoy Steam » créé par Juliette Karagueuzoglou pour Penhaligon’s en 2017 et que j’avais particulièrement aimé à sa sortie. C’est une fougère florale si j’ose m’exprimer ainsi avec une envolée d’eucalyptus, de menthe et de bergamote, un coeur de rose épicé de cardamome avec le côté mentholé du géranium, profond du thé et floral de l’hédione et un fond de benjoin, de muscs blancs, de vanille et d’encens. La marque le décrit ainsi : « La vapeur monte dans le hammam, mêlée au parfum enivrant des roses fraîches de Tunisie. Le poivre rose, aussi vivifiant que le bassin profond lui-même, équilibré par le romarin et l'encens. Un délice turc en effet ». Pour moi, c’est un parfum duel et je trouve que l’hédione atténue le côté trop aromatique qui aurait pu me gêner pour faire perdurer la note de thé et de fleurs blanches qui entourent la rose. C’est un parfum à mi-chemin entre élégance à l’anglaise et opulence orientale. Je dois dire que « Savoy Steam » avait été un très gros coup de coeur à sa sortie mais que je n’ai jamais franchi le cap. Je ne saurais pas dire pourquoi car je l’aime toujours énormément. Je trouve, au passage, que la collaboration de Juliette Karagueuzoglou avec Penhaligon’s est particulièrement fructueuse et que chaque parfum qu’elle crée pour la marque est magnifique. Je sais, c’est un peu hors sujet mais il fallait que je le dise.

Et voilà, la florale hédione est un sujet qui m’a passionné et j’espère qu’il en sera de même pour vous. Je serais content d’avoir vos retours sur cette série des molécules de synthèse. Pour moi, c’est un travail en amont assez important car je vais faire des recherches et re-sentir des parfums pour pouvoir vous livrer mes impressions. Alors, quitte ou double ?