"Mûre et Musc" vs "Mûre et Musc Extrême"
C’est une création iconique de la parfumerie de niche et je dirais même que c’est l’un des fondements d’une offre alternative comme peut aussi l’être « L’Eau d’Hadrien » d’Annick Goutal par exemple. Créé par Jean Laporte en 1978, il m’étonne toujours quand je remets mon nez dedans par sa modernité. Je suis persuadé que s’il était lancé aujourd’hui, il remporterait le même succès. La version eau de toilette n’est pas une belle fragrance, c’est une grande fragrance teinté d’une intemporalité vraiment exceptionnelle et l’Extrême renforce encore cette idée même s’il est très différent. J’avais envie de revenir sur ces deux créations originales dont le succès ne se dément pas, bien au contraire. Je les ai réessayées pour pouvoir vous en parler le plus précisément possible. En tout cas, j’ai eu un plaisir vraiment très fort à les porter. Êtes-vous plutôt « Mûre et Musc » ou « Mûre et Musc Extrême » ? En ce qui me concerne, mon coeur balance et je vais essayer de débrouiller l’écheveau avec ce petit article que je voulais écrire depuis longtemps.
En 1978, Jean-François Laporte, qui a créé déjà quelques parfums pour des évènements, décide de s’affranchir des codes et des habitudes pour fonder sa marque qu’il baptise L’Artisan Parfumeur en lançant une eau de toilette dans laquelle il explore une toute nouvelle manière d’associer les matières premières. Ainsi est né « Mûre et Musc ». Il signe son parfum sous le nom de Jean Laporte en laissant tomber le « François » et une création artistique olfactive inédite voit le jour. Aurait-il pensé qu’en 2023, cette composition serait encore l’un des bests voire le best de la maison ? Je ne le sais pas mais je dois dire que je comprends ce succès qui ne s’est jamais démenti tant ce parfum est réussi et même si je ne l’ai jamais choisi. D’ailleurs doit-on choisir « Mûre et Musc » ? N’est-ce pas plutôt ses effluves qui s’emparent de nous et nous séduisent ? Pendant très longtemps, je n’ai pas envisagé de le porter car il était la signature d’un de mes amis alors que son épouse portait « L’Eau d’Ambre » et cette odeur était tellement associée à lui que je ne me voyais pas du tout me l’approprier mais, en le réessayant pour écrire cet article, je me dis que, finalement, je l’aime vraiment beaucoup. Mais revenons à ce qu’est « Mûre et Musc ». La marque le décrit en une phrase : « Un accord qui explore la fraîcheur gustative de la mûre, avec une facette musc blanc addictive » et insiste sur le côté épuré de la fragrance. À la vaporisation, les notes de têtes de basilic, de citron, de mandarine et d’orange sont un vent de fraîcheur tout à fait frappant et nous arrivons avec facilité sur un coeur de mûre très prégnant puis le parfum s’enrichit d’un fond de mousse de chêne enveloppée du côté propre des muscs blancs. Aujourd’hui, ce genre de notes en grande quantité est devenu un beau classique mais en 1978, c’était quand même vraiment novateur. Sur ma peau, « Mûre et Musc » est un parfum frais, fruité, presque naturaliste mais avec un côté vraiment musqué très prononcé qui m’enveloppe comme un cocon transparent. En effet, tout en légèreté, c’est une création qui demeure très facettée de part une importante dilution. Sa tenue est un peu modérée mais bonne excuse pour faire suivre son flacon et se re-parfumer. Je dois dire que je l’aime beaucoup et que je pourrais tout à fait me l’approprier. Il est comme un vieux pull en cachemire que l’on a toujours plaisir à retrouver pour se lover dedans. Encore une fois, je comprends parfaitement son succès et je me dis que sa modernité et la finesse de la composition y sont pour beaucoup même si son côté facile à porter est également un atout notable.
En 1993, la marque décide de lancer une déclinaison de son best-seller en confiant à Karine Dubreuil la tâche délicate de créer « Mûre et Musc Extrême » sans tomber dans l’écueil de rajouter des bois en grande quantité et de forcer les notes pour assurer un meilleur sillage et une meilleure tenue. « Un sillage encore plus ample que son aîné bien connu "Mûre et Musc". Extrêmement fruité tout de suite, très gourmand et puissant. Une autre façon d'aller jusqu'au bout de la passion mûre ! » tels sont les mots que j’ai pu lire pour décrire cette version. Quant à la marque, elle préfère l’idée que : « Avec le cassis, la saveur de la mûre prend de l'ampleur et s'épanouit dans un sillage charnel ». Le départ est assez similaire mais le coeur de mûre est renforcé cette fois par le bourgeon de cassis qui lui apporte une note moins douce, plus acidulée qui s’harmonise tout de même très bien avec la rondeur des fruits noirs. Le fond est encore plus musqué ce cela est possible et je trouve que « l’effet cocon » est encore plus prononcé. Sur ma peau, le sillage est effectivement beaucoup plus important et le parfum reste présent longtemps. Sa tenue est vraiment plus durable. J’ai essayé « Mûre et Musc Extrême » sur ma peau mais il me plait moins, en tout cas sur moi, car il est moins facettée, plus « d’un bloc ». Il n’en demeure pas moins que j’étais content de le sentir autour de moi. À mon sens, c’est une version également très réussie même si j’aimais beaucoup la déclinaison Cologne créée par Akiko Kamei en 2003 mais qui n’existe plus. Pour moi, « Mûre et Musc Extrême » est plutôt un parfum construit, moins « spontané » même s’il est vraiment beau. Cependant, je lui préfèrerais peut-être l’original que je trouve plus inédit mais les départager dans mon esprit n’est pas facile du tout. En tout cas, je suis satisfait que les deux versions existent et qu’elles aillent plus loin qu’une différence de concentration. Ce sont deux beaux parfums à redécouvrir absolument et à sentir, porter et re-sentir.
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