Mystérieuse angélique
* Article modifié
L’angélique est une plante herbacée bisannuelle, très aromatique, mesurant de un à deux mètres de haut, jusqu'à 2,5 m. Les feuilles sont poilues sur la face inférieure, à long pétiole, finement divisées, avec le segment terminal trilobé (si ce segment n'est pas lobé, il s'agit probablement d'Angelica sylvestris dont les feuilles sont par ailleurs glabres). L'inflorescence est une grande ombelle composée (ombelles d'ombellules) de fleurs verdâtres (si les fleurs sont blanches, il s'agit probablement d'Angelica sylvestris). Je me souviens de sa note si particulière dans « Drakkar Noir » de Guy Laroche que j’ai senti durant toute mon adolescence et je dois dire que, au premier abord, je n’aime pas tellement son odeur mais, comme la perception olfactive change, j’apprends à l’apprivoiser. Le parfum responsable de cela est « Angéliques sous la Pluie » créé par Jean-Claude Ellena pour les éditions de parfum Frédéric Malle dont j’ai déjà pas mal parlé et qui me plait beaucoup. J’aime aussi beaucoup le goût de l’angélique confite. C’est pour ces deux raisons que j’ai décidé, il y a quelques mois, de découvrir des parfums dans lesquels cette plante étonnante est bien présente.
« Je suis d’une humeur ravageuse, ma couleur et mon sillage enveloppant vous évoquent la nuit, après-minuit. On se doit de me porter une fois que le soleil se cache, pour que je puisse vous livrer mes charmes et secrets. Je suis une fragrance ensorcelante, presque magique. Ma fraîcheur lumineuse et dorée, sur un lit d’iris poudré et d’angélique suave, est réchauffée de cannelle. Je m’assagit et m’adoucis alors sur un fond musqué de baume benjoin de graine d’ambrette. Je suis sorcellerie et enchantement. Une fois la nuit tombée, et que le douzième coup de minuit a sonné, nul ne peut se détourner de mon sillage envoûtant et sensuel. Je suis After Midnight ». Tels sont les mots de la marque pour expliquer l’inspiration d’Émilie Coppermann lorsqu’elle a inventé ce parfum en 2011. Pour ma part, je suis très séduit par cette envolée de bergamote et de néroli qui enveloppent l’amertume croquante de la racine d’angélique, le coeur poudré d’iris et de lentisque épicé d’écorce de cannelle et fleuri par un jasmin délicat puis le fond de benjoin baumé, de labdanum cuiré, de graine d’ambrette et de muscs blancs. Il y a quelque chose de vraiment très addictif dans cette création particulièrement originale et douce amère avec une fraîcheur presque ronde. Quand je l’ai essayée sur la peau, je me suis vraiment fait plaisir et je me suis dit qu’il pourrait vraiment m’accompagner facilement. Il est suffisamment original pour me donner envie et pas si éloigné de ma zone de confort. Pour moi, « After Midnight » est une vraie réussite.

Chez Guerlain, dans la collection l’Art et la Matière, j’ai pu découvrir « Angélique Noire » créée par Daniela Roche Andrier en 2005. Sur son site, la marque présente ce parfum ainsi : « Sensuelle et contrastée, cette interprétation rend à l’angélique ses lettres de noblesse. Elle associe la facette verte croquante de l’angélique à la douceur enveloppante de la vanille. ». Je trouve cette variation autour de la note verte de l’angélique très intéressante. Elle est présente à la fois en tête, associée à des notes de poire et de poivre rose, un coeur de jasmin et de carvi et un fond de vanille et de cèdre. J’ai beaucoup de mal à classer « Angélique Noire » dans une famille olfactive tant ce parfum est singulier. Il m’évoque l’angélique confite de mon enfance avec cette vanille omniprésente. J’avoue qu’il est, de loin, mon préféré de la collection car je trouve les autres un peu ordinaires (surtout lorsque j’ai découvert leur prix) mais celui-ci est vraiment singulier et doté d’une belle personnalité. Pour écrire cet article, je suis allé au stand du printemps pour le redécouvrir et demander à la vendeuse de me le faire essayer car en ce moment tous les testeurs sons sous clef. En fait, j’ai bien aimé la dualité entre le côté oriental de la vanille et herbacé de l’angélique. C’est un beau parfum.
Si j’ai un faible pour « Angéliques sous la Pluie », j’aime beaucoup aussi « L’Eau d’Hiver », également créée par Jean-Claude Ellena pour les éditions de parfum Frédéric Malle en 2003. Je trouve que l’envolée de bergamote et de muscs blancs en tête trompe sur l’évolution du parfum. En effet, lorsque l’on rentre dans le coeur floral et poudré, avec un iris très délicat, un héliotrope qui renforce la note et un jasmin opulent et vert à la fois, le jus prend toute sa place. Le fond d’angélique confite avec des notes miellées, très finement travaillées, très délicates, donne à ce parfum à l’écriture épurée, une élégance très transparente mais également bien présente. Lorsque je l’ai essayé, il y a un an ou deux, j’y suis revenu plusieurs fois mais je n’ai pas, pour l’instant, franchi le pas. Je trouve « l’Eau d’Hiver » particulièrement réussie mais il faut dire qu’il y a beaucoup de belles créations éditées par Frédéric Malle. « L’Eau d’Hiver » en fait partie et je trouve que le côté léger, boisé frais, pour les saisons plus froides était une idée absolument géniale.
Créé en 2008 par Isabelle Doyen et Annick Goutal, « Musc Nomade » exploite le côté frais et poudré de l’angélique qui vient en renfort des muscs blancs dès l’ouverture. Elle est également associée à des notes d’ambre, d’amande douce et de fève tonka. Je n’ai pas senti ce parfum depuis très longtemps mais j’ai la chance d’avoir une excellente mémoire et je me souviens parfaitement du fond de ciste, de papyrus, de bois précieux et d’ambrette qui venait arrondir la création. J’ai très envie d’y revenir d’ailleurs. C’est une interprétation à la fois tendre et poudrée du musc et de l’angélique. Je trouve qu’on y retrouve bien la patte d’Isabelle Doyen et sa capacité à aller chercher des senteurs différentes et originales pour les associer. « Musc Nomade » n’est vraisemblablement pas le parfum de Goutal Paris le plus connu mais il mérite d’être redécouvert. Dans ce parfum, l’angélique n’est pas du tout « botanique », elle est vraiment très musquée et fraîche. Je trouve que c’est une interprétation tout à fait étonnante.
Dans « Fou d’Absinthe » créé en 2006 pour l’Artisan Parfumeur, dont j’ai aussi la chance d’avoir une dose d’essai à disposition, Olivia Giacobetti exploite le côté végétal de l’angélique en l’associant, en tête avec le bourgeon de cassis et l’absinthe avant de la conjuguer, au coeur avec ds notes de patchouli, de gingembre, de poivre noir, de noix de muscade, de badiane et de clou de girofle. Ce coeur épicé renforce le côté très ambigu de l’angélique et de l’absinthe tout en leur donnant des accents anisés et envoûtant. Le fond est, une fois de plus très végétal avec des notes de myrrhe, d’encens mais aussi d’aiguilles de pin et de sapin baumier. Je l’ai déjà dit je crois mais, à une époque, je prenais régulièrement le train avec une jeune fille qui travaillait pour l’Artisan Parfumeur et qui m’avait gentiment offert de nombreuses doses d’essai. En écrivant, je le sens et, effectivement, je retrouve bien la note d’angélique associée à l’absinthe et aux épices. C’est un très joli parfum à essayer et sans doute à porter.
Outre « Angéliques sous la Pluie » qui est vraiment emblématique de l’utilisation de cette plante, cette matière premières très facettée et aux multiples possibilités est beaucoup employée en parfumerie et je trouve qu’elle confère aux créations dans lesquelles elle est utilisée, quelque chose de très original et de très identifiable malgré ses différents versants. Si je n’aimais pas du tout son odeur, je l’ai apprivoisée et je commence à en apprécier à la fois sa fraicheur et son côté boisé.
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