Mystérieuse coumarine
« La coumarine est une substance naturelle organique aromatique. On la trouve en grande quantité dans la fève tonka, dont elle a été extraite la première fois en 1820. C’est de là que vient son nom, du coumarou (ou kumaru) qui est l’arbre tropical sur lequel pousse la fève tonka. La coumarine fut l’un des premiers composés à être synthétisés pour être utilisé en parfumerie. La coumarine est également contenue dans des aliments et des végétaux comme le thé vert, le céleri, la cannelle de Chine, le miel ou encore la lavande » (Source : Olfastory). Synthétique ou organique, la coumarine est un ingrédient vedette en parfumerie. Pour moi, avant de sentir la matière première isolée, son odeur était un peu abstraite mais maintenant, je comprends bien pourquoi elle fait partie depuis des décennies de la palette du parfumeur. En tout cas, je vais essayer de vous décrire quatre parfums dans lesquels elle est parfaitement reconnaissable. J’ai essayé de faire le choix de fragrances très différentes les unes des autres afin de donner un éventail le plus large des possibilités de cette matière première.
Le premier parfum que j’ai choisi se trouve sur les rayons des parfumeries grand public et il est, à mon sens, l’une des plus belles réussites dans cette catégorie depuis bien longtemps. Je l’avais déjà évoqué et vous savez combien j’apprécie « Aura » créé par Amandine Clerc-Marie, Daphné Bugey, Marie Salamagne et Christophe Raynaud pour Mugler. La marque le décrit ainsi : « Aura est une fragrance instinctive au caractère affirmé : orientale, florale et charnelle. L'instinct encapsulé dans un parfum qui mèle fraicheur florale et sensualité féline. Une invitation à se connecter à son instinct, à sa nature profonde et à ses sens ». Avec une envolée basée sur un accord de liane, un coeur de fleur d’oranger et de feuille de rhubarbe et un fond de coumarine et de vanille Bourbon, « Aura » ne ressemble à rien d’autre et certainement pas aux féminins à la mode que l’on peut trouver dans le circuit sélectif. Je dois dire qu’il me fait un effet complètement inattendu. Lorsque je l’ai senti la première fois, j’ai eu irrémédiablement envie de le tenter sur ma peau et, non seulement, je l’ai gardé la journée sur le poignet mais la conseillère qui me l’a montré m’a proposé de me parfumer avec et j’en ai profité pendant plusieurs heures. C’est un parfum faussement vert, un peu marin, un peu boisé, un peu rond et vanillé. Il est vraiment original et je pense que, s’il était sorti dans une marque plus confidentielle, il aurait eu un succès tout à fait comparable à celui qui est le sien. Je trouve, en outre, que ses déclinaisons sont réussies. Pour moi, « Aura » c’est carton plein.
Créé en 2016 par Olivier Polge pour la collection Les Exclusifs de Chanel, « Boy » est aussi une belle interprétation de la coumarine avec, cette fois, une facette un peu plus naturelle et poudrée. « Lors de ses plus jeunes années, Gabrielle Chanel rencontra Arthur « Boy » Capel, élégant joueur de polo britannique. Il fut son grand amour et le premier qui l’encouragea dans sa vie de créatrice. Inspirée par le raffinement de son style de gentleman, Gabrielle Chanel imagina des femmes vêtues de tweed, portant les cheveux courts et des souliers plats. Des silhouettes confondant les genres, premières esquisses de la mode unisexe ». Olivier Polge a réinventé l’accord fougère en lui donnant vraiment un côté absolument unisexe et moderne. Résolument contemporain, « Boy » plaira autant aux hommes qu’aux femmes et il n’a aucun côté vintage. C’est, après un départ de bergamote et de lavande, un coeur coeur de géranium que le parfum se pose sur un fond musqué, boisé et très dosé en coumarine. Je trouve que le travail s’axe beaucoup sur le côté naturel fève tonka et sur le côté, au contraire, très synthétique des muscs blancs pour créer un parfum stylisé, très Chanel, avec ce je-ne-sais-quoi qui m’attire dans les parfums de la marque. Je l’ai réessayé récemment et je dois dire que je l’aime énormément. C’est un parfum très contemporain avec tout de même l’élégance à la Chanel. Pour moi, c’est une vraie réussite.
J’adore « Marquetry » de Etro créé en 2015 et je l’ai toujours aimé. C’est un cuiré aromatique avec une envolée de lavande, de pêche et de bergamote, un coeur de baume du Pérou et de fève tonka avec un côté rose et un autre, je pense, violette et un fond ambré renforcé par le côté poudré de la coumarine et des muscs blancs ainsi qu’une facette très cuirée conférée par le ciste labdanum. C’est un cuir sec, boisé avec une facette ronde et douce. Lorsque je l’ai essayé, je suis tombé sous le charme de ce parfum « à l’italienne ». Il m’a évoqué les palais de Florence, les canaux de Venise et la nature de Vérone. À la fois naturaliste et citadin, « Marquetry » est un parfum complètement confortable, très agréable à la fois à sentir et à porter. De plus, il n’est absolument pas opulent et reste une fragrance pour soi, avec une belle tenue et l’impression de porter quelque chose de luxueux. Il est sorti en même temps que « Io Myself » et je crois que j’ai été conquis par les deux. Je trouve que Etro, considérée comme faisant partie du circuit sélectif en Italie, est une maison à découvrir et redécouvrir en France. Pour ma part, je connais plusieurs pépites dans les collections de cette maison et je ne regrette pas d’avoir mis mon nez dans le très joli flacon de « Marquetry ». C’est une vraie réussite qui peut bien rivaliser avec des créations beaucoup plus onéreuses. Pour moi, il est addictif et je pourrais tout à fait me l’approprier.
Créé par Arnaud Poulain en 2018 dans la collection Supercritique des Eaux Primordiale, « Rose Supercritique » est une rose qui n’en n’est pas une. C’est un parfum abstrait, curieux, intrigant et vers lequel je ne serais peut-être pas allé sans mon irrépressible curiosité. « Premier parfum né de la collection Supercritique, la rose, fleur en majesté est ici réinventée dans un palais oriental. Les notes de thé aux épices, d'encens et de vanille donnent à cette rose l'allure d'une reine de Saba voluptueuse et sensuelle ». Après un départ de baies roses et de bergamote, le coeur de rose s’habille de cassis et de cardamome et demeure un peu cachée dans un fond de myrrhe, d’encens et d’ambroxan. La note de coumarine est présente en toute fin d’évolution et n’est là que pour soutenir la fragrance et renforcer le côté poudré de la rose cachée. J’ai beaucoup aimé ce parfum contre toute attente. Je le trouve à la fois très élégant et vraiment inédit. Je me suis fait plaisir à l’essayer pour écrire cet article et je dois dire qu’il me réconcilie un peu avec une coumarine recrée synthétiquement mais dont la réalisation est parfaite. Je trouve que c’est une belle interprétation de la reine des fleurs pour les amateurs et les autres.
Utilisée dès la fin du XIXème siècle dans des parfums aussi emblématiques que « Fougère Royale » d’Houbigant ou « L’Origan » de Coty, la coumarine est une matière première intéressante et, si aujourd’hui, elle est surtout utilisée dans les parfums du circuit sélectif, elle ouvre pas mal de possibilités. J’espère en avoir donné un aperçu. En tout cas, j’ai été très content de ressentir les quatre parfums dont j’ai développé l’esprit dans cet article. Il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses. C’est aussi un avantage…
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