Passion Parfums

 

 

 

J’avais découvert Nissaba au Printemps Haussmann lors d’un séjour à Paris mais je ne m’y étais pas beaucoup arrêté. C’est une maison de parfums née en 2022 et qui compte aujourd’hui sept créations composées par Fabrice Pellegrin, Coralie Spicher, Alexandra Monet, Frank Voelkl, Sebastien Cresp, Nicolas Bonneville et Ilias Ermenidis. La marque explique ainsi sa démarche : « Nous créons des parfums issus de la terre, pour la terre »… tout un programme. Sur l’ensemble de la collection, j’ai retenu quatre parfums que je trouve assez significatifs de l’esprit naturaliste qui caractérise l’ensemble des créations. Je me suis laissé dire que le fondateur de la marque était sourceur pour la maison de composition Firmenich. Je n’ai pas vérifié l’information mais ceci expliquerait assez bien la démarche très originale de la marque. J’ai choisi, comme d’habitude, quatre créations qui m’ont provoqué plus d’émotions que les autres. J’espère vous donner envie d’aller explorer cet univers épuré, un rien « roots » et assez différent de ce que l’on peut souvent sentir en parfumerie.

Créé par Frank Voelkl en 2022, « Grande Île » fait bien évidemment référence à Madagascar et à son orchidée phare et aussi précieuse que l’or, j’ai nommé la vanille. Le parfumeur en exprime ainsi l’inspiration : « Quand je sens Grande Ile, cela me transporte. On m'emmène à Madagascar. Il y a beaucoup de soleil, les gens sont très chaleureux et accueillants. J'ai essayé d'apporter cette sensualité, la sensation de la peau réchauffée par le soleil, cette lumière que l'on trouve dans un endroit comme Madagascar. Pour Grande Ile j'ai choisi une structure ambrée la vanille étant l'un des ingrédients clé qui nous conduit à quelque chose de très chaud, très riche, très sensuel. Ensuite j'ai utilisé ces notes épicées, du poivre noir et du poivre rose, pour créer de la tension dans le parfum, ajouter du contraste, et un peu de fraîcheur. C'est à cela que nous aspirons, en tant que parfumeur, quand nous créons des parfums : etre transporté, se connecter avec les différents endroits de ce monde. C'est vraiment ce que j'ai imaginé : un environnement insulaire très parfumé, qui me donne envie d'être là-bas ». Je dois dire que si l’inspiration exotique m’attire toujours un peu, je suis méfiant quant à la note de vanille en parfumerie et je n’aurais pas parié sur « Grande Île » pour me plaire et pourtant, ce parfum m’a séduit car il est un peu inattendu avec son départ de poivres roses et noir absolument magnifique, son coeur de vanille qualitative et surtout naturelle et son fond de gaïac et de patchouli. C’est un parfum comme une ode au voyage, une fragrance d’aventurier et de soleil. Il s’éloigne de mes goûts habituels et pourtant, je suis bien obligé de reconnaitre que je le trouve tellement réussi que je pourrais le porter. Son côté à la fois duel, entre épices et notes ambrées et vanillées, est vraiment du plus bel effet sur ma peau.

 

 

 

« Ce parfum est la quintessence des matières premières emblématiques de l’Indonésie La matière première majeure de cette origine, c’est le patchouli, une note boisée, sous-bois, humide. Pour jouer sur certaines tonalités du patchouli, on va le texturer, comme pourrait le faire un sculpteur. On va chercher de la matière, un peu de cèdre, un peu de vétiver Java pour le fumer, le rendre un peu plus noir, Amener du contraste en fonds, avec le benjoin. La colonne vertébrale c’est ça : patchouli, muscade et benjoin J’imagine une balade en forêt assez dense, une espèce de jungle, avec un coté sous-bois, un coté terreux, avec des rayons de soleil qui peuvent traverser, Cette idée exploratoire qu’on peut avoir de la jungle. Le mélange entre la terre, le bois, et l’épice, c’est multi sensoriel ! J’ai essayé d’imager tout ça, et d’en créer un accord spécifique, avec sa propre signature » tels sont les mots de Nicolas Bonneville pour décrire « Sulavesi » que je trouve particulièrement original et qui est sorti en 2023. Il faut dire qu’il est assez inédit avec un départ, excusez du peu, de noix de muscade et de baies de genièvre, un coeur de benjoin et de clou de girofle et un fond de patchouli, de cèdre et de vétiver soutenu par une note d’ambroxan. J’aime les parfums épicé et là, il faut le dire. C’est un parfum non pas oriental tel qu’on l’entend mais plutôt extrême-oriental et je dois dire que je me suis fait plaisir à m’imaginer m’envoler pour cette Indonésie dont j’entends toujours parler et que je ne connaitrais sans doute pas car le nombre d’heure d’avion me rebute un peu. En tout cas, « Sulawesi » me plait beaucoup et je pourrais parfaitement le porter.

 

 

 

Je ne suis pas tellement un amateur de la famille des aromatiques fougères mais je dois bien admettre que j’ai trouvé « Provence », sorti en début de cette année 2024 vraiment très original et particulièrement clivant. Composé par Sébastien Cresp (tiens, tiens…) qui le décrit par ces mots : « Ce qui me vient à l’esprit pour la Provence, c’est des grands champs de lavande. La Provence, c’est les grillons, la chaleur, la nature, la mer, la montagne Je n’ai pas fait un parfum classique, ou on a des ingrédients imposés. C’est vraiment moi qui ai choisi les ingrédients du terroir de la Provence : la lavande Diva, la plus belle qualité de lavande, la sauge sclarée, l’hysope, le lavandin et la coriandre. Ce parfum je l’ai construit autour de cet accord provençal. Ensuite je l’ai marié à un accord thé vert, je l’ai sophistiqué avec d’autres facettes ; des facettes épicées, végétales, vertes. Enfin j’ai travaillé un fond boisé et santalé. Quand je le sens, je suis transporté en Provence », ce parfum est la quintessence de cette région que je connais bien pour y être allé plus que régulièrement tout au long de mon enfance. La peinture olfactive qu’en fait le parfumeur est assez composite et je me rends compte que je comprends parfaitement sa démarche. Le départ de coriandre, de menthe, de poivre noir associé à des notes vertes, le coeur de lavande et de sauge et ce fond étonnant d’hysope, une plante des garrigues associé au cèdre et au santal est vraiment inattendu. J’ai trouvé ce parfum à la fois original et magnifiquement réussi mais également presque brut et pas forcément facile à porter. Il s’avère être travaillé tout en légèreté et cela le rend plus accessible. « Provence » ne sera pas le parfum de tout le monde mais je trouve que, artistiquement, c’est une belle réussite.

 

 

« C’est la première fois que je travaille avec des ingrédients concentrés sur un seul terroir, en l’occurrence le Guatemala. Alors, je me suis intéressé encore plus au baume Pérou, une matière que j’utilise depuis 40 ans, depuis mes débuts en parfumerie. Et à présent je le vois sous un nouvel angle. Il apporte une joie, une satisfaction personnelle, qui est unique. La cardamome du Guatemala fait vraiment partie de la luminosité de la note de tête. Cette cardamome verte que j’ai utilisée est très pure, pas du tout métallique, comme peuvent etre les cardamomes d’autres provenances, Je l’ai associée dans un duo épicé avec de la cannelle. Pour l’addiction j’ai ajouté un duo des meilleurs extraits de roses centifolia et damascena, Je décrirais cet ambre lumineux et addictif. Un ambre boisé, entre ombre et lumière, comme dans un champ de cardamome. J’aime beaucoup le résultat », c’est ainsi que Ilias Ermenidis raconte son parcours pour créer « Tierra Maya » sorti en 2023 et qui est, à ce jour, vraiment mon coup de coeur dans la marque. C’est une rose que je trouve vraiment inédite tet, encore une fois, le parfumeur a cherché la mise en valeur de magnifiques matières premières. Le départ de cardamome et de cyprès est vraiment une surprise olfactive car je ne m’y attendais absolument puis vient ce coeur de rose et de cardamome que je trouve complètement addictif et ce fond de baume du Pérou associé à un accord ambré. Vraiment, le parfum est très étonnant. Le duo de rose donne des facettes incroyables à la fragrance et les épices douces accentuent le fond baumé. Vraiment, ce parfum, très « ethnique », me plait particulièrement. Il m’emmène totalement avec lui. C’est un un voyage olfactif, il n’y a pas d’autre mot. Je pourrais totalement le porter.

 

 

Quand j’ai eu accès facilement, à la boutique Ecocentric de Lyon, à cette marque, je n’en n’attendait rien. J’aime beaucoup le côté épuré des flacons mais le story telling me faisait un peu peur. J’étais loin de penser que j’allais me retrouver face à des parfums aussi construits, élaborés, entre simplicité et sophistication. Le côté « roots » peut-être tout à fait fascinant en parfumerie. Cela m’a, bien sûr rappelé, la démarche de Gian Luca Perris pour « Cacao Aztèque » ou encore de Michel Roudnitska pour « Wood of Life » de Anima Vinci qui, aujourd’hui n’existe plus hélas. Vraiment, Nissaba est une marque à découvrir sans idée préconçue en acceptant de se laisser surprendre.