Notes bibliographiques
« On dit que nous allons vers une civilisation de l’audiovisuelle. Plus vraisemblablement nous irons vers une civilisation sensorielle dans laquelle le parfum devrait pouvoir trouver une large place. (…) Parviendra-t-on un jour, comme on l’a réussi pour l’image, à transmettre les messages olfactifs à travers l’espace ? ». Edmond Roudniska était, non seulement l’un des meilleurs parfumeurs du XXème siècle, mais, par ses écrits, il a aussi été le premier à parler du parfum comme d’une expression artistique. Dans « Une vie au service du parfum », publié en 1991, il met aussi le doigt sur les avancées technologiques qui apportent de plus en plus d’outils au parfumeur. Dans cette citation, on peut se rendre compte que théoriser à la fois la dimension artistique et technique de la création est une manière comme une autre d’exprimer la difficulté d’inventer des compositions qui seront certes éphémères après la vaporisation mais qui peuvent tout de même marquer les esprits et constituer une bibliothèque olfactive propre à chacun. Si Marc-Antoine Corticchiato dit qu’il faut toujours sentir, pas seulement du parfum, mais les odeurs qui nous entourent, d’autres en on fait des livres. J’avais envie d’une petite bibliographie, très courte, d’ouvrages techniques, philosophiques ou encore historiques écrits par des parfumeurs… ou pas. En tout cas, j’ai pas mal lu et j’ai trouvé que partager était une bonne idée.
Outre Edmond Roudnitska dont les oeuvres sont absolument passionnantes, particulièrement son Que Sais-Je ? « Le Parfum », je citerai Jean-Claude Ellena car j’aime non seulement le lire mais aussi l’écouter. On ne présente plus le parfumeur qui a inventé tant de merveille mais j’ai dévoré ses livres et notamment « Journal d’un parfumeur » paru en 2011 que je trouve à la fois passionnant et super bien écrit, ce qui le rend facile à comprendre et à manipuler. J’ai relevé une citation que je trouve particulièrement juste : « Je crois ... que la meilleure situation pour développer sa créativité est de travailler seul et sans évaluation, ce qui ne veut pas dire sans échange. La majorité des idées sont la conséquence d'un travail assidu et quotidien, parfois le résultat de rencontres, de promenades, de flâneries, de lectures, de moments de disponibilité d'esprit. Mon carnet de Moleskine, servant à recueillir idées, mots ou débuts de formule, me quitte rarement ». Cela donne envie d’aller plus loin je trouve. Jean-Claude Ellena est prolifique autant comme auteur que comme « écrivain d’odeurs » tel qu’il définit son métier. C’est un homme passionnant qui retranscrit cela dans ses livres. Il est, pour moi, celui qui, philosophiquement, décrit le mieux son art. Tous les livres que j’ai lu parmi ceux qu’il a écrit sont passionnants.
« Il y a toujours un parfum ou des odeurs associées à un événement, un lieu ou une rencontre, comme un aide-mémoire infaillible et fidèle, une formule pas forcément reconnue mais toujours disponible, en cas de besoin ». Dans son livre, « Aphorismes d’un parfumeur », Dominique Ropion évoque aussi de très belle manière, son métier tant du point de vue presque philosophique ou tout du moins artistique que technique. Il est l’un des créateurs préférés des passionnés et pour cause, il a inventé des chefs-d’oeuvres. Je trouve que, dans son livre, tout comme Jean-Claude Ellena, il n’intellectualise pas pour rien et il n’est jamais grandiloquent. Je l’imagine donc avec une personnalité toute en finesse et en humour. « Aphorismes d’un parfumeur » se lit avec une déconcertante facilité. C’est un livre plaisir mais aussi un outil pédagogique qui m’a appris des choses et je me suis passionné pour cet ouvrage que j’ai acheté il y a déjà longtemps. Je m’y réfère parfois quand je cherche un éclaircissement sur un sujet que je veux traiter sur mon blog.
Sociologue de formation, Nicolas de Barry est un passionné d’histoire. Il a créé avec Eddy Blanchet de merveilleux parfums historiques d’abord pour Maître Parfumeur et Gantier puis pour sa marque éponyme. Il a aussi pas mal écrit, peut-être plus comme un historien, sur les parfums qui ont marqué leur génération et les suivantes. J’aime beaucoup son livre « 101 parfums à découvrir » que j’ai offert très tôt. « …un bon parfum est un parfum équilibré, beau au débouché avec de belles notes de tête (les plus volatiles), un élégant accord de notes de cœur (moins volatiles, qui vont vraiment caractériser le parfum), sans oublier l’accord des notes de fond (l’équivalent des contrebasses et timbales dans l’orchestre symphonique…). Nous proposons d’ailleurs pour chaque parfum, en fin d’article, la pyramide olfactive qui résume ces différents niveaux. Il s’agit d’un bréviaire à lire avec précaution. La plupart des parfums commerciaux sont constitués en majorité de produits synthétiques, donc pas de vraie rose, mais de copie de l’odeur de rose. On a inventé des milliers de molécules, mais il faut encore pour nous plaire reconstituer une pomme verte, un cuir bien ciré ou un muguet ! Mais il se peut que les notes fraîches que vous sentirez d’emblée cachent des notes de cœur ou de fond qui vous déplairont plus tard. D’où ma recommandation de prudence ». Je trouve ce petit dictionnaire des incontournables très bien écrit et documenté. En tout cas, c’est un plaisir à découvrir.
Parler de celles et ceux qui écrivent sur le parfum avec talent sans citer Élisabeth de Feydeau me semble impossible. Elle est historienne mais son écriture est tout sauf didactique ou poussiéreuse. On sent, dans ses mots, les étincelles qui pétillent dans ses yeux de « petite fée clochette » passionnante et dynamique qui nous emmène avec elle dans des univers olfactifs passés ou rêvés qu’il convient de lire comme on vaporise son parfum préféré. Son anthologie des parfums est, pour moi, l’une des plus importantes références en matière d’écriture. C’est un peu une mine d’information dans laquelle elle se fait à la fois historienne et interprète des parfums dont elle parle. J’ai repris une citation qui, à elle seule, me donne envie : « Et si toutes ces explorations odorantes que nous enfermerons dans des flacons étaient les préfaces de mondes encore non écrits… ». Non seulement, Élisabeth de Feydeau est pertinente mais son écriture est riche, foisonnante, plaisante à parcourir et pourtant, on s’arrête toujours dessus. Pour moi, c’est un talent de conteuse inestimable qu’elle révèle dans ses écrits. Vraiment, je suis très content de parler de ses ouvrages dans mon article car ils sont passionnants.
Voilà quelques idées de lecture. J’ai fait l’impasse sur les livres plus ou moins récents publiés par des soi-disants « critiques de parfums » car ceux que j’ai eu entre les mains ne correspondent pas à ce que j’ai envie de lire. Je trouve qu’on peut donner son ressenti mais s’ériger d’une manière dogmatique en donneurs de vérités est absurde tant notre goût du parfum est subjectif. On pourrait arguer qu’il y a un label de qualité à donner ou non mais est-ce vraiment l’important ? Pour moi, passionné et amateur, seul compte l’émotion qu’une création va me donner. Je vais reconnaitre la qualité des matières ou l’inventivité du parfumeur mais, souvent, cela ne me suffit pas, il faut que je ressente les choses. Je vous livre ce que je ressens en sentant (tiens c’est peut-être un peu redondant) et cela n’engage que moi. Je ne détiens aucune vérité et mes connaissances sont limitées par manque de formation mais aussi par joie de partager des impressions personnelles et d’échanger avec vous. En tout cas, ces livres m’ont passionné et j’espère qu’il en sera de même pour vous.
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