Olfactories de Prada, classiques ou novateurs ?
J’ai pu découvrir plusieurs Olfactories de Prada. Je vous avais déjà parlé de « Marienbad » que j’aime vraiment beaucoup mais je ne m’étais pas étendu sur les autres. Je vous emmène donc dans l’univers très luxueux (trop luxueux ?) des créations de Daniela Andrier pour cette collection privée lancée en 2015.
Le premier parfum que j’ai découvert a été « Cargo de Nuit » car il est vendu au stand Prada du Printemps de Lyon et j’avoue que le flacon, élégant et épuré un peu dans le style de ceux de Chanel m’intriguait depuis longtemps. J’ai donc demandé à le sentir comme je l’ai fait pour « Soleil au Zénith » qui appartient à l’autre collection privée de la marque « les Mirages » mais que je ne vais pas développer ici. La marque le décrit de la manière suivante : « Une mer déchaînée sous la voûte étoilée. Une traversée d’aventure, audacieuse, envoûtante. Cargo de Nuit est le parfum d’un voyage tumultueux en haute mer. ». Je dois avouer que, pour l’enfant des années 80 que je suis, le noms de la fragrance m’évoquait surtout la chanson d’Axel Bauer et son clip en noir et blanc. Bref, revenons au jus. C’est un boisé un peu aromatique. L’envolée est assez hespéridée mais très vite on entre dans une composition mêlant cèdre, ambrette, fève tonka, bois de santal, iris et molécules de synthèse telles l’iso E super et l’hédione qui lui confère un côté vert. Je vous livre la réflexion que je me suis faite : « un joli petit parfum à porter toute l’année mais aucune révolution olfactive et un prix beaucoup trop élevé ».
Le second, sur le papier, était supposé me plaire beaucoup. Il s’agit de « Tainted Love ». La marque le décrit de cette manière : « Le charme et le pop. Le souvenir d’antan d’un moment de séduction. Régressif et envoûtant. Tainted Love est le parfum universel du rouge à lèvre qui se dévoile à peine. Nostalgique, mais authentiquement moderne. ». C’est une violette et, vous le savez, c’est une note qui me plait beaucoup en parfumerie. Là, franchement, j’ai été déçu. Un départ de poire, un coeur de pêche, de framboise, de rose et donc de violette et un fond de muscs blancs et d’iris. Sur ma peau seul le côté fruité et, il faut bien le dire « sucraille » ressort. Il est rare que je sois rebuté par un parfum et encore plus par un parfum à dominante de violette mais alors-là, vraiment, j’ai détesté. Je trouve qu’il y a quelques chose d’à la fois « à la mode » et ringard dans ce jus qui, franchement m’a dérangé et m’a fait penser à toutes les sorties les plus mainstream que j’ai pu sentir ces dernières années. J’en attendais pas mal et je dois dire que c’est une cuisante déception.
« Double Dare » est l’oriental de la collection et, je dois dire que, dès les premières notes, il m’a plu car pour moi, c’est presque un copié-collé de « Habit Rouge » de Guerlain en eau de toilette avant le massacre des reformulations sauvages perpétrées par Thierry Wasser sous l’impulsion du groupe financier qui détient désormais la marque. Je ne pouvais que l’apprécier mais, il faut bien le dire, je ne vois aucune inventivité dans cette création. J’ai porté son « grand frère » pendant dix ans et je peux dire que je sais de quoi je parle. Le départ de bergamote et de poivres rose et noir, le coeur de rose, de ciste et d’iris et le fond de cuir, de bois d’ambre et de patchouli, tout y est ! Comme quoi, elle a bon dos la norme européenne ! J’ai retrouvé le côté poudré, presque poussiéreux comme l’odeur des rideaux de théâtre en velours rouge, la facette cuirée comme la briderie dans une sellerie et, enfin le fond profond de patchouli. Oui « Double. Dare » est absolument réussi mais vraiment l’inspiration est tellement nette que ça m’a un peu désarçonné. C’est un oriental plutôt masculin désormais classique. De plus, il me semble que la tenue est un peu limitée. À voir.
« Purple Rain » est sans doute l’un des deux coups de coeur de la collection. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que c’est encore une fragrance basée sur la dualité entre l’iris et la violette. On le présente comme une réinterprétation de « Infusion d’Iris » mais je dirai que c’est, et heureusement, une création réussie à part entière. Nous sommes très loin des sentiers battus car le côté poudré est contrebalancé par un fond de vétiver et de cèdre qui lui donne une certaine transparence tout en restant profond. L’ouverture de bergamote et de férule gommeuse ne me surprend pas mais ensuite, le coeur d’iris, de fleur d’oranger et de rose est rafraîchi par la molécule d’hédione. Le fond oscille entre le côté poudré des notes de violette et de muscs blancs et boisé du santal, du cèdre pour finir sur quelque chose de terreux créé par un vétiver très présent. Sur la peau, le développement est assez linéaire et je dois dire que j’ai adoré l’essayer. J’ai opté pour d’autres iris mais j’admets que celui-ci est vraiment une réussite car l’équilibre des notes est absolument parfait. C’est un parfum tendre et « romantique » tout en gardant une bonne dose de caractère. Il n’est jamais ni convenu ni mièvre. C’est le plus beau de ceux que je connais dans la collection, c’est indéniable.
« Je serai à vôtre heure au grand château de jade, là-bas à Marienbad » chantait Barbara et je ne pouvait pas écrire une revue sur celui qui est vraiment, si ce n’est le plus original, au moins, pour moi, le coup de coeur des coups de coeurs. Il s’agit bien évidemment de « Marienbad » dont je vous ai déjà parlé et qui est un cuir froid et rond à la fois, très sec comme j’en cherchais un depuis des lustres. L’ouverture de bergamote et le coeur de rose et de prune (encore !) sont tout ce que j’aime. Le fond d’ambre et de vanille est construit autour du patchouli et de cet accord cuir de Russie que j’aime énormément et la note d’encens pour une fois, ne me dérange pas du tout. Je l’ai essayé par temps chaud et il faut bien dire que c’est plutôt un parfum d’hiver mais je crois que je vais l’apprécier au creux des écharpes ou des pulls en cachemire. Oui, « Marienbad » me plait énormément et je ne m’en cache pas. C’est un beau cuir, à l’ancienne, qui fait complètement partie de ma zone de confort mais c’est un bien beau travail. Quand je l’ai essayé on m’a dit, « c’est vraiment un parfum de mec » ! Peut-être mais moi, vous savez, le genre en parfumerie, il y a longtemps que j’ai oublié et je crois que tout le monde peut le porter.
Bon, il est temps de conclure et de faire le bilan de ce que j’ai pensé de ces découvertes. Le prix (255 euros pour 100 ml) est exorbitant pour des créations somme toute assez classiques et qui auraient tout à fait leur place dans les linéaires du sélectif pour une centaine d’euros. Quand je pense que leur prix est plus élevé que celui des créations de la collection privée de Penhaligon’s qui sont vraiment singulières et uniques, je me demandé quelle pourrait être la clientèle qui va franchir le pas. Dans sa vidéo, Clotilde met le doigt sur une chose que je pense depuis longtemps. Il y a une très grande différente entre les collections privées des marques de luxe qui veulent conquérir, cahier des charges et brief à l’appui, le marché de la parfumerie de niche et les vraies créations d’auteurs de marques indépendantes qui, pour le coup, cassent vraiment les codes et se mettent en danger pour ne conquérir finalement qu’un public limité. En effet, il y avait peu d’amateurs pour « L’Eau du Fier » créé par Isabelle Doyen pour Annick Goutal et, aujourd’hui, seuls les audacieux peuvent porter les créations uniques de Julie Dunkley et Julie Marlowe pour Beaufort London ou encore « Musc Tonkin » créé par Marc-Antoine Corticchiato pour Parfum d’Empire. Prada, tout comme Dior ou Saint-Laurent, ne prend aucun risque. La maison lance de beaux parfums mainstream à un prix collection privée. C’est dommage.
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