Passion Parfums

La styliste allemande Jil Sander a toujours commandé, pour sa maison de couture, des parfums. Les premières fragrances datent de 1979. Depuis lors, la marque a sorti pas mal de parfums vendus dans les grands magasins et, il me semble, au début des années 2000, dans les enseignes grand public. Je me souviens des flacons mais je crois n’en n’avoir jamais senti aucun, ni sortis indépendamment les uns des autres ni au sein d’une collection ou d’une autre. À ce jour, la marque a sorti 97 parfums créés par Gilles Romey, Jacques Artarit, Thierry Wasser, Annick Menardo, Pierre Bourdon, Michel Almairac, Nathalie Lorson, Ilias Ermenidis, Mark Buxton, Evelyne Boulanger, Emilie Coppermann, Jacques Cavallier Belletrud, Alain Astori, Olivier Polge, Bruno Jovanovic, Bérénice Watteau, Christophe Raynaud, Sophie Labbe, Elise Benat, Beatrice Piquet, Sonia Constant, Olivier Pescheux, Bernard Ellena, Lucas Sieuzac, Philippe Bousseton, Domitille Michalon Bertier, Alexandra Carlin, Pierre-Constantin Guéros, Sylvie Fischer et Michel Girard mais la plupart ont étés discontinués. C’est peut-être dommage car je suppose qu’il y avait quelques belles créations à sentir et à porter. En 2025, la maison Jil Sander a décidé de se lancer à nouveau dans la parfumerie avec une toute nouvelle collection, Olfactory Serie 1 que j’ai pu découvrir lors de mon séjour à Paris dans la scent room du Printemps Haussmann. Nathalie Lorson, Paul Guerlain, Julie Massé, Mathilde Bijaoui et Bérénice Watteau ont étés choisis pour réaliser cette série de parfums mettant en avant une note bien précise au sein d’une composition. La collection comporte six parfums et j’en ai choisi quatre que je trouve vraiment significatif du style général. Je vais tenter de vous donner mon avis de la manière, comme d’habitude, la plus subjective possible. Mon avis n’a absolument pas valeur de critique et ne représente, comme toujours, que ma propre approche de ce que j’ai découvert.

Créé par Nathalie Lorson, « Black Tea », est, sans surprise aucune, mon coup de coeur de cette nouvelle collection. « L’idée était de jouer avec une matière très profonde et intense, de voyager sans bouger, d’utiliser nos sens pour dépasser l'ordinaire et nous emmener vers d’autres horizons. Jil Sander Black Tea a une tonalité de cuir noir fumé ». La fragrance, comme toutes celles que j’ai découvert dans la marque, est assez épurée comme le veut le postulat de départ et s’affirme assez naturaliste. La marque ne communique que sur trois notes, la cannelle en tête, l’osmanthus en coeur et le thé noir en fond. Je pense qu’il ne me fallait pas plus d’explication. Ce parfum m’a plu. C’est une rencontre assez fructueuse car j’aime le traitement assez classique de la note de thé associée au côté chaud et épicé de la cannelle et un peu cuiré de l’osmanthus. J’ai beaucoup aimé cette composition qui va droit au but et qui, c’est vrai, me donne une impression à la fois de force et de transparence. Je m’explique : je pense que la tenue est très bonne, voire même persistante mais le parfum n’est jamais lourd, jamais « trop ». Il est, comme c’est le cas de beaucoup de créations de Nathalie Lorson, vraiment très bien vu, équilibré et très raffiné. J’ai beaucoup aimé « Black Tea ». Il m’a séduit et, si je devais craquer, il serait mon choix sans aucune équivoque.

« Dehors, tout est blanc et silencieux. À l’intérieur, dans une pièce à colombages remplie de personnes, la lumière du matin et l’odeur du café moulu après l’infusion. Jil Sander Coffea exhale pleinement ses notes les plus vertes et torréfiées ». Après le thé vient le café. C’est à Paul Guerlain qu’a été confiée la composition de « Coffea » qui est le second parfum que j’ai senti dans la marque. La note poudrée de l’iris en tête nous entraine sur un coeur de café torréfié très puissant qui s’adoucit avec un fond de baume du Pérou du Salvador qui me semble particulièrement bien imaginé. Il m’a semblé vraiment très original. Je ne l’ai pas posé sur peau mais je l’imagine très tenace. J’ai beaucoup aimé le côté très torréfié et, en même temps soyeux de ce que j’ai senti. Paul Guerlain a de qui tenir c’est sûr mais plus je sens ses créations plus je trouve qu’il apporte un vent de modernité à la parfumerie tout en en maîtrisant parfaitement les codes. J’ai bien aimé « Coffea » mais peut-être que je l’ai trouvé un peu trop réaliste pour pouvoir le porter. J’aime l’odeur du café, elle m’a toujours attirée, mais je ne suis pas certain de pouvoir me parfumer avec. C’est toujours un peu mon interrogation. Je pourrais essayer « Coffea » sur la peau mais je ne suis pas certain de le supporter. Il n’en demeure pas moins que je l’ai trouvé très réussi et que je suis content de l’avoir découvert.

Avec « Leaf », Julie Massé a soufflé la fraîcheur sur la collection ! « Jil Sander Leaf est un nuage de verdure : frais, inattendu et électrisant. Le souvenir d’une tomate noire de Crimée fraîchement cueillie, le fruit et ses feuilles, dans un jardin méditerranéen. Grâce aux aldéhydes, le mariage du Citron Vert surcyclé, de la Cardamome extraite au CO₂ et du souffle de la Menthe des Champs d’Inde dégage un éclat d’agrumes et de mandarine ». Voilà un parfum vert comme je les aime. Il s’ouvre avec note douce et acidulée de citron vert qui se pare d’un coeur de cardamome très vive pour se poser sur un fond de menthe, le tout rendu légèrement poudré par les aldéhydes. Je ne vais pas dire le contraire, « Leaf » est le parfum le plus original de la collection. La menthe et la cardamome, utilisées de manière très contemporaine, se marient très bien avec le côté très aldéhydé, très « propre » qui est un peu le fil conducteur du parfum. J’avais pris des notes car j’avais peur d’oublier mes impressions et j’ai noté : « vert, frais, herbacé ». Je crois que tout est dit. Je pourrais porter « Leaf » il me semble mais je suis toujours un peu frileux avec la note de menthe. Je l’aime mais, tout comme le café, je ne suis pas certain de vouloir la sentir autour de moi. Reste que « Leaf » est vraiment très bien travaillé, il est peut-être plus sophistiqué que les deux précédents. Je l’ai bien aimé tout de même et je pense que je tenterai de le porter si j’en ai l’occasion.

J’ai pensé que « Smoke », créé par Bérénice Watteau était un parfum très dense et fumé mais il est beaucoup plus nuancé que cela. « Un jeu d'ombres et de lumières, de chaleur et de froid, raffiné par des notes de lessive fraiche et traversé par des facettes de bois de Oud. L’odeur du linge séchant près de la cheminée. Jil Sander Smoke est à la fois sec et enveloppant, masculin et féminin, énigmatique et brillant ». La marque le précise bien, c’est un clair-obscur très étonnant. Je pense qu’il plaira peut-être un peu plus aux hommes mais je l’imagine très bien se développer sur une peau féminine. J’ai beaucoup aimé le départ d’élémi très tendre et le coeur de cèdre m’a surpris. En revanche, je suis complètement séduit par le fond de cade d’Espagne que je trouve particulièrement réussi. Je pense qu’il s’agit vraiment d’un cuir fumé, très intense et pourtant jamais lourd. Bérénice Watteau a su éviter certains écueils comme celui de « la grosse machine » que pourrait donner l’association du cèdre, du bois de cade et du oud pour inventer une fragrance élégante mais très clivante. « Smoke » est le parfum peut-être le plus audacieux de la collection et je le voulais dans ma sélection car je l’ai trouvé vraiment qualitatif. Je ne pourrais pas le porter. Il est pour moi vraiment une très belle composition pleine de caractère.

Globalement, j’ai bien aimé la collection. Je la trouve élégante, très épurée et pourtant recherchée. En revanche, je ne peux pas dire que j’adhère à l’univers. Les flacons, façon « protège-théière », sont un peu lourd et massifs. Il me semble que c’est un parti pris pas forcément visuellement attractif. J’aurais pu vouloir porter « Black Tea » mais je trouve les parfums trop onéreux. Ils sont quand même relativement simples et 230 euros pour 100 ml me semble excessif. J’ai aimé découvrir cette collection qui, à l’image de celles proposées par les autres maisons de coutures se veut luxueuse, mais peut-être l’est-elle trop pour moi. Ils dépassent un peu ma limite, en tout cas pour ce genre de création. Ils n’en demeurent pas moins réussis à mon sens. C’est juste un point de vue personne. J’ai aimé mais je ne suis pas totalement emballé.