Passion Parfums

Porter un parfum qui m’évoque une certaine spiritualité, quelque chose comme un rituel chamanique par exemple ou comme une habitude ethnique, est une chose qui prend une dimension assez différente. Je ne suis pas tellement versé dans ce genre de pensées et pourtant, je dois bien admettre que c’est ce que m’évoquent certaines créations que j’ai pu découvrir dans la parfumerie d’auteurs ces dernières années. J’ai trouvé intéressant d’en sélectionner quatre qui me font beaucoup penser à cette balade dans un monde intérieur que l’on pourrait partager olfactivement avec les autres. Le partage et la spiritualité peuvent aller de paire et c’est pour cela que j’ai eu envie de laisser un petit mot sur l’ardoise à mon tour et vous donner des pistes vers des fragrances atypiques qui m’évoquent la spiritualité. Il est bien évident que c’est complètement personnel et qu’elles peuvent vous suggérer tout autre chose comme une invitation au voyage ou un lieu par exemple mais, pour moi, elles évoquent un peu de méditation et de réflexion.

Le premier parfum qui me vient en tête a été lancé en 2006 et créé par Bertrand Duchaufour pour l’Artisan Parfumeur. Je l’ai découvert il y a quelques mois seulement et je suis tombé sous le charme alors que, sur le papier, il aurait presque pu me dérange. Il s’agit bien évidemment de « Dzongkha » et d’ailleurs le parfumeur et la marque communiquent sur cette dimension : « Inspiré par un voyage au royaume du Bhoutan, dont Dzonghka est la langue officielle, ce parfum retranscrit l'atmosphère de sérénité au coeur des monastères. L'ambiance capturée est celle du cuir tanné, de la fumée de thé doux aux épices et de feux de cheminée. La nature est intacte et riche de fleurs parfumées telles que la pivoine, le litchi et l'iris. Dzongkha est un parfum mystérieux, une invitation à la spiritualité ». Avec une envolée de cuir et d’épices, un coeur d’encens et un fond irisé, ce parfum, vendu dans une concentration eau de toilette est, pour moi vraiment un encens doux, poudré et épicé et c’est vrai que je l’imagine très proche d’une expédition spirituelle dans les sommets élevés de l’Himalaya. Toute la dimension spirituelle se développe sur la peau et c’est une curieuse sensation. Je dois dire qu’il s’agit de l’un des rares parfums à dominante d’encens que je pourrai porter. Sa fraîcheur et sa facette très épicée qui adoucit vraiment le côté froid et humide de l’encens et également son versant fumé me le rendent très agréable et propice à une journée avec soi-même.

Toujours chez l’Artisan Parfumeur, j’ai redécouvert, dans la collection La Botanique (anciennement Natura Fabularis), « Tenebrae » signé par Daphné Bugey en 2016 et, si j’avais été un peu dérouté par cette création à sa sortie, j’ai appris à en apprécier le côté spirituel voire même chamanique et tout à fait mystérieux. La marque en explique l’inspiration : « Dans l’atmosphère mystérieuse d’une forêt dense et ténébreuse, la nature luxuriante exhale des vapeurs mystiques, mélange d’encens, de résines et de sève gourmande ». C’est un parfum foisonnant, intense et particulièrement finement travaillé. Je l’aime énormément. C’est un boisé, une fois n’est pas coutume, avec des notes de sève et de vapeur d’encens. Sur le papier, il a tout pour ne pas me plaire voire même me déranger et pourtant, c’est une merveille n’en doutons pas. Parfum onirique s’il en est, il invite à une méditation rituelle. C’est une fragrance d’une grande originalité. La carte blanche à Daphné Bugey a fait tomber les barrières et La Botanique n’est pas une collection privée comme les autres. D’ailleurs, « Tenebrae » n’est pas un parfum convenu. Il m’invite à une réflexion sur moi-même. C’est un parfum pour soi… pour moi… enfin c’est une merveille atypique et apaisante. Je l’aime vraiment beaucoup.

 

 

 

Le troisième parfum qui me vient en tête est « Agua Nativa » créé en 2016 par Michel Roudnitska pour Parfumeurs du Monde. « Une véritable invitation à un voyage olfactif en plein cœur de la Forêt Amazonienne. L’Agua Nativa a été conçue comme un parfum « cérémoniel » utilisé dans les rituels de guérison ». J’ai eu la chance, il y a quelques années, de participer à une conférence avec Michel Roudnitska et le spirituel c’est plus qu’une vue de l’esprit pour lui, c’est son mode de vie. Il a voulu souvent retrouver les belles choses senties dans la forêt amazonienne et en faire des parfums à sentir et à porter. Celui-ci est complexe et s’ouvre sur des notes de menthe, de pamplemousse et de basilique posé sur un duo d’orange et d’ylang-Ylang, ci, Il nous emmène sur un coeur de petit grain de citronnier, de géranium un peu mentholé puis adouci par la cannelle. Enfin, sur le fond, le duo de palo santo et de piri piri, des bois utilisés pour les rituels chamanique lui donnent un aspect assez inédit. Il est enrichi de patchouli, de vétiver et de vanille. Lorsque Michel Roudnitska nous a fait découvrir « Agua Nativa », il nous également fait sentir le piri piri et le palo santo comme matières naturelles à la fois relativement peu employées en parfumerie et très originales. Le mélange des deux qui se détache lors de l’évolution de ce parfum m’a semblé passionnant. Il n’est un secret pour aucun des lecteurs de ce blog que j’ai bien aimé Michel Roudnitska humainement et que j’admire le côté très atypique de son travail de parfumerie mais j’admets que, avec « Agua Nativa », il m’a un peu dérouté et que j’ai mis un moment à apprivoiser cette création. Maintenant je l’aime. Je l’ai un peu porté et je m’y retrouve complètement même si, dans le même style, je parle plus volontiers de « Wood of Life » qu’il a créé pour Anima Vinci.

Si les trois premiers parfums me sont venus à l’esprit naturellement, il m’a fallu un peu réfléchir pour trouver le troisième. J’aurais pu citer, une fois encore « Cacao Aztèque » de Perris Monte Carlo mais je n’ai pas voulu radoter car j’en parle souvent. J’ai alors exploré un peu les fragrances découvertes ces derniers mois pour revenir à une vieille connaissance parfumée et penser à « Santo Incienso » lancé en 2017 et créé par Alexandra Monet que j’avais essayé à sa sortie et que je connais finalement bien. « Des facettes encens et myrrhe sur fond de bois sacré, le Palo Santo. Une construction mystique qui envoûte comme les stances du Chamane lors des cérémonies Ayahuasca ». Après un départ assez classique de petit grain, de bergamote et de noix de muscade, le parfum évolue sur un coeur de palo santo, d’hédione et de cèdre très crayon taillé puis les notes de fond très enveloppantes se font sentir avec des muscs, de l’encens et de la myrrhe. Je suis très éloigné de ma zone de confort mais je reconnais que c’est un parfum très intéressant et atypique. Je connais quelqu’un qui le porte assez régulièrement et je dois dire que j’aime bien son côté spirituel. Je pense que, sur moi, je ne le supporterais pas mais je lui reconnais une très belle qualité de création comme de matières premières. Il a un côté froid et presque métallique sur ma peau mais c’est vrai qu’il invite également à la méditation. C’est un parfum spirituel et dont l’évolution est étonnante mais chut, je ne dis rien, je vous laisse l’essayer.

Il existe bien évidemment d’autres parfums qui invitent à la méditation. J’aurais pu citer « Boronia » inventé par Bertrand Duchaufour pour Grandiflora par exemple et de bien nombreuses créations mais je me suis laissé guider par mes goûts et mes souvenirs olfactifs. Je suis un peu décalé face à cette interprétation de l’olfaction mais j’ai trouvé intéressant de laisser tomber mes idées reçues et mon côté terre à terre pour m’élever un peu au-dessus des nuages en réalisant cette exploration. Je me rends compte que sur quatre, je pourrais en porter trois. Ce n’est n’est déjà pas si mal.