Parmi mes plus audacieux parfums préférés
Cet article fait suite à une demande de plusieurs d’entre-vous qui me demandent quels sont les parfums les plus difficiles à aborder que je porte. Là encore, c’est très subjectif mais je vais essayer de vous parler de mes choix les plus originaux ou les plus inattendus ou alors même les créations qui, sur le papier, ne devraient pas me plaire. Je vais faire l’impasse sur « Nuit de Bakélite » car j’en ai beaucoup parlé ces derniers temps mais il devrait faire partie de mes choix. J’en ai donc retenu quatre autres (dont un seul Beaufort mais tous auraient pu faire partie de cette sélection) qui, c’est vrai, sont vraiment hors norme ou très éloignés de mes goûts habituels. Je vais aller du moins difficile à porter au plus clivant et j’espère que je vous donnerai envie de les sentir.
Le premier parfum qui me vient à l’esprit est évidemment tiré de la collection signature des eaux de parfums de Mona di Orio. Créé en 2006, « Nuit Noire » est une spéciale dédicace pour Serge Lutens. J’ai d’ailleurs eu la chance de lire le courrier qu’il a envoyé à Nathalie alias Mona et que j’ai trouvé très émouvante. « Nuit Noire » peut rebuter à l’envolée car les notes de tête sont sombres, noires, animales, presque dérangeantes. Comme ça, sur le papier, c’est assez étonnant car la marque parle de fleur d’oranger, de gingembre, de cardamome et d’orange amère. Le coeur est un équilibre pas toujours parfait mais addictif entre les notes de tubéreuse, les épices comme le clou de girofle et la cannelle, les bois de santal et de cèdre et de santal ainsi que l’encens. Le fond adoucis quand même la fragrance avec un accord ambré, des muscs blancs, le côté rond de la fève tonka et un cuir très dark, sans doute bois de bouleau et mousse de chêne. Il en résulte un parfum au « déséquilibre » parfait. Il peut avoir quelque chose de sombre, de très difficile d’abord mais, il faut bien le dire, une fois posé et en fin d’évolution, c’est une merveille absolue. Ceci dit, je comprends parfaitement qu’il puisse ne pas plaire.
Dans le genre clivant et singulier, je peux évidemment citer « Dark Amber & Ginger Lily » créé par Andrea Lupo en 2008 pour Jo Malone que je trouve clair obscur. On ne va pas se mentir, il faut l’humeur pour le porter et il n’est vraiment pas facile d’abord, pourtant, je l’aime beaucoup. Cette dualité entre les épices, cardamome et gingembre un peu fraiches et un peu fumées, le coeur floral presque nénuphar et le fond d’encens japonais de Kyara associé à un accord ambre est complètement clivant. Contrairement aux autres parfums de la collection de Cologne Intenses de la marque, « Dark Amber & Ginger Lily » ne peut être rapproché d’aucun autre parfum et je le trouve complètement déstabilisant. Parfois, je l’éloigne mais c’est toujours pour mieux y revenir. Entre addiction et répulsion, il est probablement le parfum le plus déroutant de la marque. Je l’aime énormément pour ça aussi même s’il est vrai que je ne le porte pas souvent et que je l’associe avec une fragrance plus fraîche de la maison, genre « Grapefruit » ou « Nutmeg & Ginger ». En tout cas, il fait partie de mes parfums très atypiques.
Impossible de parler d’originalité sans évoquer la collection La Botanique de L’Artisan Parfumeur et, bien évidemment, « 32 Venenum » créé par Daphné Bugey en 2016 et qui est un vrai cocon, moins déstabilisant mais complètement audacieux. Ce thé tchaï épicé, avec un départ de blé torréfié, un coeur de thé noir très profond associé à la cannelle, le cumin, la cardamome et la noix de muscade et un fond de santal légèrement lacté. Très franchement, je porte énormément ce parfum que je trouve, même s’il est très atypique, vraiment formidablement bien construit et complètement réconfortant. Je l’ai redécouvert, un peu après mes deux premiers coups de coeur qui aujourd’hui n’existent plus, « Glacialis Terra » et « Violaceum » et, depuis que je le porte, je ne l’ai jamais lâché. Pour moi, il est une complète réussite comme, je dois le dire, l’ensemble de cette collection que je trouve tout à fait formidable et de plus en plus belle au fur et à mesure que de nouvelles créations arrivent (ah « Obscuratio », « Crepusculum Mirabile » et « Abyassae » !). J’espère vraiment que j’aurai encore autant de coups de coeur mais j’ai gardé « 32 Venenum » car, si singulier soit-il, il est super facile à porter.
Dans le style bizarrerie épicée et atypique que j’adore, il y a, bien évidemment « Suprême Orient » créé pour sa marque éponyme par Stéphanie Poulage en 2015. Si j’ai été un adepte tout de suite de « Ubiquité » que je trouvais plus classique, il m’a fallu plus de temps pour me laisser séduire par ce parfum qui est, maintenant, l’un de mes musts. Avec des essences de roses turques, un absolu de jasmin sambac, un beurre d’iris, un absolu de vanille de Madagascar et de cacao, un autre de gingembre chinois, une très belle essence de noix de muscade de Ceylan et des notes mystérieuse de de fleurs, de pêches blanches et de patchouli, adouci par la noix de coco, ce parfum est, pour moi, vraiment un objet parfumé non identifié délicieux et addictif. Je l’aime vraiment beaucoup mais je reconnais que sa grande originalité peut déstabiliser. Sur la peau, son développement est complètement dingue. Il semble sage et tranquille puis, en prenant de l’ampleur, il se fait étonnant, épicé et tendre pour finir avec la force du patchouli. Là encore, je ne peux absolument pas le comparer à une autre création, il ne faut pas en parler, il faut l’essayer.
Créé par Julie Marlowe et Julie Dunkley pour Beaufort en 2015, « Vi et Armis » est vraiment le parfum le plus clivant et le plus audacieux qu’il m’ait été donné de porter. J’ai d’ailleurs mis des années à l’apprivoiser et pourtant, une fois passer le départ presque cannabis qui aurait tendance à me déranger, le thé fumé, le poivre noir, l’encens, le tabac et le bois de bouleau s’équilibrent et deviennent absolument magiques. Les parfumeures, en créant cette fragrance, ont fait preuve d’une audace absolument totale. Au départ, lorsque je l’ai découvert, chez Sens Unique à Paris, j’ai été très rebuté par le côté pavot des notes de tête et, une fois que je me suis décidé à le porter, j’ai pu constater que sa très longue évolution dévoilait une merveille de singularité et de modernité. J’ai finalement adoré ce parfum mais je reconnais qu’il est particulièrement clivant et hors-norme. Je ne le porterais pas tous les jours mais j’aime beaucoup, en certaines occasions, le sortir. Je l’ai en ma possession depuis peu et je ne l’ai pas encore beaucoup utilisé mais, à l’approche de l’hiver, il va devenir sans doute l’un de mes bests.
J’ai sûrement d’autres parfums un peu étranges mais j’ai choisi d’en explorer certains qui sont très différents les uns des autres sciemment afin de susciter votre curiosité. Je pense que parfois, en parfumerie, on peut se montrer complètement audacieux, sortir de ses idées préconçues et entrer dans un univers qui nous est inconnu pour se laisser surprendre et séduire.
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