Passion Parfums

Ils sont un peu éclipsés par les bests de chaque marque y compris dans le domaine de la parfumerie alternative et pourtant ils sont vraiment intéressants, élégants ou subversifs, ils méritent d’être mis en lumière et peut-être qu’il susciteront l’envie de les porter. Pépites cachées, parfums un peu oubliés, fragrances atypiques et parfois difficiles à aborder, je les trouve passionnants et j’avais envie d’en sélectionner quatre que j’ai pu découvrir au cours de ces derniers mois et qui ont été de belles surprises. Je vais donc leur consacrer un article et essayer, une fois encore, de décrire mes impressions voire même d’expliquer pourquoi je les ai aimés et choisi de vous les présenter.

Lorsque l’on pense à Goutal Paris, on a souvent à l’esprit les bests de la maisons tels « L’Eau d’Hadrien », « Petite Chérie » ou encore « Sables » pour les masculins. À l’occasion des quarante ans de la marque, j’ai eu envie de revenir aux sources et de remettre mon nez parmi les premières créations et je me suis rendu-compte que j’aimais beaucoup « L’Eau de Charlotte » créé par Annick Goutal en 1982 juste après « L’Eau d’Hadrien » et « Folavril » (qui a été hélas discontinué) et que je n’en n’entendais jamais parler. Estampillé féminin, « L’Eau de Charlotte » est décrit ainsi par la marque : « Charlotte est une jeune fille faussement sage. Son parfum est une gourmandise qui suscite l’envie tel un fruit rouge et réveille les souvenirs tendres et la douceur de l’enfance. Une ode mutine à la gaieté et à l'espièglerie à laquelle il est difficile de résister ». J’avoue ignorer qui pouvait bien être « la » Charlotte à laquelle Madame Goutal a dédié ce parfum mais je trouve que la dualité des senteurs de l’enfance et celles plus provocantes et élégantes de la vie d’adulte. Une ouverture fraîche de bourgeon de cassis, un coeur poudré de mimosa et un fond aromatique et poudré de cacao et de vanille confèrent à « L’Eau de Charlotte » quelque chose d’unique, à mi-chemin entre malice mutine de la jeunesse et maturité branchée de la femme élégante. Nuancé, facetté, c’est un parfum vraiment magique et évolutif que je trouve particulièrement intemporel et qui est, même s’il est éclipsé par les bests de la marque, continue de séduire, d’être porté et d’avoir un public renouvelé. Elle ne fait pas de bruit « L’Eau de Charlotte » mais elle est là, intemporelle, ravissante et élégante… Unique !

Parmi les marques de niche qui comptent dans le paysage olfactif, Parfum d’Empire créée par Marc-Antoine Corticchiato tient le haut du pavé depuis 2003. Il y a de nombreux bests dans cette maison comme « Ambre Russe », « Corsica Furiosa » ou évidemment « Cuir Ottoman » mais l’une des très belles créations passe un peu, à tort, inaperçue. Il s’agit de « Equistrius ». Lors d’une discussion informelle après une conférence, Marc-Antoine Corticchiato m’avait confié qu’il y avait plusieurs raisons à son manque de succès dont l’une des principales était son nom qu’il considérait comme une erreur marketing car il est très éloigné de l’univers olfactif qu’il dégage. Il porte en effet le nom de l’un des chevaux de son créateur et c’est vrai que, dans l’imaginaire collectif, il renvoie à une ambiance équestre. Marc-Antoine Corticchiato a créé là un parfum qu’il décrit ainsi : « Un iris à la sensualité intimiste Trois extraits d’iris de Florence déploient les facettes de la plus précieuse matière de la parfumerie : violette, poudre de riz, daim, et même un accent inédit de chocolat. Rare et intense, le beurre d’ambrette vient y fondre des notes de musc naturel végétal. L’ambre gris et le santal nimbent Equistrius d’un voile poudré ». L’iris est ainsi travaillé en majeur avec, en tête, la une violette poudrée que l’on retrouve jusqu’au bout de son évolution. Le coeur est construit autour du chocolat qui donne une facette gourmande et de la poudre de riz et le parfum se pose sur la graine d’ambrette, le bois de santal, l’ambre et le daim. C’est un parfum poudré et gourmand, très androgyne et idéal en toute saison. Il mérite vraiment d’être découvert, essayé et porté. C’est un bijou et je le trouve trop méconnu.

« Plus que jamais léger, il promet une caresse.En avançant à pas de lune, le musc ici, oublie le fauve pour ne garder que son allure. » Parmi les univers parfumés les plus connus, il y a évidemment Serge Lutens et il m’était quand même difficile de passer à côté. Certes, les références sont nombreuses et il y a des parfums très connus et très vendus tels « Féminité du Bois » ou « Ambre Sultan » par exemple mais il y en a d’autres qui sont un peu moins sur le devant de la scène si j’ose dire et même dans la collection noire distribuée dans les parfumeries du circuit sélectif. C’est le cas, entre autres donc, de « Clair de Musc » créé en 2003 par Christopher Sheldrake autour, comme son nom l’indique, ce cette note réconfortante, lumineuse et cocon associée, je pense, à l’iris qui lui donne un côté poudré et encore plus « cocon ». La marque le décrit ainsi : « Une senteur pure, toute en transparence née du clair et doux reflet de la lune. Un parfum en clarté où le musc quitte son aspect animal pour revêtir son habit végétal ». Lorsque j’ai remis mon nez dedans, il m’a évoqué plusieurs choses. La première est un pull en cachemire, réconfortant au plus froid de l’hiver. La seconde est la caresse d’un foulard de soie sur le cou qui protègerait de une gorge délicate. La troisième est un écrin de coton et de satin dans lequel se glisser pour se sentir bien. Je trouve un peu de dommage que la douceur de « Clair de Musc » soit un peu éclipsée par les « poids lourds » de la collection. C’est un parfum parfait pour beaucoup d’amateurs et je pense qu’il mérite vraiment d’être redécouvert, porté et aimé.

Parmi les marques bien installées dans le paysage de la parfumerie de niche, il y a, bien évidemment la très subversive maison État Libre d’Orange crée en 2006 par Étienne de Swardt qui s’est assuré le concours de parfumeurs de talents à qui il donne carte blanche. Lorsque l’on parle de cette marque, on pense aussi aux bests que sont « Putain des Palaces » ou encore « Hermann à mes Côtés ne Paraissait qu’une Ombre » mais mes préférences vont plutôt vers des fragrances plus confidentielles dans la marque. J’en ai découvert plusieurs au cours de ces dernières années et il en est une dont je n’ai jamais vraiment parlé. C’est le cas de « Éloge du Traître » créé en 2006 par Antoine Maisondieu et décrit ainsi par Antoine de Swardt : « Il tisse dans l’ombre la toile de sa séduction et ses victimes s’y prennent avec délice. Amis, amants, qu’importe : on ne trahit jamais que ceux qu’on aime. Fidèle à ses désirs uniquement, le traître prend tout le monde par derrière — mais au moins ne se ment-il pas à lui-même. Lucifer au visage d’ange, il a érigé sa cupidité en Bible, et en connaît les lois sur le bout des lèvres. Qui l’embrasse signe sa perte — mais en redemande. L’histoire regorge de traîtres sublimes, érigés en héros : que seraient Caïn sans Abel, César sans Brutus, Cinna sans Auguste, Samson sans Dalila, Remus sans Romulus ? Ce parfum est un hommage à tous les Judas. Prix de vente : 30 deniers… ». Ambigu, étrange et facile à porter à la fois « Éloge du Traître » s’ouvre sur des notes de pin, de laurier et d’armoises très boisés pour aller sur un coeur de clou de girofle, de géranium légèrement mentholé et de jasmin pour se poser sur un fond de patchouli, de cuir et de musc tout à fait étonnant et très hors-norme. Sur ma peau, il évolue super bien et je pense vraiment qu’il devrait être plus mis en avant par la marque. J’ai adoré essayer ce parfum que je ne connaissais pas vraiment bien.

Trésors cachés, pépites méconnues, tels sont les quatre parfums dont j’avais envie de parler dans cet article et je sais qu’il y en a d’autres. Je les mettrais en lumières quand ils croiseront mon nez avec toujours le même plaisir. Je suis très passionné par le travail inventif des parfumeurs dans sa globalité et ma curiosité me mène à mettre mon nez sur des choses peu connues, oubliées et de faire de merveilleuses découvertes. Ces trois fragrances en sont vraiment la preuve. La parfumerie ne cessera jamais de nous surprendre et de nous séduire.