Pierre Guillaume Parfumeur, l'ouverture de la boutique lyonnaise
Nous avions déjà pas mal accès aux créations du parfumeur Pierre Guillaume à Lyon grâce à la très judicieuse sélection d’Anne de la Mûre Favorite qui nous a permis d’accéder à nombre de belles créations dans sa boutique nichée au coeur du 6ème arrondissement. J’en profite pour la remercier une fois encore pour son accueil toujours chaleureux, et la simplicité avec laquelle elle partage ses goûts et ses coups de coeur. L’ouverture de la boutique en nom propre de la marque au tout début de la rue Émile Zola, dans le carré d’or de la Presqu’île, tout près de la place des Jacobins si bien restaurée, m’a permis, étant donné qu’elle propose toute la collection, de faire de belles découvertes présentées par Pierre Guillaume qui parle très bien de ses créations et de ses inspirations. J'avais envie de parler de la boutique comme lieu et des découvertes que j’ai pu faire car le partage était aussi de la partie. Parmi ce que j’ai pu sentir, j’ai sélectionné cinq parfums dans les différentes collections et je dois dire que j’ai pu découvrir un univers parfois recentré sur des thèmes et parfois complètement éclectique. Je profite de cet article pour remercier Marion de la chaîne YouTube Des Paons Danse Cent Heures pour les pistes qu’elle me donne souvent à explorer dans les très nombreuses créations de la marque. Notre approche du parfum étant parfaitement subjective, je vais essayer de me référer à l’inspiration du parfumeur avant de vous livrer mes propres impression. Allez, je vous emmène dans les créations très foisonnantes de Pierre Guillaume.
Le tout premier parfum qui m’a surpris voire séduit est « Iris Oriental 14 » tiré de la collection numéraire et qui est un travail tout à fait déroutant qui est en fait une composition au coeur de laquelle cette matière première précieuse tient une place importante mais nous sommes très loin du solinote. Le parfumeur en exprime ainsi l’inspiration : « Un miel d’iris, baroque et radieux. Un Iris habillé d’un costume baroque ensoleillé : une intrigante robe orientale où le bois de Jinkoh animalisé s’allie à la richesse de l’absolu d’Iris et à la douceur du Miel de Figuier ». Pour moi, c’est un iris caché, boisé, un rien gourmand et épicé qui ne ressemble à rien d’autre. Dans ce parfum, la facette poudrée ou terreuse que produit souvent le rhizome d’iris n’est pas ce qui me frappe en premier. J’ai plutôt été impressionné par un côté à la fois un peu sombre et vaporeux comme s’il était transparent et tout en légèreté. Pourtant, il reste là, bien présent profondément identifiable. Je lui ai trouvé une élégance étrange. Lorsque Pierre Guillaume le qualifie de « baroque », je comprends parfaitement et j’adhère tout à fait. C’est un iris qui va vraiment surprendre, baumé, très profond et pourtant tout en finesse. J’ai beaucoup aimé ce parfum que je trouve très singulier et qui montre, une fois de plus que les possibilité du travail de l’une des reines des matières premières en parfumerie, sont infinie et qu’elle a encore de quoi nous surprendre.
Je ne connaissais pas vraiment la collection Contemplation aussi nous il était intéressant de mettre mon nez dans quelques créations de cette série de parfum très confidentiels. Là encore, j’ai marché sur les traces de Marion car je sais qu’elle a eu un engouement pour « Irizia Pearl » et elle m’en a parlé souvent. J’ai donc « fait mes devoirs » et il a été le premier que j’ai découvert. Je dois dire que je comprends son coup de coeur. « Un cocon de sève, de bois doux et de baumes… Entre Sève verte et fraîche et baumes doux et enveloppant la structure d’Irizia Pearl évoque les pulsations de sphères olfactives concentriques, formant un Cocon, dont elle est l’allégorie odorante. Toutes les notes apparaissent dés l’envolée et ne disparaissent vraiment jamais pour laisser place à d’autres. Toutes résonnent à l’unisson d’un cœur de Jasmin White Pearl, entouré d’une coque de baumes et de bois doux parcourus d’une vapeur de riz et de sève de santal ». Le mot « cocon » est presque un euphémisme car vraiment le côté enveloppant, réconfortant en diable de ce parfum à la fois presque amandé, poudré, légèrement vert et boisé avec également un côté baumé est comme une écharpe en soie ou en cachemire qui serait presque « isotherme ». En effet, je le crois facile à porter en toute saison en dépit d’une indéniable originalité. J’aime beaucoup ce que la marque décrit comme une vapeur de riz associé à cette variété de jasmin et au cashmeran. C’est une zone de confort universelle et pourtant « Irizia Pearl » ne ressemble à rien d’autre. Je pourrais tout à fait le porter et je le trouve d’un chic très contemporain. Il est typiquement un parfum qui pourrait devenir un classique.
Toujours dans cette collection Contemplation, j’ai été très agréablement conforté dans ce que m’évoquait son nom lorsque j’ai senti Habanera, également sorti en 2021. « Un ambre explosif et torride inspiré par le rythme lascif d’une danse sud-américaine, les peaux se frôlent et se cherchent, en un jeu de corps à corps sensuel. Habanera est un cortège de “baumes sous tension” portées par des volutes de tabac cubain, du cuir sur un accord copal du Mexique, safran et rose confite » tel sont les mots du parfumeurs pour traduire son inspiration et on y est ! Pour moi, en sentant cette rose confite, profonde, sombre et cuirée, j’entends comme une musique, un « tube » extrait de Carmen de Bizet chanté par Maria Callas au mythique concert de Hambourg. Elle est là, la gitane rêvée et « L’amour est un oiseau rebelle… ». C’est un parfum envoûtant, facetté qui traduit un univers très intense, presque subversif, presque bad girl ou bad boy. Je suis revenu à ce parfum toujours et encore. Je l’ai senti, ressenti, je n’arrivais pas à l’ôter de mon nez. Je ne pourrais sans doute pas le porter car il m’éloigne de mes goûts, mais j’adore le sentir. Je l’imagine sur une peau brune, entourée d’un halo de poussière de soleil. Je sais, c’est une impression un peu lyrique mais, comme le disait Carmen, « Si tu m’aimes, prends garde à toi » !
« Poire juteuse et chaleur boisée… C’est un verger oublié des rives du Lac de Côme sous le brun électrique d’un ciel d’orage… Le fruit frais, exprimé par des extraits naturels, dans une nouvelle concentration, la feuille et le bois de poirier y rencontrent les rameaux d’olivier et l’ambre gris ». Nous avons aussi senti et, pour moi c’est une découverte car je ne le connaissais pas, « Ciel d’Airain » issu de la Black Collection et créé en 2010. Je ne peux pas dire qu’il m’ait vraiment séduit au premier abord mais, je l’ai trouvé complètement inédit. Basé sur une association de bois de poirier et d’ambre gris, il pourrait paraître complètement incohérent sur le papier mais il faut le sentir. La marque le décrit comme boisé, casual, frais, fruité, mélancolique, poudré, propre, romantique, tendre et vert et c’est bien avec toutes ces élégantes contradictions que je l’ai ressenti. Il est d’une élégance indéniable et la douceur de la note de poire et de bois de poirier se charge des facettes infinies de l’ambre gris. Il change, tout le temps. Il est frais dans un certain sens mais sans pour autant être dénué d’une grande intensité. Il a presque un côté apaisant. Il est la chemise blanche un peu revue et corrigé par un styliste inattendu, la petite robe noire accessoirisée de manière qui pourrait sembler inappropriée. C’est un parfum qui m’a, en fin de compte, beaucoup plu par l’équilibre de ses notes et l’impression de n’avoir jamais senti rien de pareil.
Le coup de coeur de ce samedi est issu de la collection Contemplation et il s’agit de « Au Royaume des Femmes » que j’ai trouvé vraiment très duel comme la rencontre de deux univers. Lorsque Pierre Guillaume nous en a expliqué l’inspiration, j’ai tout de suite compris ce qu’il voulait dire et, ce qui est rare, j’ai eu l’impression de l’accord parfait entre deux mondes. « Sur les rives du lac Lugu, à l’orée de l’Himalaya, le pays des Mosuo est surnommé le royaume des femmes. Ce peuple d’anciens nomades, est une des dernières sociétés matriarcales de la planète : tous les privilèges, les pouvoirs reviennent aux femmes. Au royaume des femmes est une rose poivrée-fève tonka posée sur un lit de benjoin animalisé… un hybride entre guerrière tribale et diva disco, mon allégorie olfactive de l’empowerment féminin ». En effet, il y a vraiment un côté ethnique, baumé, très brut surtout à l’envolée puis vient cette note de benjoin très baumée, presque animale, presque charnelle qui va être sublimé par une rose poivrée très profonde et arrondie par la fève de tonka et complètement incongrue. Et pourtant, ça fonctionne et même très bien. J’ai eu une touche imprégnée de ce parfum sur moi toute la soirée et j’y suis revenu tout le temps. Vraiment je l’ai beaucoup aimée cette création que je trouve à la fois très immédiate et sophistiquée. Malgré un nom très genré, je le trouve tout à fait androgyne et je pourrais tout à fait le porter. En tout cas, c’est un parfum à découvrir absolument dans les boutiques en nom propres de la marque.
Vous l’aurez compris, je me suis laissé emporter par mes découvertes. Il y en a eu d’autres mais je ne veux pas être trop long. Il faut quand même que vous ayez envie de me lire jusqu’au bout. L’univers de Pierre Guillaume est foisonnant, divers et varié et je suis loin de tout connaitre et de pouvoir vous parler de l’ensemble des collections mais l’avènement de cette boutique permettra sans doute de faire de nouvelles découvertes et d’avoir très vite les nouveautés sous le nez. Pour ma part, j’en reste quand même, pour l’instant, et pour ne pas trop me disperser, à « L’Eau de Circé » qui est le parfum de la marque que je porte depuis le plus longtemps et pour lequel j’ai une tendresse mélancolique qui me suivra encore longtemps. Je louche aussi, à l’approche d’une saison plus froide, du côté de « Animal Mondain » qui avait été un énorme coup de coeur à sa sortie. En tout cas, il y aura sans doute d’autres découvertes dans la marque et je viendrai, avec plaisir, vous en parler.
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