Pierre Guillaume : Quatre parfums de la Collection Numéraire
L’avantage d’avoir sous la main une boutique Pierre Guillaume est que je fais des découvertes à chaque fois que j’y passe. J’ai donc décidé de commencer une série d’article dans laquelle je vais évoquer chacune des collections de la marque qui compte tout de même, globalement, à ce jour 99 références. La toute première a été celle que le parfumeur appelle Numéraire et dans laquelle, il aborde des thèmes regroupés sous un chiffre par exemple, le tabac avec « Cozé 02 » puis « Cozé Verde 02.1 » et ainsi de suite. J’ai préféré choisir des parfums qui m’ont interpellé sans vraiment explorer un thème ou un autre. Cette collection a été lancée en 2002 quand la marque s’appelait encore Parfumerie Générale. J’ai choisi quatre parfums que je trouve très représentatifs de la signature du parfumeur.
Commençons par le début et par le premier parfum « Cozé 02 » créé par Pierre Guillaume en 2002. Il ne m’était pas possible d’aborder cette collection sans parler de ce parfum que je considère comme fondateur de la marque car il fait appel à une émotion propre à Pierre Guillaume puisqu’il lui a été inspiré par la cave à cigare de son père. Contraction de « C’est Osé », « Cozé 02 » est un parfum atypique et très original que j’aime beaucoup sentir. Le parfumeur le décrit ainsi : « Une pyramide olfactive tronquée, pour cette première création élaborée autour de l’huile essentielle de Chanvre Indien (Canapa Sativa Seed Oil). La complexité olfactive de cette nouvelle extraction, méritait une construction originale et audacieuse capable de mettre en relief toutes les facettes de cet ingrédient rare et précieux. En lieu et place de la note de tête, le Chanvre Indien déconcertant et captivant annonce un jus riche et chaleureux. Son cœur est vibrant d’épices et de bois précieux : poivre, piment et café fusionnent et flamboient en prémices à la sensualité du bois d’ébène, la douceur gourmande et envoûtante du chocolat et de l’infusion de gousses de vanille Bourbon ». Si je veux le décrire, je dirais que c’est un cuir tabac un peu vert, avec une construction semi-chyprée, des notes un peu gourmandes. Je ne sais pas si c’est vraiment comme ça qu’il a été envisagé mais c’est mon ressenti lorsque je l’ai sous le nez. Lorsque j’en ai parlé avec Pierre Guillaume, il m’a révélé qu’il considérait la pyramide olfactive un peu « bancale » et que le parfum était presque une erreur de débutant autodidacte. Quand je le sens, je trouve un très beau tabac blond abouti et profond et d’une grande élégance. Je le préfère à « Cozé Verde 02.1 » certes plus facile et plus frais mais peut-être un peu moins exotique et mystérieux. Je ne peux rapprocher ces deux parfums de rien de ce que je connais. Il faut surtout les découvrir.
Je vais rester dans les parfums un peu cuir et très opulents avec « Arabian Horse 03.1 » créé en 2012 après « Cuir Venenum 03 ». Je ne parlerai pas de ce dernier car je l’ai beaucoup évoqué déjà et parce que je viens de découvrir le cuir très animal qui est le plus onéreux de la collection mais aussi le plus clivant à mon sens. « Le galop d’un cheval… Un cuir à la fois singulier et figuratif nous narrant la course d’un cheval à travers la campagne humide… La fragrance démarre par une fraîcheur végétale d’herbes humides, de sève, de fleurs sauvages et d’absolue narcisse. En cœur, le Cuir domine, habillé d’un surprenant accord “crinière de cheval” qui s’alanguit sur un lit de muscs animalisés. Cypriol coeur, bois et ambre apportent de subtils reflets orientaux à ce tableau équestre… C’est une fragrance riche d’évocation, qui vous emporte et vous transporte : chevauchant un pur-sang au galop dans la lande anglaise.. la terre humide, les fleurs sauvages et les herbes piétinées par la bête, l’odeur de sa crinière, la chaleur de sa fourrure… Cette richesse à un prix : celui de la complexité: outre l’utilisation d’ingrédients d’exception tels que l’Absolue Narcisse, l’Absolue Labdanum et le Cypriol Cœur, “PG3.1” est une formule dite “à tiroir” c’est à dire renfermant de nombreuses “bases” dont l’Ambre 83, la Calmode, l’Animalis ou bien encore l’Herbacuore. Le nombre record d’ingrédients la composant en fait une fragrance difficilement copiable et une de celles nécessitant la plus longue pesée de notre atelier ». Je pense que tout est dit. Le parfum m’a un peu rappelé l’esprit de « Corpus Equus » de Naomi Goodsir mais aussi, par certains côtés, de « Bandit » créé par Germaine Cellier pour Robert Piguet qui, aujourd’hui n’existe pas. C’est un parfum enveloppant, très intense, avec une note très animale et une autre très goudronné. Il ne sera pas pour moi mais je pense que, bien porté, il doit être vraiment très intéressant. Je le crois clivant, difficile mais vraiment bien réussi. Franchement, je trouve que « Arabian Horse » se doit d’être senti voire même essayé par les amateurs de cuirs. Il est tout aussi original que « Cuir Venenum 03 » mais peut-être encore plus animal. Vraiment, il sera le choix des audacieux.
« A la fois doux, vanillé, résineux, poudré, lacté et épicé le Benjoin de Siam est une résine d’une grande richesse olfactive rarement utilisée comme thème central en Parfumerie. Usant et abusant de notes rares telles que le Poivre de Kampot, le Tanakha de Birmanie ou le Miel du Laos, Pierre Guillaume nous livre une orchestration lumineuse, soyeuse et aérée, ciselant avec justesse, chacune des facettes de la matière balsamique brute. D’un baume aux reflets sépia, Indochine s’empare de l’éclat du Platine… ». Créé en 2011, « Indochine 25 » a été mon premier coup de coeur dans la Collection Numéraire. Je dois dire que le côté très résineux et baumé du départ m’a énormément séduit dès la vaporisation. Il est un peu construit à la manière d’un parfum de Serge Lutens avec un côté très doux, enveloppant et presque humide avec une facette sombre et une autre gourmande. Il y a quelque chose de très exotique dans ce parfum singulier. Hélas, sur ma peau, il évolue pas mal et perd le côté résineux et baumé pour prendre une facette musquée et cosmétique voire un peu crémeuse. Il ne matche pas et j’ai du me résoudre à ne pas le porter ce qui m’a beaucoup ennuyé car j’adore le sentir. Il faut toujours essayer les parfums car, si beaux soient-ils, quelquefois ils ne fonctionnent pas sur nous. C’est le cas pour moi d’ « Indochine 25 ». Peut-être que si Pierre Guillaume travaille à nouveau sur ce thème baumé et résineux, le prochain parfum me conviendra mieux. Ceci dit, « Indochine 25 » est beau, élégant et singulier. Il mérite tout à fait d’être essayé et réessayé.
J’aurais pu parler à nouveau de « L’Eau de Circé 05 » qui est mon parfum de la Collection Numéraire mais j’ai décidé de m’écarter un peu de ce chypre que j’aime tellement pour une fois pour aller vers un univers complètement différent avec un salin qui m’a beaucoup impressionné. Je remercie d’ailleurs Marion de la chaîne YouTube Des Paons Danse Cent Heures de m’avoir fait connaitre ce parfum. Il s’agit bien évidemment de « Limanakia 27 » que j’ai pas mal porté depuis que je le connais que Pierre Guillaume décrit ainsi : « “Sur les bords de la mer Egée, il vous faudra faire preuve de prudence au moment d’aborder les sentiers abrupts qui mènent à cet ensemble de plages rocheuses brûlantes et d’alcôves minérales bordées de cistes, propices aux étreintes… Limanakia”. Pierre Guillaume a souhaité évoquer l’animalité des peaux qui se mélangent et du parfum des buissons de ciste, en l’associant à l’odeur minérale des vents marins caressant les rochers brûlants. Un cocktail de salicylates et de cumin évoque une plage rocheuse, battue par les vagues et le soleil. Sa minéralité est rafraîchie par les accents aromatiques de l’armoise. Un cœur floral blanc oscillant entre jasmin, muguet et tiaré est coloré par les facettes épicées de l’immortelle et boisées des fractions de patchouli. L’animalité végétale de l’ambrain de labdanum vient réchauffer de son empreinte cuirée cette fraîcheur minérale, comme un vent chargé d’embruns s’engouffrant dans les buissons de cistes méditerranéens ». J’avoue que cette inspiration très sensuelle, voire érotique m’a un peu échappé. Pour moi, « Limanakia 27 » évoque avant tout les vacances et un littoral ensoleillé doté d’une certaine fraîcheur. Lorsque Pierre Guillaume m’en a parlé, je dois dire que j’ai mieux compris où il voulait en venir et, d’une manière non dénuée d’humour, il m’a expliqué la relation très nette entre son inspiration et un certain érotisme si on peut dire. En tout cas, « Limanakia 27 » est vraiment un « beachy » pas comme les autres, singulier et audacieux qu’il faut découvrir absolument !
À ce jour, la Collection Numérique compte plus de 50 référence et je ne les ai pas toutes essayées bien évidemment mais, même parmi celles que je connais, faire un choix n’a pas été facile. J’ai essayé de parler des parfums que je trouve particulièrement significatifs de l’esprit du parfumeur et de synthétiser mon propos au maximum. Je voulais absolument commencer par cette collection car elle existait déjà alors que la marque s’appelait encore Parfumerie Générale et c’est par elle que je l’ai découverte. Je pense que je reviendrai bien sûr sur d’autres créations au fur et à mesure que je les découvrirai mais cet article constitue une petite entrée en matière pour une collection basée sur les matières premières synthétiques ou naturelles mais, en tout cas, mises en valeur.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 226 autres membres